La parole en mouvement

Originaire de Nouvelle-Calédonie, Rémy, 40 ans, est un homme à la fois moderne et très ancré dans sa culture kanak. En 2019, il quitte son archipel pour venir étudier à l’École internationale de mime corporel dramatique de Montreuil. Étudier le mouvement à travers une formation diplomante est pour lui une manière de prendre sa revanche sur la vie. Lui, l’enfant autodidacte, le feu follet de son clan, qui s’est toujours tenu éloigné des bancs de l’école. Artiste aux multiples casquettes (slameur, danseur, conteur, mime...), son intérêt pour la gestuelle du corps et le mouvement vient de sa curiosité et de son questionnement sur « le sacré ». Comment performer en associant danse ancestrale et modernité, sans profaner l’essence de son héritage culturel ? Rémy se qualifie de « performeur oratoire ». Comme de nombreux insulaires, il a succombé à l’appel du voyage, mais l’adaptation à l’Hexagone n'est pas tous les jours facile.

En troisième année, Rémy est sur le point d’obtenir son diplôme. Il deviendra alors le premier mime kanak de l’histoire. Cette formation constitue un tournant majeur dans sa manière d’aborder le monde. D’abord, par la rigueur du travail qu’elle exige. Apprendre la maîtrise du corps, sans cesse à la recherche de ses limites, et élargir son panel d’émotions, afin de nourrir son jeu et étoffer son « moi » dramatique. L'école est également pour Rémy un lieu de rencontres et de nouvelles amitiés. Les étudiants, venus pour la plupart de l’étranger (Honduras, États-Unis, Angleterre, Canada…), se côtoient dans une atmosphère qui rappelle celle des troupes de théâtre. Que ce soit son professeur, le maître mime Ivan Bacciocchi, ou ses camarades, tous aujourd’hui comptent beaucoup, et contribuent à son ouverture au monde, aux autres. 

En parallèle de ses cours, l'homme ne chôme pas. Il enchaîne spectacles solo et en groupe avec son personnage « TrotroYmeResh ». Dans chacune de ses créations, l'artiste s’amuse à mêler culture ancestrale et influences occidentales. Du Hall de la Chanson à la Cité internationale des Arts, il profite des rencontres et des opportunités : l’occasion pour lui d’agrandir son univers et de partager sa culture avec le plus grand nombre.

Créateur hors pair, Rémy est quelquefois tiraillé par le doute. Le manque de confiance en lui, un trop-plein d’humilité et le mal du pays peuvent l'entraîner dans une sorte de mélancolie. Après un retour à Nouméa, où il rencontre ses amis, il rejoint Lifou pour un ultime voyage dans sa tribu. Pour lui, retrouver cet environnement où il a grandi, avec ses plages, sa forêt, ce rythme si particulier, apparaît comme un retour aux sources apaisant, un peu comme si ces dernières années loin de chez lui prenaient enfin sens. Il revoit les membres de son clan, qui l’accueillent avec sourires et regards bienveillants. Rémy comprend qu’il a le soutien de tous. Il se rend à la petite école de son village pour rencontrer les enfants et discuter avec leur maîtresse. Un spectacle improvisé se met en place. La transmission est en route. Véritable passeur, Rémy vit pour ses moments de partage, d’amour et de respect. Et comme il le dit, en soi, n’est-ce pas l’essentiel ?