Entre stylisation et satire sociale, Au bout du conte est un film choral, réalisé par Agnès Jaoui, qui brode autour de l'imaginaire des contes de fées tout en nous parlant de désordre d'amour.
Il était une fois une jeune fille qui croyait au grand amour, aux signes, et au destin ; une femme qui rêvait d’être comédienne et désespérait d’y arriver un jour ; un jeune homme qui croyait en son talent de compositeur mais ne croyait pas beaucoup en lui.
Il était une fois une petite fille qui croyait en Dieu. Il était une fois un homme qui ne croyait en rien jusqu’au jour où une voyante lui donna la date de sa mort et que, à son corps défendant, il se mit à y croire.
Réalisatrice Agnès Jaoui
Avec :
Agathe Bonitzer (Laura), Arthur Dupont (Sandro),
Valérie Crouzet (Eléonore), Jean-Pierre Bacri (Pierre),
Dominique Valadié (Jacqueline), Benjamin Biolay (Maxime),
Agnès Jaoui (Marianne), Laurent Poitrenaux (Eric)...
Co-production Les Films A4, France 2 Cinéma, Memento Films Production, La Cinéfacture, Hérodiade
Avec la participation de Canal +, Ciné +, France Télévisions, Memento Films Distribution, Memento Films International
Année 2013
Genre Comédie
Durée 112 minutes
Entretien avec Agnès Jaoui
Quel est le point de départ de Au bout du conte ?
Avec Jean-Pierre Bacri, on travaille toujours de la même façon, on prend un thème et on creuse : on a voulu réfléchir à la croyance, à partir du conte. On s’est amusé à traiter toutes les formes de foi et de croyances : la rumeur, les superstitions, ce qui reste des contes de fées dans la tête des gens, malgré eux. Il semble qu’on ne puisse pas faire autrement que de croire en quelque chose. On voulait parler de la nécessité ET de l’absurdité de la croyance. Et l’amour, au fond, c’est la crédulité la mieux partagée, c’est le conte de fées que chacun ou presque peut vivre au quotidien. Alors, on a imaginé des personnages qui avaient des référents empruntés au conte : on a ainsi écrit très vite l’histoire de Sandro et Laura avec cette idée que Cendrillon, cette fois-ci, était un homme. Et puis les personnages se sont multipliés.
C’est la première fois que vous mettez en scène des enfants…
Tant qu’on voyait ça de loin, on n’arrivait pas à écrire sur les enfants, on ne se sentait pas assez concernés, ni aptes. Mais on a vieilli, eu ou côtoyé des enfants, il fallait donc qu’il y en ait dans nos films, cela nous paraissait logique. On voulait aussi aborder la défaillance des parents, notamment à travers le personnage de Pierre.
Peut-on dire que le monde d’aujourd’hui, où les inégalités se creusent énormément, appelle le conte, comme un mensonge apaisant ?
Oui, on peut le dire. Les publicités à la télévision, les émissions ou les journaux people ce sont des contes. On essaye de nous faire croire que la vie des riches est un conte de fées. Et il y a aussi le loto, où l’on peut gagner des millions d’un coup, et ces émissions où l’on refait en un coup de baguette magique le look ou l’appartement des gens et où l’on rend riche et célèbre un inconnu. Par ailleurs, les contes traduisent la peur des adultes et nous vivons une époque particulièrement anxiogène et culpabilisante, la crise et la fin du monde sont omniprésents. A chaque fois que tu allumes la TV ou la radio, tu entends que la Bourse va s’écrouler, que la planète va exploser, et que c’est de ta faute en plus… Du coup, on croit à tout et n’importe quoi. On est bien obligé de se raccrocher à quelque chose quand on pense qu’on va mourir dans la seconde suivante.
Comment s’est élaboré le scénario ?
L’une des inspiration d'Au bout du conte est Into the woods de Stephen Sondheim, un compositeur dont Resnais est fan et qu’il m’avait fait découvrir. C’est une comédie musicale merveilleuse, où plusieurs personnages de contes se croisent dans un bois.
Pourquoi vos films sont-ils toujours des films de troupe ?
Au départ, cette envie est partie de notre expérience du théâtre, où on n’avait pas envie que des acteurs s’ennuient des heures dans les coulisses avant de dire leur réplique. Et c’est devenu comme une seconde nature : maintenant, quand on écrit des histoires, on n’arrive pas à faire autrement que d’écrire plein de personnages. J'aime aussi avoir des visages peu connus au cinéma. Je trouve que cela sert mieux l’histoire. Et si cela permet de les faire connaître, il n’y a que des avantages.
Propos recueillis par Claire Vassé