Édouard Bergeon, l'entretien

Pour la diffusion des Femmes de la terre, Édouard Bergeon, le réalisateur, revient sur l'histoire de ces femmes agricultrices.

Pourquoi raconter l'histoire de ces femmes ?

J’ai voulu raconter l’histoire des femmes qui, comme ma mère et mes grands-mères, n’avaient pendant des années aucun statut. Elles ont dû attendre les années 1980 pour obtenir le statut d’exploitante agricole et puis 2012 pour qu’elles soient vraiment l’égale de leur mari dans le GAEC (Groupement agricole d'exploitation en commun). Aujourd’hui 28 % des agriculteurs sont des agricultrices, et ce pourcentage de femmes dans les écoles agricoles est encore plus élevé*. Ce film montre comment les femmes sont devenues actrices du monde agricole.

Néanmoins, beaucoup de travail reste à faire. Pendant les blocages de ces derniers jours, certaines femmes ont pris la parole mais elles restent minoritaires. Dans les coopératives et organisations agricoles, il y a encore une large majorité d’hommes.

* En 1975, 20 % des étudiants de l’enseignement supérieur agricole long (études agronomiques, vétérinaires et de paysage) étaient des femmes. En 2020, elles représentent 62 % des effectifs. S’agissant de l’enseignement technique : à la rentrée 2020, les filles représentent 48,6 % des effectifs des élèves, des apprentis et des étudiants de l’enseignement supérieur agricole court (BTSA).

Source : https://agriculture.gouv.fr/legalite-femmes-hommes-et-la-mixite-dans-lenseignement-agricole

Quelle approche ont-elles de leur travail ?

Ayant surtout suivi des éleveuses, toutes vous le diront, et les hommes le confirmeront, qu’elles sont meilleures avec les animaux. Elles voient des choses différentes, elles s’impatientent moins, elles sentent plus vite si l’animal ne va pas bien. Leurs gestes sont plus précis. Il est certain qu’elles ont quelque chose en plus.

Puis, grâce aux machines, les femmes peuvent faire le même travail que les hommes. Certains diront qu’elles n’ont pas la même force physique. Certes, mais un homme de 50 ans avec un dos abîmé par le travail et l’effort sera moins efficace qu’une femme qui travaille normalement.

La technologie a ainsi permis une évolution dans les tâches qu’effectuent les femmes. Elles peuvent se faire aider parfois, mais toutes considèrent que leur travail est autant celui d’un homme que celui d’une femme.

Les hommes avaient souvent tendance à reprendre l'exploitation de leur père, qu'en est-il pour les femmes ?

Il y a une grande variété de configurations. Dans celles que nous rencontrerons, Claire s’est associée avec ses parents et son frère, Anne-Cécile a repris l’exploitation de son père, Lucie s’est installée avec son mari. Traditionnellement, l’homme reprenait l’exploitation de ses parents mais cela a tendance à changer. Par exemple, la jeune Angélique Picard (12 ans) s’imagine reprendre l’exploitation de son père alors qu’elle a un frère plus âgé. Et aujourd’hui ses parents pensent que si leurs enfants en ont envie, ils leur permettront de reprendre l’exploitation à part égale.

Lorsque les femmes deviennent agricultrices, comment sont ensuite réparties les tâches au sein du foyer ?

Pour le cas de Christiane Lambert, la répartition des tâches a été totalement inversée. Mais cela varie forcément en fonction des familles. Même si une partie des tâches ménagères peut avoir tendance à peser plus sur les femmes, celles que j'ai pu rencontrer arrivent à se faire respecter. En leur absence, elles savent que leur exploitation ne s’écroulera pas. Ce sont des femmes fortes et combattantes, qui font valoir leurs droits. 

Propos recueillis par Clara Luc