Alain Juppé

Résumé

C’est l’histoire du conflit social le plus dur et le plus massif en France depuis 1968. Alliances contre nature, enjeux cachés, non-dits, coups de bluff, trahisons et règlements de comptes : voilà ce que révèle le décryptage de ces grandes grèves de 1995 avec, au cœur du tumulte, la figure d’Alain Juppé, « le meilleur d’entre nous », qui voit la situation lui échapper.

Note d'intention de Cédric Tourbe

À l’époque tout jeune étudiant, les enjeux de fond m’échappaient en partie, même si je me suis senti comme beaucoup de Français en empathie avec les grévistes du secteur public. Je garde surtout à l’esprit le froid mordant et les gaz d’échappement suffocants qu’il me fallait affronter quotidiennement comme des millions de Franciliens. Je me souviens également de l’entraide, du covoiturage, choses nouvelles à l’époque. Les gens semblaient certes résignés, mais aussi plus proches, plus ouverts à la discussion et aux rencontres. Décembre 95 est bien loin de Mai 68, ce n’est pas un moment joyeux mais édifiant.

L'année 1995 marque une rupture définitive avec notre « ancien monde », celui né de la Libération, de la croissance et de la recherche d’égalité, il s'agit de l’entrée dans le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si, au cœur de ce conflit où Alain Juppé fait figure d’épouvantail, se niche le brusque revirement de politique d’un président, Jacques Chirac, élu au nom de la fracture sociale et qui, six mois plus tard, entreprend exactement l’inverse, au nom des critères de Maastricht.

Je voulais décrypter cet événement, expliquer comment – par un concours de circonstances qui échappe à tout le monde – la machine s’emballe soudainement. Comment le plan de réforme de ce jeune et brillant Premier ministre – presque unanimement salué la première semaine (y compris à gauche !) – devient le chiffon rouge qui bloque le pays.

Il s’agit pour moi d’un thriller politique où chacun poursuit ses propres objectifs – qui ne sont pas nécessairement les objectifs affichés. Le président qui fait le gros dos et son Premier ministre qui accumule les maladresses, les trois grandes centrales syndicales (FO, CGT et CFDT) qui s’affrontent et jouent toutes très gros dans l’affaire, les millions de grévistes et tous ces Français ballottés par les événements mais qui soutiennent majoritairement et mystérieusement ce mouvement.

Alliances contre nature, enjeux cachés, non-dits, coups de bluff, trahisons et règlements de comptes : voilà ce que révèle la face cachée et très peu explorée de ces grandes grèves de 1995. Vu sous cet angle, c’est donc une tout autre histoire de ces grandes grèves qui apparaît, palpitante et parfois comique, en dépit des enjeux qui, eux, ne le sont pas du tout.

Pour réaliser ce film, j’ai bien entendu eu recours aux archives filmées de l’époque, qui sont innombrables. Je me suis également attaché à décrypter quelques moments de télévision – qui sur le moment m’ont considérablement marqué – et qui sont essentiels pour comprendre ce qui se joue en réalité.

De cette histoire qui a surpris tout le monde, aucun des personnages principaux n’est ressorti indemne. Elle a pour chacun d’entre eux rebattu fondamentalement les cartes et modifié leurs destins personnels. Pour les témoignages, je me suis donc intéressé à quelques acteurs directs : le porte-parole du gouvernement de l’époque, les figures syndicales, un gréviste et des journalistes qui couvraient les événements. Au final, ce documentaire donne à voir un monde qui disparaît et un autre qui naît, plus dur, plus inégalitaire : le nôtre.

 

 

 

Ecrit et réalisé par Cédric Tourbe

Produit par Agat Films, David Coujard

Montage Aurélien Guégan

Unité documentaires : Clémence Coppey, Emmanuel Migeot, Danièle Benichou

 

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