Indochine, une guerre oubliée

Il y a 70 ans, la France quittait dans l’urgence une colonie dont elle n’était définitivement plus souveraine.

Pourtant, alors que le pays semble enfin en mesure d’affronter son passé impérial, la focale se trouble lorsque l’on s’arrête sur l’Indochine. La guerre de décolonisation la plus violente du XXème siècle semble s’être évaporée des mémoires collectives.
De cette guerre ne subsiste qu’une image, un symbole qui scella en 1954 près d’un siècle de colonisation : Dien Bien Phu.
Une bataille qui concentre les fantasmes et attise les imaginaires. Un siège de 56 jours qui dissimule pourtant une réalité bien plus complexe, en somme, l’arbre qui cache la forêt. Car de l’image d’Épinal de la colonie modèle et du sacrifice militaire constamment rebattu à l’écran, il ne reste quasiment plus rien, sinon l’ombre d’un conflit lointain, comme étranger. 

Au regard de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre du Vietnam, la guerre d’Indochine fait bien pâle figure.

Alors que le conflit algérien suscite depuis des décennies une véritable politique mémorielle, l’Indochine s’est figée en un souvenir toujours plus distant.

Et pourtant… Ce conflit mérite que l’on porte un nouveau regard.

En raison du nombre de victimes : plus d’un demi-million de morts côté vietnamien, 25 000 morts côté français, auxquels s’ajoutent le double dans les troupes coloniales.

En raison du traumatisme subi par les forces et les colons français, ainsi que de la sensation de trahison qu'ils ont ressentie à l’égard du pouvoir politique.

Mais, en raison aussi des silences vietnamiens. Car si une victoire éclatante a été remportée par Ho Chi Minh, elle s’est accompagnée d’immenses purges et d’un exode massif de Vietnamiens fuyant le joug communiste.

C’est dire toute la complexité d’un conflit victime de ses ombres et de ses silences.

Le film entend donc comprendre cette guerre aux multiples facettes : à la fois guerre coloniale, guerre d’indépendance, guerre civile et conflit de la guerre froide.

Il se place au sommet, en envisageant les stratégies, les calculs, les jeux des dirigeants tout en se rapprochant de la réalité vécue au ras des rizières, au plus près des combattants et des civils.

Il est grand temps de poser un regard froid sur une guerre brûlante pour en saisir, sans passion mais avec émotion, ses enjeux profonds.

Après des décennies d’amnésie, Indochine, une guerre oubliée rouvre ainsi les dossiers sensibles d’une période charnière longtemps négligée. En nous inscrivant dans la continuité de Décolonisations, du sang et des larmes, notre volonté est de poursuivre l’ambitieuse démarche mémorielle initiée par cette série qui a profondément marqué les esprits.