Communiqué de presse
Le 5 décembre 1933, c’est l’affliction dans la petite colonie française de Saint-Pierre et Miquelon si proche des États-Unis, alors qu’à New York, Los Angeles, Chicago, la fête bat son plein. La loi qui interdit aux Américains de boire, d’importer ou de commercer de l’alcool depuis treize ans vient enfin d’être abrogée ! Cette période, connue sous le nom de « prohibition américaine », est terminée.
Si à Saint-Pierre et Miquelon on est aussi meurtri, c’est parce que depuis 1922 la colonie française est devenue la plaque tournante du plus grand trafic d’alcool jamais organisé. L’archipel français s’est transformé en base logistique et a récolté des pluies de dollars. Cette manne providentielle a profité à la colonie mais aussi à l’Hexagone qui a empoché des taxes douanières faramineuses. Les gouvernements français qui se sont succédé ont tout fait pour favoriser ce commerce, au grand dam des Américains…
L’aubaine était trop belle pour relancer des secteurs de l’économie moribonds comme la filière du champagne, particulièrement éprouvée par la Grande Guerre. Le port de Bordeaux, qui exporte les alcools français, a retrouvé une deuxième jeunesse. La Compagnie générale transatlantique qui relie Le Havre aux États-Unis, a développé son chiffre d’affaires grâce aux riches Américains qui ont profité de croisières bien arrosées. Les fameux cognacs Monnet relancés par Jean Monnet, futur « père de l’Europe », se sont même retrouvés sur les étagères des drugstores américains comme…médicaments !
Ce marché noir tenu par la mafia américaine a été alimenté par des marins aventuriers, les bootleggers, qui n’ont pas eu froid aux yeux en livrant clandestinement la marchandise en haute mer le long de « la ligne du rhum ». Le Français le plus célèbre d’entre eux, le Saint-Pierrais Henri Morazé, est allé jusqu’à rencontrer Al Capone en personne. Ces contrebandiers ont affronté la haute mer, les garde-côtes américains – qui n’hésitaient pas à ouvrir le feu – et les cutters, des pirates prêts à tout pour piller les précieuses cargaisons de whisky ou de champagne. Ils se ravitaillaient à Saint-Pierre, où tout le monde bénéficiait de ce commerce ; illicite aux États-Unis mais complètement légal en France. L’argent a tellement ruisselé qu’à Saint-Pierre on ne savait plus comment stocker les liasses de dollars qui s’accumulaient dans les coffres-forts.
Les Américains ont multiplié les pressions sur les gouvernements français qui, avec une grande courtoisie, se sont empressés de ne rien changer ! Il faudra le crack de Wall Street en 1929 puis l’élection du président Franklin Roosevelt fin 1932 pour que la politique d’interdiction de l’alcool aux États-Unis se fissure et que le « Volstead Act » soit définitivement abrogé en 1933. C’est la fin des « jours heureux » pour Saint-Pierre et Miquelon. L’île au champagne redevient avec amertume l’île de la pêche à la morue…
Documentaire
54 min – inédit
Ecrit et réalisé par
Xavier Fréquant et
Yassir Guelzim
Raconté par
Philippe Torreton
Musiques originales
Mathieu Gauriat
Illustrateur-création des dessins
Antoine Moreau-Dusault
Conseiller historique
Jean-Pierre Andrieux
Recherchiste archiviste
Jean-Marie Disdero
Production
Screen Addict
Wapiti Productions
Producteur délégué
Xavier Fréquant
Avec la participation de
France Télévisions,
de la Collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon,
de la Procirep et de l’Angoa,
du ministère des Outre-Mer et
du Centre National du Cinéma et de l’image animée
2024
Unité documentaires France Télévisions
Antonio Grigolini
Emmanuel Migeot
Louis Castro
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