Théo Curin
Pourquoi cette émission ?
Cette idée, nous l’avons eue avec Mehdi il y a quelque temps déjà. C’est un rêve de faire des émissions ou d’être animateur de jeu. Mais c’est aussi important de pouvoir faire des émissions avec des messages forts. C’est une immense fierté pour moi.
Cela va être mon premier prime où je serai le seul animateur, sur les antennes de France Télévisions. C’est incroyable de prendre part à une émission qui rend tout simplement hommage aux gens qui nous aident.
Votre histoire a-t-elle joué sur votre envie de participer à cette émission ?
C’est un hommage très particulier et personnel que je rends aussi à mes parents, qui ont été là pour moi pendant plusieurs années. Je suis tombé malade à l’âge de 6 ans, ce qui a provoqué de nombreux chamboulements dans leur vie. Ma mère a arrêté de travailler pour s’occuper de moi pendant plusieurs années. J’ai été pris dans cet engrenage de façon naturelle et ne m’étais pas tout le temps rendu compte de tous les efforts que cela avait demandé à mes parents. Cette émission m’a donc été utile personnellement. J’ai pu voir ce qu’était le quotidien d’un aidant.
C’est le but de cette émission : se rendre compte de leur quotidien, des difficultés que ça engendre et des risques que cela peut aussi provoquer.
Quels sont ces risques que présente ce rôle d’aidant ?
Il y a des chiffres qui sont alarmants. Un aidant sur trois décède malheureusement avant la personne aidée. Ce sont des gens qui mettent entre parenthèses leur vie, se concentrant tellement sur la personne qu'il aide qu’ils en finissent par s’oublier.
C’est ce qu’on a vu avec les deux rencontres faites dans cette émission. Ce sont des gens qui ne vivent presque plus que pour leur mariage ou leur enfant.
Comment avez-vous envisagé ce tournage ?
Notre but était donc de prendre en charge les aidants en leur offrant une parenthèse de 48 heures et leur assurant que leurs proches, Ryan et Thierry, étaient entre de bonnes mains. Ce sont deux émissions bien différentes, vous remarquerez. C’est normal parce que ces destins ne sont pas les mêmes. Que ce soit dans les gens que nous rencontrons ou les célébrités qui nous accompagnent. Une mère et son fils ne sont pas la même chose qu’une épouse et son mari.
C’était important pour nous de montrer les différends que ça pouvait aussi provoquer DANS LES DANSES. En tout cas, on a vécu une folle aventure.
Certains moments vous ont-ils particulièrement ému ?
Ce qui m’a le plus ému, c’est la première nuit. Bruno et Clémentine m’ont envoyé une note vocale pour me débriefer leur première journée. Leurs voix m’ont le plus touché. Je les ai sentis bouleversés, remplis d’émotion au bout de seulement 24 heures. On sentait aussi la fatigue dans leur voix.
Le débrief final, lorsque l’on se réunit tous, a aussi été très émouvant. Ces aidants n’ont pas l’habitude de se séparer de leurs proches. C’était fort, intense et utile. C’était une fierté, car l’objectif de ce programme n’est pas juste de montrer leur quotidien ou la réalité de la vie de ces deux familles. C’était d’essayer de trouver des solutions concrètes.
Vous avez passé du temps avec les aidants, contrairement à Bruno et Clémentine. Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette expérience ?
Ce qui m’a marqué, c’est la difficulté de ces deux femmes à lâcher prise. C’est tout simplement la conséquence de leur quotidien. Tous les jours, elles sont sur la retenue. Elles sont contractées en permanence parce que leur travail est épuisant.
Leur quotidien est rythmé par des déplacements, des transferts. Ce sont des femmes fortes physiquement parce qu’elles portent leur fils ou leur époux, mais aussi fortes mentalement parce qu’elles travaillent aussi à côté. C’est des héroïnes.
Pour moi elles ont des super pouvoirs. Ça ne me semble pas possible, pas humain. Elles ont des capacités hors norme.
Le rôle d’aidant occupant 100 % de leur temps. Qu’est-ce que cela faisait pour elle de ne plus à suivre cet emploi du temps aussi chargé ?
Katheryne me disait : ça me fait du bien de ne plus regarder mon téléphone pour regarder l’heure. Je leur ai répondu : on s’en fout. On va faire des boutiques, pour nous et avec tes copines.
Ce qui m’a rendu fier, c’est de voir petit à petit ces femmes se relâcher un peu et prendre du plaisir avec toutes les surprises qu’on a pu leur réserver. L’émission leur offre une parenthèse.
Bruno Solo
Pourquoi avoir accepté de jouer ce rôle d’aidant ?
C’est un sujet qui me touche particulièrement, mon père a été aidant de sa compagne pendant 25 ans, bien après la séparation de mes parents. Ils avaient des immenses projets. C’était tous les deux des voyageurs, des gens très érudits et amoureux du monde. C’était une sorte d’autodidacte s’intéressant à tout, qui voyageait souvent avec des moyens assez précaires. Il avait envisagé avec sa compagne qu’ils partiraient faire le tour du monde au moment de leur retraite. Je trouvais ça merveilleux car mon père était un homme très libre, avec aucune attache matérielle, qui avait juste envie de partir à la rencontre du monde, des gens, comme il l’avait fait avec ma sœur, ma mère et moi.
Et au moment où ils étaient à deux doigts d’accomplir ce rêve ensemble, la compagne de mon père est tombée très malade. Elle a sombré dans l’Alzheimer, elle n’a cessé de s’enfoncer dans la nuit. Petit à petit, elle a disparu de la surface du monde. Et il s’est entièrement dévoué à elle. C’était avec une sorte de dévotion, d’engagement, sans calcul, sans regret, sans colère, sans jamais se plaindre. Et encore, plus fort, sans jamais remettre en question que cela faisait maintenant partie de son existence. Il est parti deux ans après elle. Suite à sa maladie, sa vie est devenue cet engagement, ce dévouement à Juliette.
J’avais trouvé ça bouleversant parce que quand je voyais mon père avec Juliette, je me disais : pourquoi tu ne la places pas ? Pourquoi tu ne la mets pas dans une maison spécialisée ? Non. Il dansait avec elle, il l’embrassait très longtemps.
Alors évidemment, elle était totalement impotente, elle ne parlait plus, elle ne pouvait presque plus bouger, elle était dans un lit médicalisé mais il s’occupait entièrement d’elle. Il y avait évidemment de temps en temps des professionnels qui venaient l’aider, le soulager. Je regardais cela avec une sorte de crainte de ne pas être à la hauteur si un jour je devais me retrouver dans la position de mon père. J’y pensais souvent.
Comment je réagirais ? Est-ce que j’aurais le courage de sacrifier mon quotidien, mon existence, mes plaisirs, ma liberté de pouvoir bouger, d’être un peu égoïste. C’est important aussi, parfois, de penser à soi, et de pouvoir faire ce qu’on fait quand on veut. Je craignais ça. Je le regardais faire et et je le trouvais beau. On le trouvait tous beau.
Quand Théo m’a proposé cette émission, je me suis dit que c’était l’occasion pour moi, si ce n’est de rendre hommage, en tout cas de m’immerger dans ce monde pendant 48 heures.
Comment vous êtes-vous préparé ?
Il faut y aller avec le sentiment qu’on va s’immerger dans quelque chose dont on ignore quasiment tout. Il ne faut pas y arriver comme un technicien.
Il faut arriver avec une sorte de lâcher-prise mais aussi une grande concentration. Lorsque je me lève le premier matin, je me demande comment Lauriane arrive-t-elle à porter XXX. J’ai peur quand je le pose sur le lit. Je suis en train de basculer en arrière, mais il faut que je continue à le tenir.
Le plus difficile, c’est de mettre ses chaussures. C’est dingue de mettre des chaussures à quelqu’un qui ne peut absolument pas vous aider à enfoncer son pied. Tout devient invraisemblablement compliqué.
Qu’avez-vous ressenti après ce premier jour ?
J’étais rincé et bouleversé à la fois. Je me disais, voilà, c’est ça être utile à l’autre. C’est ça être humain. C’est toujours avoir conscience qu’à n’importe quel moment donné, l’autre a besoin d’aide, qu’on le soutienne ou l’accompagne. Même si cela peut paraître être un sacrifice, c’est quelque chose de beau.
Comment décririez-vous cette expérience ?
Ça a été une expérience humaine, presque anthropologique et absolument fascinante, qui m’a réconcilié avec le rapport que j’ai pu avoir avec mon père, en l’observant en tant qu’aidant. On était fusionné mais je gardais une certaine distance quant à son rôle d’aidant. J’ai eu envie de le secouer. Je lui ai dit : tu as le droit de vivre, tu peux la mettre ailleurs. Mais je ne voyais pas à quel point cet amour et cette tendresse étaient nécessaires. Son rôle d’aidant était nécessaire à son équilibre.
Des moments hors caméra, à l’aise
Il y a beaucoup de choses que l’on fait hors caméra. A la fin du tournage, on n’y pensait plus. Je salue notamment le travail de l’équipe technique qui a la faculté à être présente et toujours au bon endroit sans jamais intervenir. On ne m’a jamais demandé de refaire un plan, ou donné des indications de placement. Ils se débrouillaient pour prendre les images qu’ils pouvaient prendre. Il faut avoir de grands professionnels pour réussir à saisir toutes ces images.
Le choix des familles d’apparaître à l’écran
Thierry a une forte conscience qu’il fait ça pour Laurianne. Il ne cesse de nous dire : je sais ce qu’elle endure. Je sais ce qu’elle encaisse. Je comprends que de temps en temps elle doit être agacée par cette organisation. C’est un grand geste d’amour de sa part qu’on puisse l’éclairer, l’aider, lui trouver des solutions pour rendre son quotidien plus agréable.
Nicolas Daniel
Comment avez-vous choisi ces familles ?
C’est vraiment Mehdi et ses équipes qui ont travaillé sur cette sélection. Mais nous avions quand même l’idée, qui peut paraitre un peu scolaire, de choisir des cas de figures différents. Il y a une mère et son fils, un couple… C’est des gens qui n’ont pas le même âge, qui ne sont pas dans les mêmes situations. On s’est dit que ça pouvait parler à différentes catégories d’aidants.
Il y a un message que l’on souhaitait montrer aussi. Nous serons tous un jour aidé et un jour aidant. Il y avait donc cette idée que l’on peut tous s’identifier à au moins une de ces personnes.
Pourquoi France Télévision a souhaité faire ce programme ?
C’est la rencontre entre une volonté de notre part de porter ces thématiques et la proposition de la production et nos talents, Théo, de prendre à bras l’enjeu des aidants. C’est un sujet moins traité, qui nous paraissaient pertinent, original et pouvant concerner de nombreuses personnes. Nombreux d’entre nous s’imaginent à tort qu’ils n’auront pas à être aidés. En revanche, on se rend compte qu’on devra peut-être être aidants.
Propos recueillis par Lucile Canonge et Clara Luc