Les raisins du Reich

Résumé

Le monde viticole français entretient une légende tenace. Durant l’Occupation, nos grands terroirs auraient été pillés par l’Allemagne nazie. Or, de récents travaux d’historiens spécialisés, associés aux conclusions de l’enquête du journaliste Antoine Dreyfus, coauteur de ce film, prouvent que la réalité est tout autre.

Affairisme débridé, collaboration active de nombreux grands négociants, l’occupation allemande a permis à beaucoup d’amasser de très confortables revenus, alors que la population française vivait mal les rationnements et les privations de tous ordres.

Ce documentaire révèle des épisodes étonnants, telle l’histoire du Clos du Maréchal, une parcelle de vigne précieuse des Hospices de Beaune, offerte par la ville de Beaune au maréchal Philippe Pétain dont il existe encore des bouteilles et des traces bien encombrantes.

Ce film historique, aux résonances contemporaines puisqu’il concerne des familles et des sociétés encore en activité, propose une plongée dans les entrailles de nos grandes régions viticoles, à la recherche d’une mémoire sciemment occultée.

Note d'intention

Ce film a pour ambition de s’aventurer sur un terrain historique qui n’est pas encore « consolidé ». Il travaille une matière vivante, encore polémique, où certains protagonistes sont encore présents, à travers les sociétés qui ont poursuivi leurs affaires durant l’Occupation, à travers leurs enfants.

S’appuyant sur des faits étayés, des archives inédites jamais exploitées (celles du Comité champagne), des photos et des films familiaux d’époque (en particulier ceux de la famille Bömers en Allemagne), sur des entretiens d’historiens et de témoins directs et indirects, il entend proposer un récit commun de cette période douloureuse de notre histoire.

Au niveau formel, il ne s’agit pas d’un film d’investigation, ni de simple dénonciation, mais plutôt d’une saga, avec ses grandes figures qui se croisent au fil du récit, ses grandes familles, et tous les ingrédients propres au genre : ambitions, rivalités, trahisons, mensonges... Le tout dans un décor où dorures, châteaux et luxe ostentatoire de quelques-uns viennent se heurter à la réalité de pénurie et de souffrance vécue par le reste du pays.

Pour autant, il y a bien une dimension d’investigation historique dans le film. Mais celle-ci ne se suffit pas à elle-même comme moteur de la narration. Elle n'est pas une fin, mais un moyen, nous permettant de mener des entretiens affûtés avec nos interlocuteurs, de faire découvrir au spectateur des épisodes et des lieux largement méconnus.

Des images d'archives et d’évocation filmées aujourd’hui sur les lieux de cette saga dans les vignes rythment le récit. Des lieux habités, hantés par cette histoire. Comme si la terre elle-même, celle des collines de Bourgogne, du Bordelais ou de la Champagne, en avait été le témoin.

En explorant la face méconnue de la collaboration économique d'une partie de la France des terroirs, l’ambition du film Les raisins du Reich est de conter une histoire universelle, celle de la lutte entre partisans cyniques de l’appât du gain et défenseurs de la solidarité humaine.