Notre Histoire de France

Rencontre avec les acteurs de cette épopée télévisuelle

Lors de la conférence de presse qui s’est tenu le 12 septembre, nous avons pu nous entretenir avec ceux qui ont fait cette série documentaire

Nicolas Daniel - Directeur des magazines de France Télévision
Thierry Lachkar - président d'ITV Studios France
Tomer Sisley - narrateur

Cette adaptation du format danois The Story of... raconte en six épisodes l'Histoire de France de Vercingétorix à Henri IV.

Le point de vue de Nicolas Daniel

Pour Nicolas Daniel, aborder l'Histoire demande un peu de discipline intellectuelle. Il nous a donc présenté les cinq grands principes auxquels France Télévisions s'est tenu pour raconter cette histoire, et le grand objectif que souhaite atteindre France Télévisions en diffusant ce programme en prime time.

Rassembler…

Le premier grand principe est de rassembler. Rassembler les familles devant leur télévision, et rassembler tous les Français autour d’un sujet qui est l’Histoire, éminemment important et même démocratique. Il s’agit d’un choix fort de notre part de proposer en prime time une série d’Histoire.

Raconter la grande et petite histoire…

Nous ne sommes plus à une époque où l’on raconte simplement l’histoire des têtes couronnées, l’histoire des grands de ce monde.

Raconter l’Histoire, c’est la raconter à hauteur des Français. Vous verrez que dans chaque épisode, on s'est fixer un même principe : mélanger à la fois l’histoire des grandes figures et l’histoire de français, comme vous et moi, qui ont traversé ces périodes et dans lesquelles on peut tous se projeter.

Raconter l’histoire de Clovis qui se convertit à la religion chrétienne, c’est raconter l’histoire d’un royaume où tout d’un coup les valeurs changent. Chaque personne qui vit dans ce royaume est confrontée à un choix nouveau, à une nouvelle ère.

Proximité…

L’histoire de la Terre, sur laquelle nous vivons date d’il y 4,5 milliards d’années, l’apparition de l’agriculture il y a 12 000 ans. Quand nous parlons du Moyen-Age, il s’agit finalement d’une période proche de nous.

Ces personnages peuvent nous paraitre éloignés mais sont en réalité très proche de nous. Ils se posent des questions, ils vivent des choses qui parlent à notre époque. Je salue ici le rôle de Tomer, car c’est lui qui incarne le récit et apporte cette proximité. C’est lui qui fait le lien entre ce grand récit historique et nous, les téléspectateurs. C’est lui qui incarne ce voyage dans le temps, qui à différents moments du récit, nous interpelle, nous expliquant ce qui se produit, ou nous questionnant sur le sens de ce que nous sommes en train de voir. Sur la manière dont nous pouvons nous relier à cette histoire.

La vérité…

Si tant est qu’on puisse prétendre à une vérité en Histoire, mais en tout cas c’est le travail des historiens, qui ont font un travail important sur l’exactitude historique. On s’est appuyé de la manière la plus rigoureuse sur leur travail, en faisant appel aux meilleurs spécialistes de chaque époque.

Ce travail est d’autant plus important que notre époque est sujette aux écrits de manipulations et aux réécritures de l’Histoire. Nous avons donc travaillé spécifiquement sur ces points.

Nous sommes même allés plus loin, en déconstruisant un certain nombre de mythes qui proviennent du roman national et réécritures précédentes de l’Histoire mises au service de certaines idéologies nationalistes ou autres.

Par exemple, vous apprendrez que Roland, contrairement à ce qu'affirme La chanson, meurt tué par des basques et non des sarrasins. Cette information vient d'une réécriture postérieure visant à mobiliser les Français contre les sarrasins pendant les croisades. 

La modernité…

Nous avons voulu faire une émission qui avait une approche de l’histoire moderne, à la fois dans ses fondements intellectuels et dans sa forme.

Et le grand objectif…

C’est faire que l’Histoire soit accessible au plus grand nombre. C’est extrêmement important. On ne peut pas être dans un entre-soi de savants autour de l’Histoire. Cela ne sert à rien. Les savants connaissent déjà l’Histoire.

Notre rôle premier est donc de rendre l’Histoire facteur de cohésion, de démocratie et de débat. Cohésion ne veut pas dire que l’on soit tous d’accord. Il s’agit de remettre l’Histoire au centre d’un certain nombre de débats qui nous agitent, qu’ils portent sur notre identité, notre façon de faire nation ou notre façon d’interagir. Pour que ce message porte, il faut que ce programme touche le plus grand nombre, les plus âgés comme les plus jeunes.

C’est un choix très fort qui est fait par le service public en lançant une série d’Histoire en prime time sur la chaîne vaisseau amiral du service public.

Tomer Sisley, acteur et narrateur

Cette deuxième partie s'intéresse au rôle de narrateur de Tomer Sisley, de l'écriture à sa mise en scène.

Qu’est ce qui vous a poussé à accepter ce projet ?

C’est son ambition. J’ai évidemment d’abord rencontré les producteurs, les diffuseurs, ceux qui écrivaient le programme, et ce qui se dégageait de ce projet était avant tout une grande ambition qui me paraissait nouvelle pour ce type de programme. J’adore faire des choses que je n’ai pas encore faîtes.

Puis, j’ai grandi avec un père qui m’a toujours dit qu’étudier l’histoire permet de mieux comprendre aujourd’hui et mieux appréhender demain.

Avez-vous ressenti une responsabilité en tenant ce rôle ?

Oui, la responsabilité pour moi est énorme. Elle est un challenge. Je suis le passeur de l’Histoire, celui par lequel on va rentrer dans l’Histoire.

Comment avez-vous préparé ce rôle de passeur d’histoire ? L’avez-vous abordé de la même manière qu’un rôle d’acteur ?

Non, c’est un rôle très différent. Mon but était de réussir à proposer un pas de recul et amener non seulement ce point de vue extérieur mais essayer de montrer que ces histoires peuvent complémenter les événements historiques contemporains. Mon rôle avait pour but d’expliquer en quoi un événement a des implications actuelles. Faire cela n’est pas chose aisée parce que je ne suis pas un présentateur.

Comment en tant qu’acteur, peut-on interpréter une narration ? Cela est très délicat, et c’est dans cette articulation du rôle d’acteur et de narrateur que résidait le challenge. Si France Télévisions souhaitait un présentateur télé pour ce rôle, il en a déjà plein. Si j’interviens dans cette œuvre il faut que j’amène quelque chose qui m’est propre, qui m’appartient.

Je me suis posé de nombreuses questions : comment raconter l’Histoire ? Quel regard lui apporter ? Est-ce que je le fais avec beaucoup de détachement ? Est-ce que je le fais en m’impliquant émotionnellement dans la scène qui se déroule ? Il y a mille manières de le faire comme il y a mille manières de raconter l’Histoire.

Avez vous été acteur de votre mise en scène ?

Pour me mettre en scène, il y a des réalisateurs. Nous travaillons ensemble, bien évidemment. Toutes les personnes qui ont participé à ce programme, des producteurs aux coiffeurs, étaient impliquées dans le processus narratif. Ça permettait régulièrement de se poser la question de comment le fait-on. Qu’est-ce qu’on dit ? Où est ce qu’on se positionne ? Qu’est-ce qu’on regarde ? C’était un travail assez challengeant.

Que retenez-vous de ce projet ?

D’abord, j’ai eu la chance de me retrouver sur des décors ou participer à des journées de tournages qui n’ont rien à envier aux plus grosses productions dans lesquelles j’ai eu la chance de tourner. C’était à mon niveau assez impressionnant de voir cela.

Je retiendrai surtout qu'étudier l’Histoire peut nous rassembler.

 

Nous avons aussi pu nous entretenir avec Nicolas Daniel, directeur des magazines de France Télévisions, nous permettant de mieux comprendre le rôle de Tomer dans ce programme.

Est-ce pour faciliter l’identification pour les téléspectateurs que vous avez choisi de ne pas être en costume ?

On ne voulait pas donner l’illusion que Tomer joue un rôle de fiction. Il a un autre rôle, lui permettant de faire des petits pas de côté, faire des petites remarques, des petits points d’humour, des mises à distances, ou émettre des hypothèses. Son rôle a aussi fonction de nous aider dans le questionnement de comment recevoir cette matière. Malgré tout ce qu’on a dit sur le travail historique, il ne doit pas être reçu comme une vérité figée. Cela n’a pas de sens. Nous avons fait de nombreux choix, il s’agit d’un Histoire condensée, nous n’avons pas tout raconté. Et puis, il y a de nombreux points d’Histoire que l’on raconte pour lesquels nous n’avons pas de certitudes.

Quel rôle de Tomer a-t-il joué dans l'écriture du programme ?

Tomer nous a emmené parfois dans des directions dans lesquelles on n’avait pas prévu d’aller. C'était extrêmement important que dans son rôle,  il ne soit pas simplement à lire une partition, mais que l’Histoire sorte de lui.

Par exemple, dans la manière de parler, où on était parfois un peu trop écrit. On employait des mots qui n’étaient pas des mots, qu’il aurait employé à l’oral pour s’adresser à quelqu’un. Il y a des moments où Tomer nous regarde, il casse le quatrième mur. C’est donc lui qui nous parle. Il était donc important qu’il embouche ces mots.

Il a aussi joué un rôle dans l’approche des personnages. C'est une série dans laquelle on a voulu permettre une identification. Est-ce qu'il est si loin de moi finalement ce roi ou au contraire cette personne lambda que j'avais vécu à son époque? Est-ce que j'aurais été comme lui? Est-ce que j'aurais fait autrement?

Souvent, Tomer permet d’approcher ces personnages à travers le registre des émotions. C’est quelque chose qu'un acteur peut amener beaucoup plus qu’un présentateur de télévisions. Le rôle d’un acteur c’est de jouer avec cette palette-là, aussi, c'est d'aller chercher la vérité émotionnelle des personnages.

Il a beaucoup apporté à ce programme avec sa manière de croquer les personnages, permettant de ne pas les aborder uniquement de manière savante. Il nous les fait un peu toucher du doigt.

Propos recueillis par Clara Luc