À l'occasion de la diffusion de la nouvelle mini-série Tout cela je te le donnerai, nous avons pu nous entretenir avec David Kammenos qui tient le rôle de Manuel Ortigosa.
Le rôle...
Lorsque j'ai lu le scénario, je n'avais pas encore de rôle attribué. L’ensemble des personnages m’a plu, d’emblée. Puis, avec cette série, on renoue avec des codes familiers : une histoire se déroulant en Provence, dans un grand domaine, avec une grande famille. Mais, très vite, l'évolution des personnages part vers quelque chose de plus trouble. Il y a des petits grincements, des endroits qui dérangent. C'est ce qui m'a accroché dans un premier temps.
Après cette lecture, j'ai immédiatement rencontré Nicolas Guicheteau (le réalisateur, NDLR) qui m'a dit très peu de mots. Il tenait surtout à ce que le personnage ne soit pas une victime, qu'il ne s'excuse pas de vivre. Je trouvais cela très beau. C'était une ligne de pensée qui m'a donné envie de travailler avec lui.
Le deuil...
Je suis particulièrement sensible à la question du deuil : comment continue-t-on à aimer un être cher après sa mort ? Comment faire en sorte qu'il soit encore vivant ? Souvent, on a tendance à s'approprier son mort, à en faire mon mari, ma mère, mon père. Le « mon » qui fait qu'on reclut la personne dans son état, dans son entièreté. Et pour le personnage de Manuel particulièrement. Non seulement, il ne sait pas ce qu'il arrive à son homme mais il doit partager sa mémoire avec un ensemble de personnes qui lui étaient jusqu'à présent inconnues.
Ensuite, lorsqu'on est en deuil, on a besoin de se ressasser les derniers moments de vie de l'être cher ; et là Manuel ne les a pas. Il découvre aussi que son époux lui a caché tout un pan de sa vie. Comment fait-on le deuil d'une personne qu'on ne connaissait, peut-être, pas si bien ?
Le tournage...
Il y a quelque chose assez étonnant qui se produit, et souvent la réalité rejoint la fiction. Mon personnage est exclu de la famille, et arrive dans ce domaine qui n’est pas le sien. De même, je suis arrivé sur des décors qui n’étaient pas les miens, où les autres acteurs étaient déjà présents depuis quelques jours. Cette organisation dans le tournage a fait corps avec la façon dont se déroule l'histoire de mon personnage.
Pour mes scènes avec Bruno Solo, la réalité n'a pas rejoint la fiction*. Le cinéma a permis d'avoir une immédiateté dans nos relations. Dès la première lecture, j'ai senti qu'il avait très envie de défendre son personnage et jouer dans cette série.
L’homosexualité de votre personnage…
C’est marrant votre question, et votre difficulté à la formuler. Lors du festival de La Rochelle, un jeune homme m’avait interviewé et avait eu la même difficulté à formuler sa question. En posant cette question on touche à quelque chose entre le sujet et non-sujet. Dans notre société, ce n’est globalement plus un sujet. Et en même temps, à l’écran, avoir un personnage principal homosexuel sans en faire le sujet est rare. C’est après avoir tourné cette série que j’ai appris que pour la première fois un personnage principal de série télévisée France TV était homosexuel. Avoir cela il y a dix ans sans que ce soit un sujet aurait été impossible.
Relations avec France Télévisions...
France Télévisions a une grande fidélité envers moi. Il y a donc une attention de leur part et une vraie confiance dans les rôles qui me sont proposés. Et je suis à chaque fois étonné que ça vienne me toucher à un moment de ma vie où ça m’intéresse. Au fur et à mesure de notre collaboration quelque chose s'est construit, et c'est encore mieux que ce soit avec le service public.
* Dans cette série, les relations entre Richard Saugier (Bruno Solo) et Manuel Ortigosa (David Kammenos) sont très tendues dans les premiers épisodes.
Propos recueillis par Clara Luc