Trois générations de femmes sur l’île de la Réunion repoussent les limites de la force physique. Daisy (60 ans), Stéphanie (40 ans) et Loane (20 ans) excellent dans l’haltérophilie, la force athlétique, et le crossfit, chacune à leur manière. Ce documentaire les suit dans leur quotidien, révélant les défis qu’elles relèvent et les préjugés qu’elles brisent pour devenir toujours plus fortes. Un voyage inspirant au cœur d’un phénomène de société où la force féminine s’impose et redéfinit les standards.
Interview
Comment vous est venue l'idée d'un film sur le CrossFit et l’haltérophilie ?
Ce qui me plaît dans ce phénomène de société, c'est qu'il aborde sous un angle différent et plus viscéral le féminisme moderne et la libération de la parole des femmes. On ne peut pas s'arrêter à l'apparence. J'ai constaté à quel point ce travail physique ne pourrait porter ses fruits sans un mental d'acier et une volonté de fer. J'ai voulu retranscrire l'importance capitale du dépassement de soi pour ces femmes. Elles m'ont appris que l'essentiel c'est de se trouver par rapport à son évolution personnelle plutôt que de se comparer constamment aux autres.
J'ai observé une prise de conscience générale sur l'importance de prendre soin de son corps et de l'activité sportive pour vieillir en bonne santé. On commence aussi à revenir de beaucoup de stéréotypes sur le muscle en général. Ce n'est plus l'apanage du bodybuilding et du volume pour le volume. On a compris que le renforcement musculaire était essentiel et on se rend compte que ça influe aussi beaucoup sur le mental. J'ai vu l'arrivée très récente et fracassante du CrossFit qui propose de combiner cardio et force à l'attention des femmes et des hommes sans distinction de genre. La nature de cette nouvelle pratique a permis aux femmes de se réconcilier progressivement avec les disques de fontes et les poids. Avec les réseaux sociaux cela s'est répandu comme une traînée de poudre et le public féminin a commencé à goûter au plaisir de la force sous toutes ses formes (haltérophilie, force athlétique, CrossFit etc.). Une nouvelle esthétique d'un corps féminin uniformément musclé est né, on ne le cantonne plus aux muscles fessiers comme à l'époque de la gym tonique de Jane Fonda.
Comment les avez-vous rencontrées ? Dans quelles circonstances?
En me renseignant sur les différentes athlètes qui se démarquaient dans ces disciplines, j'ai tout de suite été frappé par le nombre de femmes à La Réunion qui pratiquaient ces sports. Et pour cause, la première femme à avoir fait les JO en haltérophilie n'est autre que Sabrina Richard à Sydney en 2000. Il s'agit d'un phénomène global qui ne se limitait pas à une génération de femme. C'est vraiment toutes les femmes qui sont sensibilisées à ce nouveau courant. Cela m'a touché quand j'ai découvert Daisy Blondan car, à 60 ans passés, elle prouve que certaines femmes ont entamé cette révolution depuis presque 30 ans. Elles n'ont jamais abandonné et sont heureuses de voir qu'à présent elles ne sont plus seules aux compétitions ou sur les bancs de musculation. Du coup, j’ai décidé qu'il fallait représenter 3 grandes étapes de la vie : 20 ans, 40 ans, et 60 ans. J'ai facilement pu contacter Stéphanie Lauret qui avait déjà une notoriété sur l'île pour une émission sportive qu'elle animait pendant le COVID. C'est une personne très généreuse, elle m'a tout de suite permis de contacter directement Daisy et Loane. Le choix de Loane a été évident car c'est une jeune sportive Réunionnaise qui monte et qu'on pourrait retrouver au JO de 2028...à suivre donc.
Qu'est-ce qui vous a le plus touché ?
Elles. Ces femmes m'ont touché je dirais même chamboulé. Derrière toute cette rigueur implacable, tous ces sacrifices pour se dépasser, elles ont une sensibilité à fleur de peau. Il y a un sens de la famille et de la sororité qui ne peut laisser indifférent. Elles sont toutes les trois dans une recherche de leurs limites personnelles dans le but quelque part de trouver leur propre contour. Malgré les compétitions qui les opposent à d'autres athlètes, elles restent tournées vers l'ambition de se dépasser plutôt que de dépasser les autres. Elles veulent savoir qui elles sont vraiment. J'avais moi-même des a priori sur la force et le sport et je sors de ce film changé avec une perception plus belle de ces disciplines. A tel point que je me suis mis à la force athlétique, c'est dire...
Elles ne sont pas de la même génération. Ce n'était pas compliqué de les suivre dans leur vie et leur apprentissage ?
Disons qu'il fallait que je redevienne une page blanche à chaque fois que je voyageais de l'une à l'autre. Elles ont des personnalités, des vies et des enjeux totalement différents. Pour ne pas les "louper", j'ai choisi de ne pas chercher à les relier ou les mettre en parallèle. Chacune avait son univers et je ne voulais surtout pas les lisser ou les atténuer pour créer des ponts. J'ai senti tout de suite qu'elles se complétaient et qu'étant à différents stade de la vie, elles créeraient naturellement une vision panoramique de ce que la force pouvait apporter dans une vie. A titre plus personnel, c'était une gymnastique fascinante car mon rapport à elles variait beaucoup du fait de l'âge. Le mode de communication et les interactions ne sont pas les mêmes à 20 ans et à 60. Du coup, je devais d'autant plus être à l'écoute pour les comprendre. Elles sont toutes les trois très généreuses et il y a eu rapidement une dimension presque familiale dans cette aventure. Avec Daisy, j'avais l'âge de ses enfants, avec Stéphanie nous sommes assez proches en âge et Loane aurait l'âge d'une de mes petites sœurs. Tout ceci a créé un affect qui nous a permis d'avoir une forte complicité au point qu'elles en oubliaient totalement la caméra. J'ai aussi demandé à Daisy et Stéphanie de me coacher (respectivement dans la force et le CrossFit) car je voulais éprouver (un peu) leur pratique pour mieux comprendre ce à quoi elles étaient confrontées au quotidien.
Présentation : Elyas Akhoun
Genre : Documentaire
Durée : 54 min
Réalisé par Nathanaël Selig •
Écrit par Nathanaël Selig
Production : Esperanza productions
France • 2024