Hébron, Palestine, la fabrique de l'occupation

Hébron est la plus grande ville de Cisjordanie avec ses 215 000 habitants palestiniens. Au cœur de la ville, 800 colons israéliens et 17 unités de l'armée de l’État hébreu pour assurer leur sécurité et contrôler la population palestinienne.

Au bout de la rue, on trouve le tombeau des Patriarches où serait enterré Abraham (pour les juifs) ou Ibrahim (pour les musulmans), leur ancêtre commun. Les uns et les autres y viennent en pèlerinage.

Hébron est devenue l'une des zones les plus ségréguées, contrôlées et surveillées du Moyen-Orient.  

C’est aussi l’un des endroits les plus filmés au monde. Grâce à ces images et à des entretiens avec les commandants militaires d'Hébron, Hébron, Palestine, la fabrique de l’occupation raconte l'histoire d'un lieu qui est à la fois un microcosme de l'ensemble du conflit et un site d'essai pour les méthodes de contrôle qu'Israël met en œuvre dans l'ensemble de la Cisjordanie. Un récit implacable mené par les réalisateurs israéliens Idit Avrahami et Noam Sheizaf. Un film critique qui est devenu l’une des cibles du nouveau gouvernement israélien.  

Les intervenants (personnes interviewées ou présentes dans les archives) :
Muhammad Ali Ja'abari, maire d'Hébron de 1939 à 1976
Shlomo Gazit, premier gouverneur militaire des territoires occupés
Fahad Al-Qawasmi, maire d'Hébron de 1976 à 1980
Danny Rubinstein, journaliste spécialisé Palestine
Ariel Sharon, ministre israélien de l'Agriculture de 1977 à 1981
Noam Arnon, premier colon d'Hébron
David Levy, ministre israélien du Logement de 1979 à 1990
Michal Arbel, professeur de littérature
Miriam et Moshe Levinger, dirigeants des colons d'Hébron
Amnon Cohen, conseiller pour les affaires arabes auprès du ministre Moshe Dayan
Rafik Halabi, journaliste spécialisé Palestine
Ytzhak Rabin, Premier ministre israélien de 1992 à 1995
Freddy Zach, gouverneur militaire d'Hébron de 1980 à 1981
Abed El Fatach Jaida, commandant du secteur palestinien d’Hébron
Ronni Shaked, journaliste spécialisé Palestine
Fayzeh Abu Shamsiya, résident palestinien d’Hébron, photographe-vidéaste

Documentaire • Inédit de 52 min • Écrit et réalisé par Idit Avrahami et Noam Sheizaf • Directeur de la photographie Avner Shahaf • Enquête Noam Sheizaf • Narration Léonie Simaga • Musique originale Eric Shaw • Avec le soutien de Hot8 - Israël / France Télévisions / NFCT / Mifal Hapais (Fonds culturel de la loterie israélienne) / RTS / SVT / AB THÉMATIQUES / YLE / RTBF / CoPro • Sociétés de production associées au projet : Medalia Productions (Israël) • Temps Noir (Serge Gordey et Martin Laurent / France) • Filmoption International (Canada) • Clin d’œil films (Belgique) • 2023

Biographie des auteurs

Idit Avrahami est la réalisatrice et la cocréatrice de plusieurs séries et films documentaires qui ont été diffusés sur les principales chaînes de télévision israéliennes et ont été salués par la critique. Son court métrage documentaire Institutional Abduction (2019) a été présenté à la Biennale de Venise 2019. Idit a été journaliste à Haaretz. Elle est diplômée de l'école de cinéma et de télévision Sam Spiegel à Jérusalem et y enseigne actuellement la réalisation de films documentaires.

Noam Sheizaf est réalisateur de documentaires et scénariste. Noam a été le réalisateur de Meshulam, chef de la recherche et du contenu pour The Corridors of Power et The Human Factor de Dror Moreh ; et scénariste pour Lieberman (de Nurit Keidar). Noam a été journaliste et  rédacteur en chef dans plusieurs journaux israéliens, et le fondateur du magazine en ligne indépendant +972, auquel contribuent des journalistes israéliens comme palestiniens.

Note d'intention des réalisateurs

L'événement qui nous a conduits à vouloir réaliser ce film s’est produit à Hébron le 24 mars 2016 : deux Palestiniens tentent de poignarder des soldats israéliens à l'entrée d'une colonie dont la zone est contrôlée par l’armée israélienne. Un soldat a été blessé, et les assaillants essuient des coups de feu. Dix minutes, alors que l’un des deux Palestiniens, blessé, est allongé à même le sol, dans la rue Shuhada, celle-là même où notre film sera situé. Un infirmier de l’armée s’approche du blessé et le tue à bout portant. Cet événement est filmé et provoque une tempête politique en Israël qui conduira à la démission du ministre de la Défense, qui déclare avec force que l’infirmier doit être jugé. L’affaire Azaria, comme on la nomme en Israël, est née. Au fur et à mesure de nos recherches, nous nous sommes rendu compte que la particularité de cette affaire résidait dans le lieu où elle s’est produite, sans doute le lieu le plus filmé du Moyen-Orient depuis des années.

Nous nous rendons à Hébron et découvrons une réalité insensée, où toutes les normes de la vie démocratique sont inversées. Pour comprendre, nous faisons, en ce lieu bien précis, un voyage dans le temps et nous sont racontées des histoires proprement inouïes. Plus nous avançons dans notre recherche, plus il nous apparaît que ce lieu, cette rue d’un kilomètre au cœur d’Hébron, est propice à un travail cinématographique qui nous permette de saisir ce qu’il en est de l’histoire du conflit israélo-palestinien.

Il se trouve que notre histoire personnelle est liée à Hébron. Noam y a servi en tant qu’officier de Tsahal, l’armée israélienne. La famille d’Idit est liée à l’histoire de la communauté juive de la ville depuis plusieurs générations, bien avant la création de l’État d’Israël. Revenir à Hébron a été pour l’un et l’autre une expérience pénible. Nous avons cependant ressenti, par-delà nos raisons d’ordre personnel, que quelque chose de crucial se jouait à Hébron qui n’est pas suffisamment connu et discuté. Noam est le cofondateur de +972 Magazine, un magazine indépendant dirigé par un groupe de journalistes israéliens et palestiniens, qui fournit des reportages et des analyses fraîches et approfondies en provenance directe du terrain en Israël-Palestine. Idit a travaillé pour le journal Haaretz et son premier documentaire, The Boy Who Died of Fear, raconte la mort d'un jeune Palestinien entre les mains d'un colon juif en Cisjordanie. Nous sommes convaincus que les films peuvent aider à donner un sens au monde et à le changer pour le mieux.

En un monde où la manipulation et le contrôle des populations par les moyens technologiques, la puissance des armes, une architecture guerrière des murs et des clôtures, Hébron propose une image dystopique du futur, bien au-delà du seul conflit entre Israéliens et Palestiniens. Il montre ce qui se produit lorsque les institutions échouent, lorsque la loi cède à la force, lorsque l'extrémisme religieux devient une arme politique et lorsque l’égalité civique cède le pas à la domination ethnique. Hébron, c’est l’appel à la responsabilité des individus face à la chose politique, l'urgence d'une nouvelle pensée, fondée sur l'égalité des droits, le respect et la coopération des peuples pour un avenir meilleur.