Le 3 novembre 1996, 14 hommes et 2 femmes relèvent le défi du Vendée Globe en s’élançant des Sables-d’Olonne pour la seule course autour du monde en solitaire, sans escale, ni assistance sur les mers les plus hostiles de la planète…
Ils ne le savent pas encore, mais cette troisième édition va virer au cauchemar. Sept d’entre eux ne termineront pas l’épreuve, trois finiront hors course, cinq bateaux ont fait naufrage et un marin n’est jamais revenu.
Derrière ce bilan apocalyptique, c’est l’épopée d’aventuriers qui vont s’illustrer par leur courage et leur détermination. Vingt-cinq ans plus tard, ils sont toujours habités par cette odyssée.
Note d'intention de la réalisatrice
Petite, mes grands-parents m’emmenaient à tous les départs de courses au large de mon oncle navigateur, Yves Parlier. Je me souviens surtout de l’ennui à arpenter, les jours précédents le départ, les pontons, dans le vent et la pluie, en regardant ces hommes, et quelques femmes, faire leurs derniers réglages avant de partir faire le tour du monde. Puis venait le jour J. On embarquait sur une vedette, ça remuait fort et on attendait le coup d’envoi de la corne de brume. Je me souviens surtout d’avoir eu un terrible mal de mer. Bref, j’avais 6 ans et je n’avais absolument pas conscience de ce que représentait ce qu’on appelle « l’Everest des mers », et encore moins, ces êtres à part, qui s’engageaient au péril de leur vie pour parcourir le globe.
Vingt-cinq ans plus tard, j’ai envie de raconter celles et ceux qui ont vécu cette odyssée. Pendant plusieurs mois seuls en mer, les skippers, âgés d’une trentaine ou quarantaine d’années, vont vivre une expérience hors norme. Le parcours est semé d’embûches et tous les navigateurs savent ce qui les attend. Il faudra côtoyer les éléments, affronter les orages, les tempêtes et les bourrasques. Certains passages, comme le Golfe de Gascogne, les Quarantièmes Rugissants et ses vagues immenses ou le mythique Cap Horn, sont réputés infranchissables.
Cette troisième édition du Vendée Globe a marqué un tournant. Très vite, la compétition va virer au cauchemar. Dans les mers du Sud, une tempête de la puissance d’un ouragan va prendre les marins au piège. La course va devenir un long crescendo de suspense et d’angoisse. Plusieurs naufrages et de nombreux chavirages vont rythmer la compétition. Ils étaient quinze au départ… et seulement 6 à l’arrivée. Trois marins se sont vu mourir et vont être sauvés de justesse dans des conditions invraisemblables. Le déroulé, digne d’un scénario de film, se soldera par la disparition tragique de Gerry Roufs, malgré le déclenchement de ses balises de détresse.
Cette aventure face aux éléments déchainés va modifier leur rapport au monde. L’un des leurs y a laissé sa peau. La mer, qu’ils chérissent, leur a enseigné des leçons. Leur rapport à la mort a été modifié. La puissance des océans leur a appris aussi, mieux que quiconque, des valeurs comme la solidarité ou l’humilité.
« On éprouve des sensations, des réflexions que l’on ne peut pas avoir à terre. Voir des milliers d’étoiles dans les mers du Sud provoque un choc émotionnel et intellectuel. On se rend compte que l’on n’est rien », décrit la navigatrice Isabelle Autissier.
De retour de cette odyssée, ils ne sont plus tout à fait les mêmes. Je me souviens des repas de famille, où mon oncle était peu loquace. Quand un sujet de conversation l’indifférait, il gardait le silence. Dans son regard, on pouvait lire son absence, comme si son âme avait été à la fois enrichie et vidée par son épopée. Parfois, il souriait sans rien dire. Seuls ceux qui ont parcouru le globe peuvent éprouver ce genre de sensations.
D’autres comme Isabelle Autissier, première navigatrice à boucler le tour du monde en solitaire, a condensé en une phrase l’essentiel de son existence, le jour où elle a franchi la ligne d’arrivée : « J’avais été à la hauteur de mon rêve de petite fille, et je comprenais que le reste de ma vie serait désormais du bonus ».
La génération de « l’ancienne école » avait l’habitude de tout bricoler à moindre coût : ils ne pouvaient se fier qu’à eux-mêmes. Raconter aujourd’hui, l’épopée de ces skippers qui traversaient les océans, à une époque où internet n’était qu’à son balbutiement, est aussi une allégorie contemporaine.
Alors que la planète est en proie aux mégafeux et à la montée des océans, nous sommes tous ultra-connectés et pourtant démunis, impuissants, face à la marche du monde. Faire entendre la voix de ces êtres qui ont parcouru le globe et qui connaissent les éléments aura une résonance particulièrement forte aujourd’hui.
#INFRAROUGE
59 min
Un film de
Jeanne Lefèvre
Production
Hauteville Productions
Karina Si Ahmed
Guillaume Allary
Avec la participation de
France Télévisions
Et le soutien de
La Procirep et L’Angoa
Pôle documentaire
Antonio Grigolini
Emmanuel Migeot
Louis Castro
À voir sur
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