Résumé
Juin 1940. Alors que la Seconde Guerre mondiale plonge l’Europe dans la destruction et l’effroi, le Portugal est en fête : il célèbre les 800 ans de sa fondation. Mais pour Antonio de Oliveira Salazar, son premier Ministre, c’est un faux-semblant : en réalité, le Portugal est pris en étau entre Churchill et Hitler. Allié historique de l’Angleterre, le régime fasciste de Salazar est aussi proche du IIIe Reich et de l’Italie de Mussolini. Pour rester à l’écart du conflit, Salazar proclame la neutralité du Portugal. Mais cela ne suffit pas.
Dernier port d’attache pour les dizaines de milliers de réfugiés européens fuyant le nazisme, Lisbonne devient la cible de son voisin espagnol. Suite à l’entrevue entre Hitler et Franco en octobre 1940, Madrid fixe une date d’invasion. Salazar l’évite de justesse : habilement, il obtient de Churchill des livraisons de blé aux Espagnols, au bord de la famine. Pour se garantir la bienveillance d’Hitler, il vend aussi à Berlin du tungstène, nécessaire à l’effort de guerre.
Unique point de passage entre Londres et Berlin, Lisbonne devient la capitale de l’espionnage avec la bénédiction de Salazar. Mais il est pris à son propre jeu : alors que son allié britannique recrute ses opposants communistes, les espions allemands infiltrent jusqu’aux flottes de pêcheurs de l’Atlantique nord.
Or remporter la bataille de l’Atlantique devient crucial pour les Alliés qui préparent le Débarquement en Normandie. Et l’archipel portugais des Açores est le point névralgique pour protéger leurs convois militaires. Salazar y négocie pied à pied avec Churchill et obtient en échange la survie de son régime. Lorsque les ouvriers portugais, portés par les victoires alliées, se mettent en grève, il les réprime implacablement. Il continue aussi de vendre son tungstène au IIIe Reich, au prix fort.
Les Alliés emploient les grands moyens : menacé d’un coup d’Etat, Salazar finit par signer l’embargo sur le tungstène, deux jours seulement avant le Débarquement en Normandie. Il se rallie aux vainqueurs in-extremis. Et en profite pour renforcer son pouvoir pour les 25 ans à venir. La dictature qu’il a fondée demeure jusqu’à aujourd’hui la plus longue d’Europe.
Note des auteurs - Bruno Lorvão & Christiane Ratiney
Nous pensons tout savoir sur la Seconde Guerre mondiale. De ses batailles mémorables à ses grandes figures politiques, de ses jeux d’alliances au rôle des services secrets, de ses désastres humains à ses opérations clandestines. Or, le rôle ambigu joué par le Portugal entre 1940 et 1945 est à la fois l’un des aspects parmi les plus intrigants du conflit et les plus ignorés. En effet, durant cinq ans Lisbonne fut l’un des centres névralgiques d’un continent en proie au chaos. Préservée du conflit, la capitale portugaise fut la plaque tournante des espions et des ambassadeurs des deux camps ; mais aussi, le dernier port libre d’Europe, celui par lesquel des dizaines de milliers d’Européens dont beaucoup de Juifs, fuyant la persécution nazie ont quitté l’Europe. Une zone grise de la seconde guerre mondiale.
Si le rôle du Portugal est aussi méconnu, c’est que le régime fasciste de Salazar a maintenu le pays sous une chape de plomb mémorielle jusqu’à sa chute en 1974. Durant l’après-guerre, le récit officiel affirmait que ces années qui avaient ébranlé le monde, s’étaient déroulé au Portugal de manière paisible et sereine, comme si la déflagration s’était déroulée sur une autre planète. La « révolution des œillets » et le retour de la démocratie ont permis un certain renouveau de l’histoire nationale, mais ce n’est que depuis une quinzaine d’années que la période fait véritablement l’objet de recherches approfondies. Aussi, comme la plupart des Portugais, Bruno n’a pris conscience que très récemment de l’importance jouée par son pays sur le théâtre européen.
Une capitale en ébullition
Paris sous occupation allemande à partir de juin 1940, Lisbonne devient la nouvelle Ville-Lumière du vieux continent. Comme le Portugal bénéficiait de l’unique port libre ouvert sur l’Atlantique, les réfugiés des quatre coins de l’Europe y sont arrivés en masse et ont contribué à forger une atmosphère cosmopolite. Dès lors, la capitale lusitanienne devient une parenthèse enchantée pour tous les naufragés d’un continent à la dérive, en attendant de pouvoir s’embarquer pour le Nouveau Monde. Les réfugiés bousculent une ville engoncée dans le conservatisme. Les autorités mettent à l’amende les baigneurs qui portent des maillots indécents. La vie culturelle se trouve vivifiée par la venue de vedettes comme Vivien Leigh, la star d’Autant en emporte le vent ou Danielle Darrieux qui passe sa lune de miel à Lisbonne.
Salazar, un dictateur fasciste indispensable aussi bien au IIIe Reich qu’aux Alliés
Mais le Portugal de cette époque n’est pas seulement un havre de paix. C’est aussi et surtout un territoire en sursis qui se trouve au milieu d’un feu croisé constant. Son alliance multiséculaire avec l’Angleterre et la proximité de son premier Ministre, Antonio de Oliveira Salazar, avec les régimes fascistes du IIIe Reich et de l’Italie de Mussolini, placent le Portugal dans une situation périlleuse : Hitler ne voit pas d’un bon œil les liens étroits qui l’unissent au Royaume-Uni et de l’autre côté, Churchill, donne raison au dicton local qui prétend qu’avec un allié comme l’Angleterre, aucun besoin d'ennemi ! »
Pour survivre à la guerre, Salazar proclame son pays neutre. Il va intriguer, négocier, manipuler, réprimer pour conserver sa mainmise sur son pays et assurer la pérennité de son régime. Il ne choisira son camp qu’à l’avant-veille du Débarquement en Normandie, où la guerre bascule clairement en faveur des Alliés. Et une fois rangé au côté des vainqueurs, il ne laissera aucune chance aux partisans de la démocratie.
Depuis son bureau où il dirige son pays d’une main de fer, Salazar se révèle un stratège rusé et un habile négociateur. Il traite avec Churchill comme avec Hitler sur un pied d’égalité. D’un côté, il négocie pied à pied avec les Alliés le contrôle de l’archipel des Açores, qui leur est si nécessaire pour ravitailler leurs troupes en prévision du Débarquement ; de l’autre, il approvisionne l’Allemagne en tungstène, si indispensable à son industrie militaire. D’un pays faible et menacé au début de la guerre, il fait une place incontournable dont les deux camps sont dépendants. Symbole de ce retournement de situation, les Alliés devront menacer Salazar d’un coup d’Etat pour qu’il arrête de vendre du tungstène au IIIe Reich. Ainsi loin d’être une scène en arrière-plan du conflit, le Portugal est bel est bien au centre de l’échiquier géopolitique des deux belligérants, permettant à Salazar de tirer la situation à son avantage.
Documentaire
52 minutes
Auteurs et réalisateurs
Bruno Lorvao et Christiane Ratiney
Conseillère historique
Margarida Ramalho
Commentaire dit par
Chloé Réjon
Musique originale
Laurent Parisi
Animation
Lorenzo Recio
Produit par
Fabienne Servan-Schreiber
Fatma Tarhouni
Une production
Cinétévé
Avec la participation de
France Télévisions,
RTBF, Histoire TV
Avec la soutien de
La Procirep - Sté des producteurs et de l'Angoa,
Centre National du Cinéma et de l'image animée
Année 2022
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