Synopsis
Depuis son arrivée au pouvoir en 1949, un des projets fondamentaux du Parti communiste chinois est de restaurer la pleine souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine. La « pièce manquante » de cette Chine unique est la petite île de Taïwan. Depuis un demi-siècle, la Chine revendique cette île peuplée de 23 millions d’habitants comme une de ses provinces.
Ces dernières années, et encore davantage ces derniers mois, la tension permanente entre les deux voisins s’est intensifiée, au point que les militaires chinois sont aujourd’hui appelés « à se préparer à la guerre ». Des relations entre Pékin et Taipei qui se sont fortement détériorées depuis la prise de fonction en 2016 de la présidente taïwanaise Tsai Ing-Wen, dont le parti, le DPP, qui revendique l'autonomie de fait de Taïwan, et qui font planer la menace d’une nouvelle guerre.
Si Taïwan déclare l’indépendance, la Chine assure qu’elle lancera l’assaut. Si la Chine s’empare de Taïwan par la force, les États-Unis pourraient intervenir pour respecter d’une part leur accord de défense des Taïwanais et d’autre part leurs intérêts stratégiques dans la région. Mais ces menaces de guerre sont-elles aujourd’hui plausibles ? La situation entre Taïwan et la Chine pourrait-elle réellement déboucher sur un troisième conflit mondial ?
Pas si sûr, car l’archipel, longtemps oublié des gros titres, a su transformer son économie de façon spectaculaire. À tel point qu’elle est devenue le maillon indispensable des chaînes d’assemblage de l’industrie mondiale. En quelques années, TSMC a été propulsée entreprise « la plus stratégique de la planète » en devenant le numéro un mondial de la fabrication de puces miniatures. Une valeur stratégique qui donne à Taïwan un rôle central dans la rivalité technologique entre la Chine et les États-Unis. TSMC, objet de toutes les convoitises, se retrouve ainsi au cœur des manœuvres qui tendent à définir le nouvel ordre économique et géopolitique mondial et protège, pour l’instant, le petit archipel des menaces d’invasion de son voisin chinois.
Une métamorphose opérée par les Taïwanais depuis plusieurs décennies et qui reste une énigme. Énigme de réussite économique et démocratique. Énigme de survie d’un pays qui depuis des siècles fait face chaque jour au défi d’exister selon ses principes. Énigme diplomatique d’une île qui, sans reconnaissance internationale, navigue dans l’ombre du concert des nations. Énigme d’une population, d’une jeunesse qui vit sous la menace chinoise, et sous l’influence, subie, plus que souhaitée, des États-Unis. Ce film raconte le mystère taïwanais de 1949 à aujourd’hui. Offrant une plongée au cœur du détroit de Formose et un éclairage historique et géopolitique complet sur la situation en mer de Chine, il fait le récit de la construction de l’île en un objet politique hybride : ni une région ni un pays, mais un territoire qui ose enfin se démarquer de la Chine et qui veut s’affranchir de la tutelle des États-Unis. Un peuple qui revendique désormais une identité singulière.
Note d'intention
Ce film raconte d’abord l’histoire d’une résistance. Celle d’un archipel de 36 000 km2, à peine plus grand que la Belgique, face à la Chine continentale, le troisième plus grand pays au monde. Un territoire insulaire, convoité, occupé, mis au pas, à de multiples reprises. Un « pays » longtemps resté dans la marge discrète de la géopolitique mondiale, défendu par un allié intéressé (les États-Unis), et qui entend aujourd’hui profiter de son atout stratégique pour sortir de l’ombre de son protecteur et de son ennemi juré.
Comment raconter Taïwan si ce n’est dans tout ce qui l’oppose à la Chine ? L’insulaire est aussi fragile que la continentale est puissante. Elle est aussi démocratique que l’autre est autocratique. Elle est aussi ouverte sur le monde que sa voisine est nationaliste. Taïwan est, à l’heure où la Chine repousse, l’objet de toute notre affection. Plus la Chine nous fait peur, plus nous sommes séduits par Taïwan. Et pourtant, s’il faut aujourd’hui raconter Taïwan, ce n’est plus dans un portrait croisé avec tout ce qu’elle n’est pas. Il faut maintenant changer de prisme et tenter de comprendre, depuis Taïwan, quelle est son identité et comment elle compte aujourd’hui rayonner dans le monde. C’est la volonté de ce film documentaire.
Car l’archipel rayonne aujourd’hui comme jamais, grâce à l’infiniment petit : 5 nanomètres. Un millième de l’épaisseur d’un cheveu. Imperceptibles à l’œil nu, les microprocesseurs sont au cœur d’une lutte entre les deux plus grandes puissances du XXIe siècle, les États-Unis et la Chine. Une guerre froide de notre ère, où l’on se dispute non plus une hégémonie politique ou culturelle, mais technologique. Et l’ambition de ce film de montrer cette guerre du point de vue de l’île où repose la technologie la plus avancée du monde : Taïwan. Nous tentons de comprendre comment l’île doit se défendre et « gagner la guerre avant la guerre ».
Les enjeux géopolitiques qui meuvent les puissances mondiales sont inextricables de la question fondamentale qui habite Taïwan : qui veut-elle être ? Après l’enjeu géopolitique et militaire, l’enjeu technologique, c’est l’enjeu de société qui retient notre attention. Taïwan s’est construite sur des racines diverses : des populations autochtones, des colonisations européennes, des migrations chinoises sur plusieurs siècles, une forte influence japonaise et l’arrivée des sympathisants du généralissime Chiang Kaï-shek, à partir de 1949. Mais ce n’est que récemment que l’île a commencé à revendiquer une identité plurielle, notamment à travers les voix des plus jeunes qui s’arrogent le droit de proposer un nouveau projet de culture et d’identité singulier. Le récit historique, largement illustré par la richesse des archives disponibles, se confronte à l’univers contemporain d’une capitale, Taipei, symbole de cette société en mutation.
Pour raconter cette histoire complexe, nous avons fait le choix de nous placer résolument du côté de Taïwan et d’entendre ses voix les plus influentes aujourd’hui. Qu’il s’agisse de l’amiral Lee Hsi-min, ancien chef d’état-major de l’armée taïwanaise, de la ministre du Numérique Audrey Tang (ministre transgenre et porte-parole emblématique de Taïwan) ou de l’influent ministre des Affaires étrangères, Joseph Wu, comme de figures engagées de la société civile, à l’image d’Enoch Wu, jeune stratège taïwanais récemment repéré par le célèbre classement Time (next) 100 des personnalités à suivre, le film convoque les personnages les plus reconnus sur les questions géopolitiques que Taïwan doit aujourd’hui affronter. Le récit du film repose aussi sur la parole de Lo Yu-han, un jeune artiste taïwanais de 25 ans, qui incarne un nouveau discours sur Taïwan, sa place dans le monde et le rôle que cette génération, idéaliste et politisée, entend jouer dans la définition du modèle de société que Taïwan peut aujourd’hui proposer. Un film urgent, intrigant, à l’image des bouleversements qui traversent aujourd’hui Taïwan, territoire méconnu et pourtant essentiel à la marche du monde.
Wandrille Lanos
Biographie
Wandrille Lanos est journaliste et réalisateur depuis dix ans. Il débute à l’agence CAPA, où il réalise des reportages pour Canal+ et France 2. Il collabore pendant quatre ans à l’émission Cash Investigation (France 2). De 2015 à 2018, il est reporter à la rédaction du magazine Envoyé Spécial. Ses enquêtes et reportages lui ont permis de couvrir des thématiques de société en France, comme des sujets d’investigation internationaux, et l’ont mené sur les traces de mineurs migrants isolés en Europe, à bord des bateaux qui pratiquent la pêche illégale au large de l’Afrique de l’Ouest ou encore au contact des Indiens de la forêt amazonienne qui s’attaquent au géant pétrolier Chevron. Il vient de réaliser Bouddhisme, la loi du silence, un documentaire de 90’ pour Arte.
Ce débat sera suivi d'un débat présenté par Mélanie Taravant avec :
Wandrille LANOS, réalisateur du film
François WU, Représentant de Taïwan en France
Stéphane CORCUFF, Enseignant à Sciences Po Lyon, spécialiste de Taïwan et du monde chinois contemporain
Pierre HASKI, Chroniqueur géopolitique - France Inter
Inédit
Présenté par
Mélanie Taravant
70 min
Réalisation
Wandrille Lanos
Production
Brother Films
Avec la participation de
France Télévisions
Produit par
Emmanuel François
Alice Mansion
Pôle documentaires société et géopolitique
Renaud Allilaire
Sophie Chegaray
Directeur de l'unité documentaires
Antonio Grigolini
Ce programme est disponible
en visionnage sur france.tvpreview
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