Dossier de presse
Notes d'intention
Georges-Marc Benamou, producteur et scénariste, et Gilles Taurand, scénariste
C’est dans le dernier paragraphe du roman que nous avons trouvé le fil conducteur de notre adaptation : en effet, au moment où l’on fête dans les rues de la ville la victoire sur l’épidémie, « cette foule en joie ignore que le bacille de la peste ne meurt jamais et qu’il peut se réveiller à tout moment ». Ce que Camus veut nous dire, c’est que la peste sommeille en chacun de nous et c’est cette dimension métaphorique – la peste c’est le totalitarisme – qui nous a donné l’idée d’une dystopie qui n’exclut en aucun cas le réalisme de l’épidémie. Cette (légère) dystopie nous a permis de tirer des fils dramaturgiques, esquissés dans le roman de Camus, et ainsi de le mettre en « mouvement » ; d’en garder l’esprit, tout en évitant une littéralité qui eût été un obstacle pour en faire une véritable série télé.
Nous sommes donc, au début de la série, en 2030, dans une société imaginaire qui devrait résonner étrangement avec les craintes et les préoccupations d’aujourd’hui.
Cette société sort à peine de la vague des épidémies covid. Et la peste qu’elle rencontre est autrement plus redoutable...
Si l’on s’en tient à la définition la plus courante, une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire dont les dirigeants peuvent exercer une autorité totale sur des citoyens définitivement privés de leur libre arbitre. Bien sûr, on peut considérer 1984 de George Orwell, avec son Big Brother, comme une des matrices du récit dystopique. Dans ce que nous avons imaginé, les habitants de la ville disposent au début de tous les moyens d’information et de communication que nous connaissons et peu à peu, insidieusement, au fur et à mesure que l’épidémie s’étend, confinée, isolée puis militairement verrouillée, la ville va se retrouver totalement coupée du reste du monde ! Comme dans le roman de Camus, reste une cité qui va « mijoter » en circuit totalement fermé.
C’est bien là que la peste devient un miroir qui peut refléter l’état des lieux d’une communauté : il y a ceux qui résistent, qui luttent contre l’épidémie en créant des « brigades sanitaires » et ceux qui pointent du doigt les étrangers et les migrants comme étant les premiers contaminateurs qu’il faut éliminer, il y a les miliciens qui s’en chargent, sans oublier les profiteurs, les petits trafiquants et les consommateurs, les combinards du marché noir, et bien sûr les héros ordinaires dont le docteur Bernard Rieux doit demeurer le modèle.
La Peste est le récit clinique d’une épidémie et le témoignage d’un médecin, le docteur Bernard Rieux, qui est à la fois le personnage central et le chroniqueur.
« Le plus proche de moi, dira Camus, c’est Rieux le médecin », c’est l’homme qui fait de son mieux pour sauver des vies tout en observant le comportement de chacun face à cette catastrophe sanitaire.
Antoine Garceau, réalisateur
Une fois acceptée l’idée de la dystopie et de transposer l’action du roman dans un futur proche, s’est évidemment posée la question de la ville dans laquelle allait se dérouler l’action. Tout était possible à partir du moment où l’on oubliait l’Algérie : une capitale européenne, une ville du nord de la France avec ses plages à perte de vue… Mais très vite s’est imposée l’idée de la situer dans une ville anonyme du bassin méditerranéen.
D’une part pour rester dans l’esprit de Camus, dont l’œuvre est intimement liée à la Méditerranée, mais surtout pour le côté assez excitant d’inventer une ville dont on ne connaîtra jamais le nom.
Pour brouiller les pistes, j’ai donc tourné à Marseille, à Aix, à Martigues, à Nice, à Antibes, à Beaulieu… J’ai mélangé toutes ces images et créé cette ville portuaire, écrasée par la chaleur, où l’on ferme les volets dès le matin…
Nous lui avons inventé un blason, qui figure en bonne place dans tous les décors et sur tous les uniformes, et voilà, notre ville imaginaire, et pourtant bien réelle, était née.
L’action du roman se passe au mitan des années 1940, celle de la série en 2030.
Pour rester proche de l’esprit du livre et montrer que les comportements humains n’avaient guère changé depuis soixante-quinze ans, j’ai choisi d’alterner des décors qui auraient pu exister dans les années 40 (l’immeuble de Rieux, la mairie…) et des décors modernes, voire futuristes (l’Opéra, le centre de surveillance…).
L’omniprésence de la vidéosurveillance et des drones est l'un des éléments clefs pour incarner ce pouvoir répressif et totalitaire qui contrôle le pays. J’ai donc tourné des plans de toutes les caméras de surveillance dès que j’en croisais une… Et il y en a beaucoup dans le Sud (plus de 4 000 à Nice !). Il était important aussi de faire écho à la crise du covid et à ses périodes de couvre-feu.
Nous avons donc bloqué des rues, aussi bien dans le quartier du Panier à Marseille que dans celui de Libération à Nice, pour y faire circuler des véhicules militaires ultra-modernes et patrouiller des contrôleurs sanitaires, des milices et la police municipale surarmée. Inventer un hôpital de fortune était aussi un défi de taille. Avec la cheffe décoratrice, nous avons cherché beaucoup de références pour trouver les matériaux les plus modernes et les installer dans la cour de cet ancien lycée où les contemporains de Camus auraient pu faire leurs études !