Ziskakan, une révolution créole
Documentaire

Ziskakan, une révolution créole

Mercredi 19 avril 2023 à 01.35

Premier documentaire réalisé par Sébastien Folin, coup de cœur de l'Académie Charles Cros 2023, Ziskakan, une révolution créole raconte le combat identitaire et pacifique mené par les membres du groupe réunionnais Ziskakan depuis quatre décennies pour la valorisation et la transmission de la culture créole de leur île. Un film important qui porte la mémoire d'un pan méconnu de l'Histoire de La Réunion. Aujourd’hui, que reste-t-il de leurs actions ? Où en est le patrimoine culturel de La Réunion et la langue créole à l’heure de la globalisation ? Pour sublimer leur histoire authentique et unique, le documentaire est conté par Abd al Malik.

« Kriké ?... Kraké ! »*

Groupe pionnier créé en 1979, Ziskakan (« Jusqu'à quand » en créole réunionnais) a fait du maloya (musique et danse revendicatrices des esclaves) son cheval de bataille et sa force. Ce collectif d’artistes, intellectuels et militants – dont le leader et fondateur est Gilbert Pounia – est certes un groupe de musique, l’un des plus emblématiques de l'île intense, mais c’est avant tout une âme. Un esprit créole traduit à travers une association qui s’est battue pour faire reconnaître la culture créole. La poésie, les contes, les arts plastiques, la musique, étaient ses armes pout lutter contre l'oppression culturelle et l'effacement d'identité et dénoncer la violence sociale.

Dans les années 1970, la langue créole et ses avatars culturels étaient absents de l’espace public et dévalorisés par le pouvoir politique. Pour contourner la censure, des concerts clandestins et les fanzines distribués sous le manteau ont participé à la naissance d’un mouvement dont le ciment a été une solidarité sans faille. Pour la première fois, cette jeunesse réunionnaise racontait sa réalité et dessinait un portrait sans artifice de La Réunion. Une lutte que les membres de Ziskakan ont menée sur le terrain de la parole, à travers les contes, les poèmes et les chansons. 

L’héritage de Ziskakan est certes culturel, mais c'est aussi un encouragement à lever la tête et à éteindre la honte qui étouffe, malheureusement, trop souvent les envies d’émancipation et d’élévation sociale de la jeunesse. Depuis ses débuts, le groupe a fait découvrir à un public de plus en plus large une musique à l'image de la richesse culturelle de La Réunion (musiques indiennes, percussions africaines, textes créoles) et a aussi participé à révéler au monde les forces et la portée de cette culture.

Quarante-trois ans après la création du collectif, Sébastien Folin est parti à la rencontre de ceux qui ont fait l’histoire de Ziskakan. Dans ce documentaire intégralement tourné en créole réunionnais, les membres du groupe témoignent et nous brossent un portrait touchant et sans concession de La Réunion postcoloniale où ils ont évolué.

Aujourd'hui, alors que le groupe a fait le tour du monde, que le maloya est classé depuis 2009 au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité certifié par l’Unesco, et le créole enseigné à l’école, le film interroge ces pionniers sur leurs motivations, leur histoire et leur héritage. Avec de nombreuses archives collectées, le film est autant l’histoire d’un mouvement artistique que celle de la quête identitaire d’un bout de France de l’océan Indien. 

* À La Réunion, expression rituelle créole utilisée par le conteur demandant à son auditoire s’il est prêt à l’écouter.

52 min Réalisation Sébastien Folin • Production La Belle Télé avec la participation de France Télévisions • Direction de la stratégie éditoriale transverse du pôle Outre-mer Rémi Festa, Gabrielle Lorne • Directeur de la stratégie éditoriale du pôle Outre-mer Luc de Saint-Sernin • 2022

La langue est le lieu de tous les combats pour la dignité. Le film de Sébastien Folin magnifie la nécessité de la transmission et de l’art comme moyen de rester debout, en se connectant à une histoire qui ne laissera plus jamais personne sur les bas-côtés de notre Histoire collective — Abd al Malik

Note de Sébastien Folin, réalisateur

Ecrit et réalisé par Sébastien Folin, Ziskakan, une révolution créole est pour lui l’occasion de raconter son île à l’identité plurielle,à la croisée de trois continents.

Sébastien FolinQui suis-je ? Cette question n’est pas que philosophique. Elle est hautement politique. Je ne me la suis jamais posée tant que je vivais à La Réunion. Puis arrivé à Paris, il a fallu que je me définisse. Français d’ailleurs. D’ici et de là-bas, avec une injonction à m’intégrer dans mon propre pays en rejetant la complexité de mon identité, asiatique, africaine, européenne.
Pourquoi choisir ? Je suis une addition, je suis Français, je suis réunionnais, je suis créole. Mais loin de mon île, je me suis aussi rendu compte que des pans entiers de mon Histoire m'avaient échappé. Une désinformation et une aliénation culturelle institutionnalisée ont nourri mes préjugés sur ma propre identité. Grâce à mes lectures, mes rencontres, mes recherches, en marge des circuits officiels, j’ai redessiné un autoportrait plus fidèle à une réalité multiculturelle.
En réalisant et produisant Ziskakan, une révolution créole, j’ai poursuivi cette exploration intime et découvert des aspects méconnus de l'Histoire de mon île. La violence sociale et politique de La Réunion post coloniale mais aussi le courage, la créativité et l’exigence intellectuelle de ces jeunes artistes et militants à peine sortis de l'adolescence.
L’héritage de Ziskakan est certes culturel mais j’y vois aussi un encouragement à lever la tête et à éteindre la honte qui étouffe malheureusement trop souvent les envies d’émancipation et d’élévation sociale de la jeunesse.

Intentions de Maya Kamaty

Sur une idée originale de Maya Kamaty, fille de Gilbert Pounia et Anny Grondin, retour sur la genèse de ce documentaire.

Maya KamatyNous attendons trop souvent que les gens sen aillent pour dire ce quon éprouve. En tant que fille du leader du groupe Ziskakan, Gilbert Pounia, je ne veux/peux pas attendre la mort de mon père pour rendre hommage à son travail ainsi qu’à celui de toutes les personnes qui ont croisé la route de ce mouvement culturel et qui ont marqué, et marquent encore mon existence aujourd'hui en tant qu'artiste, mais aussi en tant que femme. 
Depuis toute petite, de nombreux débats, discussions, échanges, partages d'idées, moments musicaux inoubliables, ont rythmé mon quotidien. Avoir des parents artistes laisse des traces et même si j'ai voulu m'en défaire pendant mon adolescence, ces images me sont revenues en mémoire comme un effet boomerang. 
Pendant très longtemps, jai nié cet aspect de ma vie, de ma propre culture. Cette idée de documentaire a commencé à germer en moi en 2008 alors que j'étais jeune étudiante de 22 ans en Médiation Culturelle et Communication à Montpellier. C'est à l'occasion d'une recherche universitaire en sociolinguistique que j'ai choisi d'aborder le sujet du passage du créole au français et vice versa chez les étudiants réunionnais basés à Montpellier. Lors d'une tournée du groupe Ziskakan en France au même moment, j'ai eu l'occasion de poser quelques questions à mon père, afin de m'exercer à mener une interview en sociolinguistique. Cet entretien a déterminé mon envie aujourd'hui de partager toutes ces histoires.
Ce travail me permet en quelque sorte de « rattraper le temps perdu », d'essayer de chercher et de comprendre avec plus de maturité ce que je n'ai pas voulu voir pendant mes années d'adolescence, c'est-à-dire le combat qu'ont mené entre autres mes parents dans ce mouvement culturel, de comprendre leur rôle mais aussi de comprendre comment un tel mouvement a pu marquer des générations et changer la vision et le paysage culturel réunionnais.

Ziskakan, une révolution créole
Ziskakan, une révolution créole
Ziskakan, une révolution créole
Ziskakan, une révolution créole
Ziskakan, une révolution créole
Ziskakan, une révolution créole
ID de la video FTV Preview

Contact Presse

Isabelle Cibrélus
Chargée de Marketing Numérique Martinique La 1ère