25 nuances de doc

Les soeurs Pathan

Mercredi 1er novembre à minuit

France 2 est fière de proposer pour une 7 ème saison l'espace documentaires : « 25 nuances de doc » ! Ce rendez-vous propose chaque mardi des films uniques, français, européens ou d’ailleurs, des films inédits ou des grands classiques. Son ambition est de mettre en avant le cinéma documentaire, avec des œuvres singulières et fortes, pour donner à voir un monde tout en nuances.


Résumé

Ahmedabad, dans l’Etat du Gujarat, le bastion politique des nationalistes hindous.
Rescapées des pogroms anti-musulmans de 2002, les soeurs Pathan vivent sous la protection de leur père, dans un quartier en marge de la ville. A mesure qu’elles grandissent, le passé les rattrape.

 

Note de la réalisatrice 
Prenant place au Gujarat, le bastion de la droite nationaliste hindoue, LES SOEURS PATHAN est une chronique familiale, intime et politique, centrée sur le point de vue de Sofia et Suzain, deux adolescentes qui vivent à Juhapura, un quartier musulman en marge de la ville d’Ahmedabad.

Initié en 2016, le film aborde le changement idéologique qui s'est opéré depuis les années 2000, avec la montée de la droite nationaliste hindoue. Leur idéologie, l’Hindutva, promeut un mouvement ethno-nationaliste et suprémaciste visant à faire de l'Inde une nation hindoue, faisant des minorités des citoyens de seconde zone — et en particulier les Musulmans, qui représentent 14% de la population, soit environ 200 millions de personnes.

Avec le Bharatiya Janata Party (BJP), dont fait partie le Premier ministre Narendra Modi deux fois élus (2014 et 2019), les nationalistes hindous sont devenus la principale force politique du pays.

Juhapura, le quartier où vit la famille Pathan et où est tourné le film, était un quartier mixte dans les années 70, où vivaient à la fois des Hindous et des Musulmans. Aujourd'hui, c'est le plus grand ghetto musulman du sous-continent indien, où vivent un demi-million de personnes. Ce quartier est un ghetto au sens sociologique du terme : c'est un espace où les familles sont poussées par la violence et la ségrégation résidentielle, mais c'est aussi un lieu où les gens emménagent, parce qu'ils se sentent plus en sécurité au sein de leur propre communauté.

Les soeurs Pathan, Sofia et Suzain étaient trop jeunes à l'époque pour se souvenir des événements, mais avant de s’installer à Juhapura, leur famille vivait dans un quartier à l’est de la ville. Elles ont survécu au massacre de la résidence de Gulbarg Society, une résidence musulmane dans un quartier hindou, au cours duquel 69 personnes ont été assassinées. Parmi ces victimes, la moitié de leur famille. L'affaire de Gulbarg Society et sa controverse sont très bien connues en Inde. Il s'agit de l'événement le plus violent et le plus sensible des émeutes de 2002, qui a eu lieu juste après que Narendra Modi (l'actuel Premier ministre indien) soit devenu ministre en chef du Gujarat. Parmi les 69 personnes tuées figurait l’ancien député Ehsan Jafri (Parti du Congrès) qui avait fait campagne contre lui quelques semaines auparavant. Quand la foule de militants hindous a attaqué la résidence, la plupart des familles, dont la famille Pathan, se sont réfugiées chez lui et l’ont vu passer des appels répétés pour demander de l’aide. Ce jour-là, la police était présente mais elle n’est pas intervenue. Au cours de la longue bataille juridique qui a suivi, la responsabilité de Narendra Modi a été directement mise en cause avant qu’il ne soit finalement disculpé en 2022.

A huis clos lorsque nous rencontrons les soeurs pour la première fois, cette histoire semble loin. Le film nous plonge d'abord dans leur intimité et dans leur vie d'adolescentes. Rapidement, elles abandonnent l'école et restent à la maison. Nous découvrons leurs stratégies quotidiennes pour se créer des bulles de liberté au sein de l’espace domestique. Elles gardent secrètement un téléphone qui les relie au monde extérieur. La perspective du mariage, qui semble lointaine au début du film, se rapproche au fil des années. Elle est d'abord écartée, puis tout à la fois redoutée et souhaitée. Mais très vite, le climat politique se dégrade et la violence refait surface. Dans les foyers, les nouvelles du monde extérieur s’invitent à travers le poste de télévision.
Nous sommes en hiver 2020, et l'Inde est secouée par les plus grandes manifestations depuis son Indépendance, en raison de l'adoption par le Parlement de lois controversées sur la citoyenneté, qui visent les musulmans. Les soeurs et leurs familles assistent au mouvement emblématique de Shaheen Bagh, de grands sit-in menés par des femmes musulmanes qui se sont répandus dans toute l'Inde et qui sont devenus un symbole de résistance pour défendre les principes d’égalité et de laïcité garantis par la Constitution. A mesure que les soeurs grandissent, se produit dans le film un mouvement vers le monde extérieur, et elles vont assister à l’une de ces manifestations dans leur propre quartier, Juhapura.

Un jour, un objet symbolique apparaît à la maison, la machine à coudre du grand-père, qui éveille l'intérêt des soeurs pour leur propre histoire familiale. Elles commencent à poser des questions. Le passé de la famille est si traumatique qu'il demeure jusque-là largement enfoui. Leur père semble muré dans le silence. Mais à mesure que le film se déploie, sa parole se libère. Le film raconte également la relation d’un père et de ses filles. Alors que les soeurs fouillent leur passé, leur lien avec leur père évolue et elles se rapprochent progressivement de lui.
Le traumatisme familial dont les soeurs ont hérité est également abordé de manière métaphorique à travers le sort de Suzain, l'aînée, qui est possédée par une sorcière depuis que sa mère a quitté le foyer. Adolescente, Suzain a souffert de terreurs nocturnes où elle rêvait sans cesse d'être attaquée, sans jamais être secourue. L'histoire de sa possession donne au film une dimension plus sombre et fantastique, incarnée par des paysages déserts et des ombres inquiétantes.

Le paysage urbain des marges, qui rappelle parfois les films de Pasolini, avec ses tours, ses terrains vagues et chantiers en construction, marque l’esthétique du film. Ces paysages en mutation sont à la fois des territoires d’exclusion et de ségrégation en marge de la ville, où les familles musulmanes ont été repoussées au fil des cycles de violence ; et des territoires pionniers, en transition, en train d’être façonnés. Ils reflètent d’une certaine manière l'état d'âme des adolescentes et leur avenir incertain.

En 2014, après que Narendra Modi a été élu pour la première fois en tant que Premier Ministre de l’Inde, j'ai décidé de retourner à Juhapura pour chercher des personnages possibles pour un film. Je connaissais le directeur d'une école privée créée pour soutenir la minorité musulmane après les émeutes de 2002 — le quartier étant délaissé par l’Etat et largement dépourvu d’infrastructures publiques. J'ai réalisé une quarantaine d'entretiens avec des enseignants et des élèves, à la recherche d'histoires à raconter.
Lorsque j'ai rencontré Sofia, j'ai eu une forte intuition. Elle avait 15 ans à l’époque. Elle m'a présenté son père qui a tout de suite adhéré à l'idée de faire un film sur leur tragédie familiale. J’ai été acceptée dans leur famille car leur père souhaitait que leur histoire soit racontée en dehors de l'Inde. J’ai également découvert que la famille avait déjà participé à un autre film, dix ans auparavant — le petit garçon qui ouvre le célèbre documentaire du réalisateur indien Rakesh Sharma, FINAL SOLUTION (2004), est le grand frère des soeurs. Rakesh Sharma a aidé la famille pendant de nombreuses années après la sortie du film. Le lien qu'ils avaient avec lui a certainement joué un rôle dans leur acceptation de cette nouvelle aventure documentaire avec moi.
Un lien fort avec les protagonistes était aussi pour moi la condition essentielle à la réalisation du film. Il me fallait surmonter l’obstacle de la langue. Pendant de nombreuses années, j'ai appris l'hindi afin de pouvoir travailler de manière indépendante sans interprète et créer une connexion unique avec les soeurs. Sofia, qui parle un peu l’anglais, m'a beaucoup aidée. Ensemble, nous avions l'habitude de mélanger les langues, ce qui nous a permis de développer une relation d'entraide. L'apprentissage de la langue et le temps passé avec la famille au fil des ans m'ont permis de développer une relation sincère et intime avec Sofia, Suzain et leur famille, qui est, je pense, au coeur du film. Pour  préserver l'accès intime que m'a donné la famille, j'ai choisi de travailler avec une équipe très réduite. Le directeur de la photographie et réalisateur Cédric Dupire a filmé pendant que je prenais moi-même le son, car cela me permettait de mieux me concentrer sur la langue. En raison des restrictions durables imposées par le COVID, j'ai finalement assurée seule le dernier tournage. J’ai fait appel au chef opérateur indien Aniket Deore, pour m’accompagner sur les tournages plus sensibles comme celui réalisé dans les ruines de Gulbarg Society.

Premier film de la réalisatrice, LES SOEURS PATHAN a été présenté en première mondiale à la Semaine de la Critique du Festival International du Film de Locarno 2023 où il a remporté le prix Zonta Club.
 


Le documentaire est disponible en visionnage sur
https://www.francetvpreview.fr/ 

et en replay sur
https://www.france.tv/france-2/25-nuances-de-doc/

25 nuances

 

Réalisation 
Eleonore  Boissinot

Produit par 
Claire Babany 

Production 
Dryades Films
avec la participation de France télévisions 

de la RTS en coproduction avec Lyon Capitale TV et Al Jazeera Documentary Channel avec la
participation du Centre national du cinéma et de l’image animée, avec le soutien de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en partenariat avec le CNC, de la Procirep – Société
des Producteurs et de l’Angoa, de Brouillon d’un rêve de la Scam
et du dispositif La Culture avec la Copie Privée, ventes Internationales Blooming Docs.

Ce film a bénéficié
du Fonds d’Aide à l’Innovation Audiovisuelle du CNC. Développé dans le cadre du
programme de formation EURODOC18.
Sélectionné au Sheffield Meetmarket 2020
 

Pôle Société & Géopolitique
France Télévisions
Catherine Alvaresse
Antonio Grigolini
Renaud Allilaire
David Amiel

 

CONTACT PRESSE

Laurence Guillopé
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