750 000 prédateurs sexuels sont connectés en permanence dans le monde, 71 % des enfants de 12 ans utilisent au moins un réseau social,
1 enfant sur 5 a déjà reçu des propositions sexuelles en ligne.
Face à ce fléau, des bénévoles ont décidé de donner de leur temps pour combattre la pédo-criminalité en ligne. Ensemble, ils forment l’association Les Enfants d’Argus. Présents en France, dans les DOM-TOM et en Belgique, ils sont une trentaine de personnes bénévoles travaillant jour après jour dans un même but : débusquer les pédocriminels avant qu’ils ne fassent des victimes.
Akela, Ezekiel et Kaverneuil ont fait le choix de s'engager dans l'association. Depuis leur salon ou leur chambre, avec un simple ordinateur portable et une connexion internet, ils traquent les prédateurs.
Leur méthode est simple et redoutable : en rajeunissant leur visage grâce à une application, ils créent de faux profils d’enfants virtuels et des comptes sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram). Puis ils attendent les messages des pédophiles. Messages qui ne tardent jamais à arriver. Au fil des échanges avec le prédateur, le profil se dessine peu à peu.
Ils en distinguent généralement deux types : les pervers, souvent très directs et pressants et les faux anges gardiens, des prédateurs manipulateurs et patients. Ces derniers sont les plus dangereux, cherchant à créer une relation sentimentale avec l’enfant.
Pendant des semaines d’échanges, ils rassemblent dans un dossier toutes les photos, vidéos et messages à caractère sexuel, qui pourront servir de preuves. Patiemment, sans jamais inciter leurs interlocuteurs, ils attendent le passage à l’acte, la demande de rendez-vous ou l’envoi d’images pornographiques. Puis il faut enquêter, trouver l’identité de la personne qui se trouve derrière ce profil et réunir un maximum d’information avant de le transmettre à la police.
Dans 8 cas sur 10, leurs dossiers sont étudiés par un procureur. Dans 60 % des cas, ils sont entendus au commissariat comme témoin d’un dossier en cours. Lorsque les affaires sont portées au tribunal, Cédric, le fondateur de l’association est amené à témoigner.
À leurs côtés, nous assistons à une véritable chasse aux pédocriminels en ligne. Nous sommes témoins de la réalité de ces bénévoles et des obstacles quotidiens : identifier les coupables sans être démasqué, gérer ses émotions face à l’horreur et respecter les règles juridiques pour ne pas fragiliser le dossier une fois transmis à la justice. La traque des pédocriminels n’est pas un loisir. C’est un engagement, une lutte qui exige beaucoup de patience et d’abnégation. Un travail de fourmis qui semble sans fin.
Les membres de cette association ne se connaissent pas entre eux la plupart du temps. Mais tous ont été formés par Cédric.
Dans Intercepteurs, nous suivons les premiers pas de Kaverneuil et Ezekiel, nouvelles recrues du collectif. Kaverneuil est étudiant en droit et profondément croyant. Faire partie des Enfants d’Argus est pour lui un devoir et un moyen de travailler d’ores et déjà pour la justice. Ezekiel est de son côté dans une démarche de reconstruction personnelle. Ayant subi des sévices lorsqu’il était enfant, il vit sa traque des pédocriminels en ligne comme une forme d’exorcisation de sa blessure.
À travers eux, nous comprenons ce que signifie les mots engagement, cause, recherche de sens. Ils nous livrent les mécanismes de la traque en ligne. Mais aussi les raisons intimes, profondes, de leur implication dans ce combat. Cette mission est pour eux une plongée dans l’horreur, susceptible de les marquer profondément. Pourtant aucun n’est prêt à s’arrêter.
52 min
Écrit et réalisé par
Salim Keddouh
Maxence Saugrain
Musique originale composée et interprétée par
PH Trigano
Production
Fédération Studio France
Avec le soutien du
CNC
Avec la participation de
France Télévisions
Unité documentaires
Antonio Grigolini
Julie Grivaux
Gwenaëlle Signaté
Marie-Emmanuelle Wamanisa
À voir sur
francetv.preview
INTERCEPTEURS - Note d’intention des réalisateurs
Pour ce premier documentaire nous avons souhaité nous plonger dans une équipe de chasseurs de pédo-criminels sur internet. Cette première expérience dans la réalisation sur un projet aussi important et le choix d’un sujet complexe à traiter, a été un réel défi. Tant par l’implication émotionnelle, que par la difficulté d’aborder les personnes concernées. Cette idée est née d'un intérêt porté aux différents documentaires visionnés depuis quelques années maintenant. La découverte d’affaires comme Fourniret, Epstein, Dutroux et bien d’autres nous ont tout de suite choqués et interpellés. C’est un sujet lourd, sérieux qui nous paraissait être un tabou dans les médias mais aussi dans notre société. Il fallait que quelqu’un en parle. Une pensée naïve qui nous a poussé à soulever des questions et essayer de comprendre.
Qu’est-ce qui pousse de jeunes adultes à consacrer une bonne partie de leur temps, bénévolement, pour traquer des pédophiles en ligne avant qu’ils ne passent à l’acte ? Que représente cet engagement ? Leur action est-elle bénéfique pour la société ?
Cet univers fermé aux premiers abords est très complexe en réalité, ce sont des gens qui se méfient des “journalistes”. Notre statut de jeune réalisateur nous a aidé à crever l'abcès et à ne pas apporter de jugement mais plutôt un regard compréhensif. L'activité de chasseurs de pédocriminel est une activité qui ne laisse pas indifférent, qui laisse des traces, qui abîme et qui demande à être traité avec une certaine finesse. Il ne s’agit pas de n'importe quel combat, l’implication doit être sans limite. Nous entendons par sans limite, que la pédocriminalité est sans fin, nous l'avons bien compris maintenant. Même lorsqu'ils éteignent leur ordinateur, ce sont les images et les messages des pédocriminels qui restent dans leurs pensées. C’est un combat permanent où chacun a ses raisons propres que nous avons essayé d'appréhender.
Les membres fonctionnent comme une toile d’araignée, ils communiquent et enquêtent à distance pour maximiser leur efficacité. Ils gardent l’anonymat pour rester actifs le plus longtemps possible. Ils se voient peu. Pour cela nous avons construit notre film sur deux nouvelles recrues. Kaverneuil, étudiant en droit, qui devient enquêteur pour l’association et rassemble ainsi un maximum d’informations sur un profil de présumé pédo-criminel ; Ezekiel, qui lui est formé à la traque et passe de nombreuses heures par jour à converser avec les pédophiles jusqu’à ce qu’ils commettent une infraction. Enfin, il y a Cédric, qui dirige l’association. Lui aussi est totalement investi dans « la cause » comme il l’appelle.
À travers eux, leur formation, et leurs débuts, nous avons pu comprendre le fonctionnement de l’association, les techniques employées pour traquer les pédocriminels potentiels, les différentes étapes à suivre, du rassemblement des preuves à un éventuel procès. Nous avons compris également les raisons qui les ont poussés à s’engager dans ce genre d’activité sur leur temps libre. Ce que ça leur coûte et ce qu’ils ont à gagner.
Plus qu’un combat personnel, nous avons compris grâce aux témoignages des profils, que la pédocriminalité est un fléau qui gangrène notre société entière. Les membres de l’association ainsi que les professionnels expliquent qu’il n’y a pas de recette miracle pour l'éradiquer mais qu’il est nécessaire que tout le monde s’en préoccupe. Cela a révélé néanmoins quelque chose que nous ne soupçonnions que peu, l'élan de de bienveillance et le soutien des membres entre eux. Le pire de l’homme réveille souvent le meilleur.
À l’image des jeunes recrues, nous avons découvert, ébahis, la rapidité avec laquelle les prédateurs se jettent sur les nouveaux profils d’enfants et leur nombre effarant. Le dégoût rapide que cela peut susciter. Et les raisons pour lesquelles les traqueurs tiennent malgré tout. Mais c’est leur abnégation et leur sang froid qui nous aura le plus marqué. C’est un documentaire qui restera gravé en nous.