Résumé
La guerre afghane a façonné notre début de XXIe siècle. Elle est la plus longue et plus coûteuse guerre des États-Unis. À travers les récits personnels d’acteurs majeurs et de participants afghans, américains et français, ce film retrace les raisons de l’échec américain, mettant en regard celles qui ont conduit à la victoire des talibans.
Note d’intention
La guerre afghane est un cas d’école. Durant des années, le gouvernement américain et, par extension, le nôtre, ne nous a laissé qu’un choix : « Vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous. » Il n’y avait pas de place pour la remise en question des décisions politiques ou l’analyse critique du modus operandi des armées américaines et de l’Otan. Pourtant, malgré plus de 2 300 milliards de dollars dépensés par les États-Unis, la stratégie de construction de l’État afghan sur vingt ans s’est écroulée en quelques jours. L’armée afghane s’est évaporée presque sans combattre et le président afghan a pris la fuite.
Le vide a mis en lumière la dépendance du régime et de son économie à l’aide occidentale, la corruption et le désintérêt de l’élite dirigeante, des seigneurs de guerre et des soldats, soit une grande partie de l’appareil d’État construit et financé par la coalition. Au bout du compte, le peuple afghan qui a cru aux bonnes intentions occidentales a été abandonné comme un patient à qui l'on arrache sa perfusion. Après deux décennies de guerre, presque autant pour nous à travailler en Afghanistan, nous avons le sentiment d’avoir assisté à un monstrueux gâchis. Un château de cartes s’est effondré.
Le récent changement de régime nous donne enfin, à nous Occidentaux, la possibilité d’entendre ces hommes de l’ombre, les talibans. Nous faisons partie des rares à leur avoir donné la parole dès 2006, à plusieurs reprises. Mais dans des conditions rocambolesques, risquées et clandestines. Dans l’urgence.
De simples citoyens afghans et des décisionnaires peuvent, aujourd’hui, grâce à leur expérience personnelle, nous faire comprendre ces vingt ans d’échec occidental, mais aussi de résilience talibane. Il est temps de les entendre tous.
Intention de réalisation par Claire Billet
« Au lendemain du départ des Américains, il était impossible pour moi de ne pas retourner dans le pays.
Il fallait que je donne du sens, que je vois l’Afghanistan des talibans, ces hommes sortis de l’ombre. Je devais retrouver ceux qui n'avaient pas fui, parmi mes ami(e)s et relations. Des relations nouées dès mon premier tournage en 2004, lors de mes six années de vie en Afghanistan, puis quand j’y suis revenue réaliser plusieurs films, jusqu’en 2018.
Dès mon retour, j’ai commencé à choisir ceux avec et par qui je tenais à raconter cette histoire, ceux qui sont restés et certains des nouveaux maîtres du pays.
Parmi eux, Hamida Aman, dirigeante de Radio Begum, Ahmed Wali Haqmal, employé au ministère des Finances, et Abdullah Arsala, propriétaire terrien, que j’ai connus lorsque je vivais en Afghanistan. Mais, aussi, Qari Baryal, le gouverneur taleban de Kapisa, l’ennemi redouté de l’armée française, ou encore Sadia Alizaï, femme de manœuvre agricole et mère de neuf enfants, originaire de Kajaki, dans le Helmand. Je l’ai rencontrée, comme Mullah Azizur Rahman, clerc de justice dans la province du Logar, en octobre et décembre derniers.
J’ai aussi interviewé ceux qui sont repartis d’Afghanistan, comme Khalid Payenda, ex-ministre des Finances exilé aux États-Unis, Douglas Lute, l’un des principaux responsables de la conduite de la guerre au Pentagone et conseiller de la Maison-Blanche, et John Dempsey, négociateur depuis 2010 pour le Département d’État américain et connaissance de longue date.
Avec Sandra Calligaro, la cheffe-opératrice, nous avons voulu saisir l’Afghanistan tel qu’il est devenu. Nous sommes entrées dans les lieux de pouvoir avec des yeux neufs, pour donner à voir et entendre les talibans dans leurs nouvelles fonctions. Les austères rois d’un pays au bord du gouffre. Nous avons cherché ce qu’il reste de la Démocratie, les dessins de femmes aux murs, les écoles de filles, les ministères vides, le quartier ultra sécurisé des ambassades…
Nous avons sillonné l’arrière-pays, où la majesté des paysages et la nuit ne dissimulent pas l’immense pauvreté. Nous avons traversé ces campagnes de l’est au sud pour prendre le temps de poser et penser notre regard caméra, dans les régions qui nous étaient jusqu’alors quasi inaccessibles : les districts reculés des provinces de Kapisa, Ghazni, Kandahar, Helmand… Certains lieux que nous avons connus et filmés par le passé, comme Lashkargah ou Tag Ab, sont les symboles de cette guerre.
Ces régions ont été secouées par l’intensité et la longévité des combats. Ici, un sac de sable pare-balle est soufflé par le vent, des blocs de béton détruits, là une carcasse de véhicule blindé… Les vastes bases militaires sont à l'abandon.
Nous avons souhaité montrer ces restes de la présence militaire occidentale. Partout des visages qui nous scrutent en retour, sans ciller. Pour les habitants, certaines cicatrices sont invisibles. “Tout est en cendres, économiquement et spirituellement, nous a confié Abdullah, ami de longue date. Chaque feuille, arbre, oiseau, l’air… Tout le monde a été infecté.”
Nous disposons d’archives uniques, celles du précédent film d’Alberto Marquardt et Eric de Lavarène et aussi des films que j’ai tournés entre 2006 et 2011. Ces archives plongent dans le quotidien passé de la population afghane suivant nos grandes thématiques abordées : le retour des seigneurs de guerre, l’espoir du nouveau régime post-2001, la reprise des combats, la solution militaire américaine, une population rurale écartelée, la faillite de l’État afghan, les négociations tardives et le départ des Occidentaux révélant un pays misérable.
Nous avons mêlé ces archives aux scènes du présent, en écho et en abîme. »
Claire Billet
Auteure et réalisatrice, après des années passées à parcourir l’Afghanistan et le Pakistan, Claire Billet concentre son regard, depuis 2011, sur l’après-guerre. Quand il est question de migrations et de mémoires.
Le retour des filles soldats
Coréalisation du documentaire de 24', avec C. de Bonnaventure. (Quark Productions, 2020)
Afghanistan, the 40-year war
Coscénariste et co-auteure (Looks Film. Avril 2020, Arte. 4X52')
Cœur de pierre
Long-métrage documentaire de 89', co-éalisé avec O. Jobard, Quark Productions, 2019
Des humanitaires sur le chemin d’Allah
52' avec C. de Bonnaventure et O. Jobard, Hikari Films, Arte, 2019
Tu seras suédoise, ma fille
58', coréalisation avec O. Jobard, (Squaw Productions, France Télévisions, 2018
Comme une pluie de parfum
55', coréalisation avec O. Jobard, Hikari Films. Arte Thema. Sélection Prix Albert Londres 2016.
#JusticeforFarkhonda
23', Hikari Films. Arte.
Haya, rebelle de Raqqa
Coréalisation du court-métrage de 29' avec L. Saleh, France Media Monde. Arte. Grand Prix du Figra 2015, Prix Court Méditerranéen, PriMed 15. Sélection – Paris Courts Devant 2016
Le dernier calife d’Afghanistan
Co-écriture et réalisation du documentaire de 62' avec B. Dam, Hikari Films. Arte Théma. Lauréate du Prix de la Fondation Lagardère, auteur de documentaire. 2011.
Peace unveiled
Première caméra du film de 52' réalisé A. Disney et G. Reticker, PBS, 2010
Le jardin des femmes
Coréalisation du reportage de 27' avec L. de Matos, VM Prod. Arte. 2005
Éric de Lavarène
Il est le correspondant d’Arte dans les Balkans depuis 2020. Il a été précédemment en poste en Égypte (2015-2020), en Tunisie (2013-2015), au Pakistan et en Afghanistan (2003-2012).
Il a, notamment, réalisé :
Centrafrique, seigneurs de guerre et diamants de sang
M6, 2019
Libye, dans les prisons de haute sécurité
Arte Reportage, 2019
Égypte, à l’épreuve des droits de l’homme
Arte Reportage, 2016
Pakistan, invisibles au pays des purs
Public Sénat, 2015
Afghanistan, les pierres de l’impossible
Public Sénat, 2014
Hazaribagh, cuir toxique
Public Sénat, Prix jeunes Figra 2013
Ben Laden, les ratés d’une traque
Planète, 2007
Opium, le poison afghan
Envoyé spécial, 2006
Il a également co-écrit :
Alberto Marquardt (co-auteur)
Il a co-écrit et réalisé Afghanistan, le prix de la paix
Afghanistan, le prix de la vengeance, film documentaire de 90' réalisé par Alberto Marquardt (France 3, Étoile de la Scam 2013).
Moi sœur Alice
Documentaire de 90' et de 52' 1995-1998, France 2 Ciné Ojo (Buenos Aires)
La Nueve
70' et 52", 2002-2004, France 3, RTVE
Ils ont voulu le pouvoir
2 x 52', 2005, LCP
Il est aussi chef opérateur de prises de vues depuis 1988. Parmi ses dernières contributions, celle pour Un si long silence réalisé par Rémy Burquel, 90' pour France 2
Le monde en face
Présentation
Mélanie Taravant
Afghanistan : le prix de la paix
Déconseillé aux moins de 10 ans
90 min
Réalisation
Claire Billet
Ecrit avec
Eric de Lavarène et
Alberto Marquardt
Production
Point du jour – Les Films du Balibari
Luc Martin-Gousset
Avec la participation de
France Télévisions
Pôle documentaires
société et géopolitique
Renaud Allilaire
Sophie Chegaray
Directrice de l'unité documentaires
Catherine Alvaresse