Hugo Clément part à la découverte du sol de la France : il met les mains dans la terre et découvre que ce n’est, souvent, plus un monde qui grouille de petites bêtes mais un sol sans vie, sec, une terre qui s’effrite. Où sont passés les vers de terre ? Comment des agriculteurs se battent-ils pour continuer à cultiver tout en gardant un sol vivant ?
Édito de Hugo Clément
On s’inquiète souvent des espèces en voie de disparition mais on ne se préoccupe jamais de l’état de notre sol : les vers de terre, les bactéries, les champignons… Comment vont-ils ?
Nous avons voulu nous intéresser à ces quelques centimètres sous nos pieds quand on marche dans la nature. Nous nous attendions à tomber sur un monde qui grouille, à une vie souterraine foisonnante. Nous avons découvert une terre sèche, qui s’effrite. Ce sol qui nous nourrit peut disparaître les jours de fortes pluies, parce que la terre ne se tient plus.
Un chiffre m’a particulièrement marqué : 89 % du sol agricole français est dégradé, selon l’Institut européen des sols. Tout cela à cause des pratiques de l’agriculture intensive : le labour profond, les pesticides mais aussi des engrais azotés. J’étais persuadé qu’un engrais dopait la nature, aidait tout l’écosystème de la terre. Nous avons compris qu’il cible uniquement la plante et qu’il appauvrit considérablement le sol autour. Pire, les engrais peuvent polluer des réserves d’eau potable : nous avons recensé plus de 700 points de captage d’eau en France qui ont été fermés à cause des nitrates, issus notamment des engrais azotés.
Ce que nous avons découvert, tous les agriculteurs le savent bien. Beaucoup se battent pour changer de pratiques. Certains épandent des fertilisants naturels à base d’urine humaine ou utilisent de nouvelles machines pour désherber sans abîmer le sol. Certains agriculteurs conventionnels, (qui utilisent des pesticides de synthèse) décident même d’arrêter de labourer pour maintenir un sol vivant en pleine santé.
Des séquences exceptionnelles
Exclusif : un agent de l’État censé contrôler les agriculteurs dénonce les pressions qu’il subit
Pour protéger les sols, les agriculteurs doivent semer des cultures sur leurs champs tout au long de l’année. C’est obligatoire dans la plupart des régions de France.
Nous avions prévu de filmer un contrôle du respect de cette règle avec les services de l’État, sur une exploitation. Mais la veille de notre venue, le préfet a décidé d’annuler notre tournage. Un fonctionnaire de la préfecture nous a expliqué, en off, qu’il préférait ne pas tendre les relations avec les agriculteurs. Il parle d’une « FNSEA hardcore » réprésentante d’une « agriculture tournée vers l’export » et reconnaît que le principal syndicat agricole français fait pression sur les services de l’État censés les contrôler. Dans la foulée, un agent nous a révélé que sa hiérarchie l’incite à ne pas faire de contrôles trop poussés.
Quand les sols appauvris finissent par disparaître définitivement
Un sol cultivé de manière intensive perd toute sa capacité à retenir l’eau ; il est sec, sans vie, sans structure. Quand des grosses pluies arrivent, il finit par s’en aller sous forme de coulée de boue. C’est pourtant uniquement dans ces quelques centimètres de terre fertile que nous pouvons cultiver nos aliments.
Où sont passés nos vers de terre ?
Nous avons tous appris que les vers de terre sont essentiels dans nos jardins, qu’ils participent à la qualité de notre terre. Nous avons fait des prélèvements en plein milieu d'une terre agricole où l’on s’attendait à ce qu’ils pullulent et nous n’en avons pas trouvé ! Le labour, les engrais, les pesticides, qu’est ce qui les fait fuir ?
Exclusif : 89 % des sols agricoles français sont dégradés
C’est une carte qui fait froid dans le dos : 89 % des sols agricoles français sont dégradés, selon les scientifiques de la Commission européenne. Biodiversité en berne, érosion, perte de matière organique… Toutes les régions sont concernées.
Enfin un robot pour désherber en protégeant le sol
C’est un débat chez tous les agriculteurs : pour désherber, il faudrait choisir entre labourer profondément la terre (et donc dégrader le sol) ou utiliser des herbicides chimiques. Il existe une autre solution qui ne demande aucun produit toxique et respecte la terre. C’est ce robot électrique : nous l’avons observé au milieu d’un champs de betteraves.
Des combattants
Céline Pélosi
Enfant, elle rêvait de travailler sur les grands singes. Et puis, Céline Pélosi s’est prise de passion pour les vers de terre ! Des petits êtres moins photogéniques, certes, mais tout aussi fascinants. Elle a décidé de leur venir en aide en leur consacrant toutes ses recherches, à l’Inrae d’Avignon. Scientifique engagée et pétillante, elle nous fait découvrir le rôle essentiel des lombrics dans la fertilité des sols. Elle espère déclencher une prise de conscience à travers son travail pour que les pratiques agricoles changent et respectent enfin les vers de terre des champs.
Jonathan Kirchner
Agroforesterie, rotation des cultures, légumineuses… Sur sa ferme près de Toulouse, Jonathan Kirchner met tout en œuvre depuis des années pour avoir le sol le plus riche, le plus vivant, le plus fertile. Cet agriculteur passionné nous alerte sur le rôle clé de notre terre non seulement pour nous nourrir, mais aussi pour nous protéger des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes.
Présentation
Hugo Clément
Production
Winter Productions
Production
Régis Lamanna-Rodat
Hugo Clément
Rédaction en chef
Pierre Grange
Réalisation
Thomas Raguet
Unité documentaire
Antonio Grigolini
Xavier Grimault
Benoît Raio de San Lazaro
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