INTERVIEWS
Interview vidéo croisée de Christopher Thompson, Nicolas Duvauchelle et Guillaume Gouix
Interview vidéo de Christopher Thompson
Interview de Christopher Thompson et Jean Cottin
Le réalisateur Christopher Thompson et le producteur Jean Cottin (Les Films du Cap) nous parlent des atouts de cette adaptation feuilletonnante aux décors et au casting remarquables, et aux enjeux intemporels.
Unifrance : Qu’est-ce qui vous a donné envie de porter sur le petit écran la saga historique de Robert Merle ? Quel est votre rapport personnel à ces romans ?
Christopher Thompson : J’ai lu Fortune de France quand j’étais adolescent. J’avais gardé en mémoire l’émotion du roman d’initiation, la saga familiale, un pays plongé dans la guerre civile qui cherche une voie. Je pensais depuis longtemps que c’était une source riche pour une série qui raconterait des grands thèmes intemporels liés aux histoires de famille à travers une époque qui apparaît comme un lointain miroir de la nôtre. Cette première saison se concentre sur une grande histoire d’amour contrariée par des croyances qui s’opposent ainsi que le passage à l’âge adulte d’une génération qui doit apprendre à garder son humanité dans un monde polarisé et violent.
Dans quelle mesure êtes-vous resté fidèle au récit des romans, et comment vous en êtes-vous distancié ?
C. T. : Le roman est construit comme une chronique, qui est une forme de récit difficile à adapter à l’écran. Du roman, avec mes coscénaristes, nous avons puisé dans la galerie foisonnante de personnages, le quotidien d’une famille dans un monde en plein chaos. Et aussi une certaine musique des dialogues. Mais nous avons beaucoup travaillé à une réécriture des personnages, notamment les personnages féminins, revus au prisme des questions qui traversent et secouent la société contemporaine : la place des femmes, le rejet de l’altérité, la monté des intolérances. Je pense que nous avons pris de grandes libertés, renforcé les enjeux dramatiques, tout en restant fidèles à l’esprit humaniste du roman.
Il s’agit de votre second projet de série, après le succès de Bardot en 2023. Qu’est-ce qui vous plaît dans le format sériel ? Qu’est-ce que cela vous a permis en termes d’écriture pour Fortune de France ?
C. T. : Le format de la série offre une grande liberté de récit avec la possibilité de suivre des personnages dans le temps, de les faire grandir et évoluer. J’aime aussi l’idée de renouer avec une tradition du feuilleton qui rappelle les sagas d’Alexandre Dumas ou de Dickens.
Vous avez fait le lien entre cette histoire et un western classique, est-ce quelque chose que vous aviez en tête pour la mise en scène ? Quelles ont été vos inspirations de manière générale ?
C. T. : La référence au western a été évoquée par nous dès l’écriture. Il y a dans ce château isolé, loin de la capitale, quelque chose qui rappelle le fort assiégé souvent évoqué dans les films mettant en scène la mythologie de la « conquête » de l’Ouest. Il y a la proximité avec la nature, les grands espaces. Comme dans le western, nous sommes dans un monde qui dicte ses propres règles et qui échappe partiellement au pouvoir central. Pendant le tournage, les références au western ont continué à s’imposer, notamment ceux de John Ford. Il y a d’ailleurs une référence directe à Fort Apache de Ford, dont la séquence du mariage est inspirée.
Comment avez-vous réuni l’équipe artistique autour du projet, et notamment ce casting remarquable ?
Jean Cottin : Christopher Thompson s’est entouré très vite et très en amont d’une équipe de chefs de poste d’expérience, notamment Benoît Cissilkiéwitch à la déco, Benoît Chamaillard à l’image et Nathalie Chesnais, cheffe costumière qui avait précédemment travaillé sur ceux du film La Reine Margot.
La direction artistique était d’avoir un rendu très réaliste en appuyant sur le fait que Fortune de France est un récit du quotidien depuis un château de province et non pas dans les palais royaux de la capitale.
Concernant le casting, il y a eu un travail de préparation très en amont de Christopher Thompson et du directeur de casting Michaël Laguens. Fortune de France raconte l’histoire d’une famille, les Siorac, et d'un château où maîtres et serviteurs vivent en communauté. Nous avons un casting important sur trois générations d’acteurs : des enfants, des adolescents et des adultes.
On a d’abord priorisé le choix des duos qui constituent le casting. Nous avons tout d’abord le duo des seigneurs de Mespech, avec Jean de Siorac et Jean de Sauveterre. Le choix de Nicolas Duvauchelle et Guillaume Gouix a été déterminé dès le début. Nous avons également le duo du couple Siorac, Jean et Isabelle. Le pari du casting était de faire découvrir au grand public un visage nouveau, ce qui a déterminé le choix de l’actrice belge Lucie Debay. Enfin, nous avons le duo des « méchants », avec les rôles du baron de Fontenac, interprété par Grégory Fitoussi, ainsi que celui de Gamelin, joué par Antoine Gouy.
Le reste du casting a été constitué comme une troupe de théâtre. La particularité de Fortune de France étant de faire vivre la communauté des membres du château de Mespech.
Les paysages périgourdins, le château, les grandes chevauchées et les costumes sont impressionnants, comment avez-vous trouvé ces lieux de tournage ? Comment s’est passé le travail de recherche historique pour retranscrire fidèlement cette France du XVIe siècle ?
J. C. : Le parti pris artistique et de production a été de tourner la série intégralement en décors naturels comme ceux du récit imaginé par Robert Merle.
La série a ainsi été intégralement tournée dans le Périgord, notamment dans deux châteaux. Ainsi, le château de Fénelon a été transformé en château de Mespech, et celui de Beynac est devenu le château de Fontenac.
Nous avons par ailleurs recréé la place centrale de Sarlat en 1567 en utilisant le château de Biron comme un studio à ciel ouvert. La plupart des intérieurs ont été tournés au château des Bories, qui se situe également dans le Périgord.
La particularité de Fortune de France, pour une série historique, est d’avoir énormément de décors extérieurs naturels, cela appuie son réalisme. 65 % de la série a ainsi été tournée en décors naturels extérieurs. Et 100 % en décors naturels.
Le travail d’écriture a été appuyé par les recherches historiques effectuées par Baptiste Roger-Lacan, qui est coauteur de la série et agrégé d’histoire, et a ainsi permis d’ajouter beaucoup de détails de vie quotidienne très réalistes et historiquement justes.
Avez-vous des anecdotes de tournage à partager ?
J. C. : Concernant la production de la série, nous avons dû faire face à une pénurie de costumes d’époque en Europe. Nous avons donc mis en place, six mois avant le début du tournage, un atelier de fabrication afin de pouvoir créer les nombreux costumes de la série.
Propos recueillis par UniFrance