Mémé

Adapté du best-seller de Philippe Torreton, sorti en 2014, Mémé est le portrait tout en tendresse de celle qui a bercé l'enfance du comédien. À travers mille détails de sa vie, de ses gestes, de ses occupations, il nous immisce dans la vie simple de cette « Mémé », figure à la fois unique et universelle, ancrée en Normandie, au cœur d'un monde disparu, celui de la paysannerie.

Mémé est née avant le plastique, avant le téléphone, avant les maternités, avant la Première Guerre mondiale. C’est l’entrée dans l’ère du progrès et du confort que Philippe Torreton convoque dans le portrait de sa Mémé et le glissement progressif de nos sociétés vers trop d'objets inutiles, vers le pétrole ou encore une industrie agroalimentaire assez maligne pour vendre des camemberts pasteurisés à de vrais Normands. En scrutant les souvenirs de sa Mémé, Philippe Torreton regarde, sans concession, mais sans appuyer, la récente transformation de notre monde. Il regarde le monde d’avant-hier, le monde dans lequel sa Mémé est née. Il regarde le monde d'hier, celui de ses parents, et il nous regarde, nous, enfin : nos vies, notre ignorance du vivant, notre vie trop rapide.

Le texte adapté pour le documentaire est porté par la voix de Philippe Torreton avec la sensibilité qu’on lui connaît, de l’humour, beaucoup de tendresse et résonne incroyablement avec les très nombreuses archives amateures qui se mêlent aux images contemporaines et celles de la grande histoire. On y voit des mémés en blouse, des fêtes de villages, des dimanches attablés, les déballages de Noël, véritables instantanés d’une époque. Mais aussi, ce que cette campagne est devenue : quelques sous-bois préservés, des ronds-points, des zones commerciales, des engins gigantesques pour assurer des rendements intensifs.

À travers ce film se dessine une autre histoire, à rebours de tous les récits de la France glorieuse de nos livres d’histoire. Un récit qui, loin d'encenser le progrès, interroge ce que nous avons aussi perdu en nous précipitant dans la société de consommation. Sorti en 2014, ce texte résonne plus que jamais avec nos inquiétudes contemporaines et nos réflexions actuelles sur l’état  du monde. 

Bio des auteurs 

Philippe Torreton mène une brillante carrière de comédien entre théâtre, cinéma et télévision. Il a reçu de nombreux prix, dont un Molière pour le rôle de Cyrano dans Cyrano de Bergerac et a été récompensé par un César pour Capitaine Conan. Passionné par le verbe, les mots, l’écriture, Philippe Torreton est aussi un auteur talentueux et sensible : le portrait subtil et tendre de sa grand-mère dans Mémé (Les Arènes), le récit émouvant de l’enfance et de l’adolescence de son père dans Jacques à la guerre (Plon) ont bouleversé ses lecteurs. Il a publié plus récemment Une certaine raison de vivre (Robert Laffont), une vibrante Anthologie de la poésie (Calmann-Lévy), un voyage joyeux dans le chant du monde et cinq siècles de poésie de François Villon à Christian Bobin ainsi qu’une Lettre à un jeune comédien (Tallandier).

Après des études de sciences politiques et de philosophie politique, Camille Juza devient réalisatrice de documentaires sur l’histoire politique et culturelle. Depuis 2010, elle produit également des documentaires radiophoniques pour France Culture. En 2020, elle réalise pour France Télévisions un portrait de la France des Trente Glorieuses (De Gaulle bâtisseur, 90’), entre 2021 et 2023, pour Arte, un portrait de l’actrice Jodie Foster, deux séries documentaire – Tous musclés, Toutes musclées –, un portrait de Martin Scorsese.  En 2023, elle adapte le récit de Philippe Torreton, Mémé, pour France Télévisions.
 

Intention des auteurs 

Camille Juza

Travailler à une adaptation audiovisuelle de Mémé, qui parle à tous, mais qui est un récit très intime, est un vrai pari ! Tout l’enjeu était de trouver le bon registre d’images pour faire écho à ce texte qui mêle, à chaque page, l’infiniment petit, des souvenirs très personnels et une réflexion plus large, historique et politique.

Mais Mémé, bien qu’il soit un texte absolument singulier de Philippe Torreton, raconte une histoire commune et nous étions à peu près sûrs, très rapidement, de pouvoir l’incarner par des films de famille amateurs et anonymes. Cette certitude a été confortée au-delà de nos espérances !

Et puis, c’est un texte rêvé pour une documentariste, fourmillant d’anecdotes, d'humour, très incarné, mais qui sait glisser dans le tout petit, l’air de rien, un récit qui parle à tous. Un texte à la fois subjectif et universel, et particulièrement cinématographique. Le défi était pour moi de pouvoir convoquer toutes les images que Philippe Torreton nous délivre sans verser dans la nostalgie, l'image d'Epinal, dans l’illustration, mais au contraire, faire résonner image et texte pour faire ressortir la grande interrogation que porte son livre sur notre monde tel qu’il est devenu.

Philippe Torreton

« Mémé, si tu savais combien de gens m’ont écrit, combien m’ont interpellé à la sortie des théâtres, dans la rue, en vacances, partout, pour me dire tout simplement qu’ils se sont retrouvés dans ce portrait de toi. Ils y ont vu leur mémé. Ils y ont vu en tremblant, ces étreintes maladroites qui manquent encore aujourd’hui, même devenus grands, même devenus vieux, même devenues mémés ou mamies ou grands-mères. Je sentais bien, à chaque lettre, que c’est à toi qu’ils souhaitaient parler, moi dans cette histoire je n’ai fait que me servir de mon métier.

Dans les images qui vont suivre, tu te reconnaîtras mémé, j’en suis sûr, des tas d’images de comme toi, de comme moi, de comme nous en fait, tout ce peuple qui ne paye pas de mine… et il est immense ce peuple… »