Temps Fort Semaine 36 2024
"Gramoune" est un mot de la langue créole. Empreint de tendresse, il désigne, sur l'île de la Réunion, les personnes âgées, les grands-parents, les anciens, ceux et celles qui ont atteint l'âge béni de la sagesse.
Comme leurs aïeux, ces anciens ont vocation à transmettre, aux plus jeunes, leur expérience, leur savoir et leur vécu. Mais notre époque actuelle tend dorénavant à leur refuser cette mission naturelle.
Les vieux quartiers et les villages des Hauts constituent, sur l'île de La Réunion, des lieux chargés de mémoire, de récits de vie et d'Histoire. Dans ces écarts se dressent encore les vestiges visibles de l’ancien monde créole, cette île d’antan dont le parfum singulier ne flotte plus désormais que dans les souvenirs de nos "gramounes". Ce mot créole, si affectueux, si tendre, désignent, à La Réunion, les Anciens, les vieilles personnes, les grands-parents, ceux et celles qui ont atteint l'âge béni de la sagesse.
Dans ces îlots de la mémoire insulaire, les vieux habitants vous livrent, avec simplicité et bonhommie, au coin d'un feu de bois, les anecdotes de leur quotidien d'autrefois devenu tellement insolite à nos yeux. Ils vous parlent de leurs recettes de cuisine créole comme du visage intime de leur famille, de leur amour et de leur mariage, de la fierté ressentie aujourd'hui à l'égard de leurs petits-enfants. Puis viendront les souvenirs des beaux jours de l'enfance, les remugles aussi du temps de la Grande Guerre, avec l'évocation des affres de la misère et de la faim, les tickets de rationnement, la solidarité humaine, la débrouillardise de chacun et ces histoires tristes de jeunes gens ayant quitté l'île pour s'en aller défendre la Mère-Patrie en danger. Peut-être finiront-ils l'entretien par une vielle rengaine chantée a capella ou alors par l'un de ces contes effrayants qui agitent encore leur imaginaire, histoire de vous immerger dans l'irradiant magnétisme du surnaturel créole.
Ne pas les écouter serait sacrilège, car leurs récits fascinants comme leurs mots surannés ne forment en vérité qu'une seule et même "Parole". Ils incarnent ensemble le "Verbe ancestral" de l'île de La Réunion. C'est une "Voix collective" qui transporte, jusqu'à nos consciences d'individus du XXIème siècle, un patrimoine immatériel que nous sommes bel et bien sur le point de perdre : la précieuse "mémoire créole".
Le projet de ce documentaire est celui d’aller concrètement à la rencontre d'anciens habitants de l'île de La Réunion vivant dans des lieux excentrés, à l'écart, du moins isolés des grandes villes, afin de recueillir auprès d'eux, dans ces "poches spatio-temporelles" si l'on peut dire, une parole et une mémoire "authentiques".
Ces entretiens filmés se nourriront nécessairement de leur vécu personnel, de leurs souvenirs, de leurs anecdotes, mais aussi de leurs analyses intimes quant à l'évolution de leur île depuis plus d'un demi-siècle.
C'est donc une sorte de "paysage mental" qui devrait ressortir après coup, où le témoignage individuel de chacun des intervenants, faisant la synthèse de six ou sept décennies d'existence, pourrait nous sembler converger les uns vers les autres, pour trouver finalement un sens global et commun, pour devenir une seule et même "parole".
Mais pourquoi s'éloigner des villes ? Pourquoi choisir nos témoins dans des lieux à l'écart, dans les villages des Hauts de l'île, dans les vieux quartiers du pays ? La raison en est simple : c'est là, en ces lieux à l'écart du reste de l'île, que la tradition orale semble avoir le mieux survécu à La Réunion. Du fait sans doute d'un mode de vie un peu moins occidentalisé qu'ailleurs, mais aussi de communautés familiales plus stables et dynamiques en termes de transmission de l'héritage culturel, c'est dans ces endroits-là que la vibration de l'ancien "monde créole" nous semble la plus sensible et la plus prometteuse. Nous avons donc sélectionné plusieurs territoires de l'île, au regard de ces paramètres ; des lieux que nous aurons à repérer et où nous aurons à chercher des relais et personnes-ressources, avant de pouvoir procéder aux diverses captations.
Les vieux quartiers et les villages des Hauts constituent, sur l'île de La Réunion, des lieux chargés de mémoire, de récits de vie et d'Histoire. Dans ces écarts se dressent encore les vestiges visibles de l’ancien monde créole, cette île d’antan dont le parfum singulier ne flotte plus désormais que dans les souvenirs de nos "gramounes". Ce mot créole, si affectueux, si tendre, désignent, à La Réunion, les Anciens, les vieilles personnes, les grands-parents, ceux et celles qui ont atteint l'âge béni de la sagesse.
Non loin de Bras-Panon, s’élevait jadis l’habitation de M. Veyrières, maître de la grande usine du coin qui ferma ses portes vers 1860 et qui avait massé, au pied du rempart, dans des camps de fortune, les esclaves et engagés d'autrefois. Leurs nombreux descendants, de nos jours, ont su perpétuer leurs traditions, leurs croyances, leurs histoires mêlées, leurs cultes sacrés, faisant de Paniandy, de la Cour-L’Usine, de Bengali ou de Vincendo, des quartiers à la croisée des origines et des religions (marches dans le feu, cérémonies malgaches, fêtes chrétiennes). C'est un coeur palpitant, qui bat aujourd'hui encore aux pulsations du maloya ancestral le plus envoûtant de l'île.
Dans les Hauts de La Réunion, plus au Sud, se trouve le "gafourn" (coin perdu) de Piton Hyacinthe. Ce village constitue lui aussi une véritable "poche spatio-temporelle", où l'on a le sentiment de se retrouver profondément immergé en terres créoles. Le mode de vie campagnard se dévoile comme un miroir assez fidèle de la vie d'antan, avec son quotidien de labeur et d'impératifs aussi divers que nombreux.
Dans ces îlots de la mémoire insulaire, les vieux habitants vous livrent, avec simplicité et bonhommie, au coin d'un feu de bois, les anecdotes de leur existence d'autrefois devenue tellement insolite à nos yeux. Ils vous parlent de leurs recettes de cuisine créole comme du visage intime de leur famille, de leur amour et de leur mariage, de la fierté ressentie aujourd'hui à l'égard de leurs petits-enfants. Puis viendront les souvenirs des beaux jours de l'enfance, les remugles aussi du temps de la Grande Guerre, avec l'évocation de ces affres de la misère et de la faim, les tickets de rationnement, la solidarité humaine, la débrouillardise de chacun et ces histoires tristes de jeunes gens ayant quitté l'île pour s'en aller défendre la Mère-Patrie en danger.
Peut-être finiront-ils l'entretien par une vielle rengaine chantée a capella ou alors par l'un de ces contes effrayants qui agitent encore leur imaginaire, histoire de vous immerger dans l'irradiant magnétisme du surnaturel créole.
Ne pas les écouter serait sacrilège, car leurs récits fascinants comme leurs mots surannés ne forment en vérité qu'une seule et même "Parole". Ils incarnent ensemble le "Verbe ancestral" de l'île de La Réunion. C'est une "Voix collective" qui transporte, jusqu'à nos consciences d'individus du XXIème siècle, un patrimoine immatériel que nous sommes bel et bien sur le point de perdre :
la précieuse "mémoire créole".
Notre film entend célébrer l'impérieuse nécessité de cette transmission de l'héritage oral, en mettant concrètement en scène un dialogue entre "gramounes" (les anciens) et "marmayes" (les enfants). Il s'efforcera ainsi de dévoiler ces trésors intimes auxquels peut nous ouvrir, en tant qu'être humain en construction, ces échanges intergénérationnels ; toutes ces richesses essentielles qui peuvent nous être transmises par nos "anciens" et contribuer ainsi, de façon élémentaire, à une meilleure connaissance de soi, de sa culture, de sa langue maternelle, de son identité et de son histoire collective.
Dans les faits, nos interviews de vieilles personnes seront conduites par des enfants venant de leur village, voire de leur propre famille. Il s'agit donc bien de la scène suivante que nous allons précisément avoir à filmer ; celle de vieux habitants et d'enfants qui entretiennent un dialogue, où les plus jeunes se montrent curieux et posent les questions. Sur un plan pratique, comment allons-nous procéder pour cette mise en scène d'un dialogue intergénérationnel ?
L'influence de ces enfants sur la matière du film sera notable, car ils auront certes un questionnaire de base, mais garderont néanmoins une marge, un "libre-arbitre" dans le fil de la conversation ; ce qui leur offrira la possibilité de faire preuve de spontanéité, de s'engager sans frein dans un dialogue "réel" avec le "gramoune" interviewé. Cette marge d'action orientera inévitablement les échanges vers une conversation de plus en plus naturelle et franche. Cela influera sur la nature même des interviews ainsi que sur leur tonalité. Cette liberté laissée aux intervenants déterminera sans doute la durée de chaque captation. Les enfants, au bout du compte, voudront sans doute s'enquérir quant au degré d'épanouissement de leur vieil interlocuteur dans la société actuelle, devenue si différente de celle connue dans leur jeunesse. À l'inverse, les "gramounes" pourraient eux aussi évaluer l'état de bonheur de leurs jeunes interlocuteurs dans la société d'aujourd'hui, en comparaison de leur époque. Ces perceptions subjectives autour des notions de "confort matériel" et de "bonheur réel" pourraient fort bien se confronter, voire s'affronter à un moment donné, et offrir ainsi davantage de relief encore à nos dialogues intergénérationnels.
Nous laisserons, en outre, à nos intervenants, la possibilité de choisir eux-mêmes le décor de leur entretien filmé, en leur demandant simplement de faire sens avec le contenu de leur témoignage. Cela favorisera certainement le choix de décors intimistes (maison des vieux habitants, jardins, etc.) ou alors emblématiques du lieu géographique choisi (paysages naturels, sites de vestiges et de ruines : chemin de fer, usine sucrière, bâtiment ancien, etc.).
Notre film, dont le PAD (Prêt-à-diffuser) est prévu pour le 15 avril 2024, affichera à ce titre certaines ambitions ; celle de construire un récit filmique captivant et émouvant avec la matière de ces témoignages vivants et authentiques ; celle aussi de célébrer l'idée d'une régénération possible des liens entre générations et de l'héritage culturel à travers la transmission orale.
Ces vieux habitants de La Réunion, qui vont être interviewés, vont se trouver en mesure de pouvoir léguer aux jeunes générations, par l’image et le son, une parcelle de ce patrimoine immatériel, une part de cette "mémoire créole" qu'ils détiennent. Si la société d'aujourd'hui leur a impunément retiré cette mission, notre documentaire entend clairement s'inscrire dans le registre de la considération positive et de l'affection à l'égard de ces transmetteurs de notre héritage culturel. C'est la raison pour laquelle, nous voulons faire ce film et avons choisi ce titre Gramounes.
Nos "gramounes" vont être placés au centre de ce documentaire, pour en incarner le cœur, l'âme et la chair vivante. Tout cela trouvera valeur de symbole pour l'île de La Réunion tout entière, mais pas seulement puisque nous parlons ici tout simplement de ce qui fonde notre Humanité et nos relations humaines...
Présentation : Elyas Akhoun
52 min
Durée : 52 minutes
Documentaire de création
Réalisateur : William Cally
Producteur : Kapali Studios Création
Avec la participation de
France Télévisions
2024