Communiqué de presse
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Alors que le 8 mars 2024 marquera les 10 ans de la disparition du MH370, la série MH370, la vérité disparue, de Benoît Bringer revient sur les théories autour d'un des plus grands mystères de notre époque. Le réalisateur évoque les raisons qui l'ont poussé à réaliser ce documentaire et sa manière de travailler le sujet.
Vous traitez un sujet qui a déjà été abordé de nombreuses fois, comment y apportez-vous un nouvel éclairage ?
Dès le début, nous avons choisi de dire que nous n’allions pas résoudre le mystère, ni apporter une réponse là où les meilleurs experts, ingénieurs et spécialistes ont échoué depuis dix ans.
Beaucoup de documentaires abordent les choses d’un point de vue très technique. Nous n’avons pas voulu faire une série sur un crash aérien, mais davantage le récit d’une disparition et la quête de vérité qu’elle entraîne. Il y a un aspect très humain et psychologique que nous avons voulu mettre en avant en étant au plus près des personnages. D’abord en retraçant 10 années de recherche de justice, puis en se plongeant dans le scénario incroyable de cette histoire.
Autre chose de nouveau, nous avons travaillé sur le très long terme, ce qui nous a permis de recueillir le témoignage de personnes qui n’avaient jamais pris la parole, que ce soit du côté des victimes, de la Malaysia Airlines ou des proches du capitaine.
Justement, comment s’est passée la prise de contact avec ces témoins ?
Toutes les personnes, qu'il s’agisse des familles des victimes, leurs proches ou ceux qui ont passé une partie de leur vie à enquêter sur ce mystère, veulent que la vérité éclate enfin. Pour ça, il faut continuer à faire vivre l’histoire afin qu’elle ne tombe pas dans l’oubli.
C’est grâce à ça que nous avons pu recueillir des témoignages, en leur expliquant ce parti pris de travailler au long cours. Six épisodes, cela permet d’entrer dans les nuances.
Nous sommes aussi allés sur place pour les convaincre, d’abord sans caméra pour gagner leur confiance. C’est une relation qui s’est bâtie avec des années de travail.
Vous combinez les codes du thriller psychologique et des histoires humaines qu’il faut traiter avec sensibilité. L’équilibre était-il facile à trouver ?
Tout au long de la fabrication de ce documentaire, dans les prises de contact, les interviews qui ont été menées, le montage et la restitution, nous avons veillé à être respectueux des paroles de chacun. C’est un équilibre difficile à trouver.
Ce drame interdit tout jugement, nous nous retrouvons face à une douleur que peu de gens connaissent et il faut le prendre en compte dans le traitement que nous en faisons. Beaucoup de puissance peut se dégager d’une œuvre, un documentaire, sans le surcharger en effets musicaux, ni de montage. La sobriété donne encore plus de relief au caractère extraordinaire des choses, en y apportant un côté brut. Et dans ce documentaire, il me semble que c’est un pari réussi.
Était-ce important de vous placer du côté des familles et des proches des disparus ?
Ce qui est précieux dans le documentaire, c’est de pouvoir amener le spectateur à vivre une situation exceptionnelle qu’il ne vivrait pas sinon. Le métier de documentariste est de permettre au public de voir et de sentir par procuration ce qu’il ne peut pas toucher d’habitude.
L’idée était de retranscrire l’expérience qu’ont pu traverser les protagonistes de cette histoire. Nous avons choisi de ne pas avoir de voix off journalistique ; on vit l'histoire à travers le regard des personnages. Cela permet aussi de ne pas asséner aux téléspectateurs une vérité à cette histoire qui n’a pas de fin.
Il me paraissait important de montrer le traitement médiatique autour de cette affaire. Le regard de nos protagonistes permet de ressentir la manière dont la machine médiatique s’emballe et comment le drame peut alimenter les réseaux sociaux.
Vous explorez beaucoup de pistes dans la série, tout en différenciant les thèses plausibles et les théories qui relèvent du complotisme, pourquoi ce choix d’être exhaustif ?
Nous souhaitions souligner, par l’écriture de la série, que l’absence de réponse conduit à imaginer les théories les plus folles. Cela raconte quelque chose sur notre époque. Une des personnes interviewées l’explique : les gens essaient de combler le vide.
C’est aussi ce qui provoque cette fascination pour le mystère. Cette affaire a un caractère vertigineux où tout devient possible.
Pour autant, nous ne devions pas mettre toutes les thèses au même niveau : le but est de rappeler des vérités et partager les éléments dont on est sûrs - même s’ils sont peu nombreux - et qui contredisent les théories qui ne reposent sur rien.
Nous voulions aussi faire un vrai travail journalistique rigoureux, qui fait suite à l’enquête menée par les journalistes de Society.
Sur l’affaire en elle-même, l’aviez-vous suivie en 2014 ? Comment s’est passé le travail de recherche plus tard ?
Personnellement, j’avais suivi l’histoire de loin, je l’avais en tête en arrivant sur ce projet mais sans connaître tous les détails. Quand Federation Studio et So Press m’ont proposé de réaliser cette série, j’ai trouvé la matière fascinante pour un documentaire.
Au tout départ, quand Society a écrit son papier en 2016, ils avaient l’ambition de trouver l’avion. En se plongeant dans l’histoire, ils ont compris que les histoires humaines étaient beaucoup plus intéressantes. L’intention même du projet a changé. Cet événement a un côté historique, c’est l’une des plus grandes énigmes de ce début de siècle. Le documenter dix ans après est important. Je me dis que ce projet, avec d’autres, pourrait peut-être inciter la reprise des recherches. Il ne faut pas que ce sujet soit écarté ou oublié, les autorités doivent sentir que la pression persiste au travers de la parole des victimes. La société leur doit une réponse et je serais heureux que le documentaire y contribue même modestement.
Propos recueillis par Lucile Canonge