A partir du mercredi 26 février 2025, Marie Portolano présentera la case Infrarouge et proposera des débats, après la diffusion de certains documentaires, avec des invités en plateau.
Il y a quatre ans, Olivier a réalisé son rêve : ouvrir un élevage de porcs bios. Mais une crise terrible frappe le secteur. Sa banque lui donne une année pour s’en sortir ou tout perdre.
Résumé
Olivier Tanguy a travaillé toute sa vie en Bretagne dans des élevages industriels de porcs. Souffrance animale, dégâts environnementaux, pollutions et mauvaises conditions de travail… cette activité lui est devenue insupportable. Il s’est mis à rêver d’un monde meilleur.
Alors il y a quatre ans, Olivier décide d’ouvrir un élevage de porcs biologiques. Le marché est prometteur. L’agriculture bio explose et la loi Egalim votée en France impose 20% de produits bios dans l’alimentation collective (écoles, hôpitaux, collectivités,…). Un débouché énorme qui encourage toute la filière.
Mais aujourd’hui, une crise terrible frappe l’agriculture biologique. La banque d’Olivier lui a donné un an pour s’en sortir. Il risque de fermer son élevage et de tout perdre. Entre les rêves d’hier et la réalité d’aujourd’hui, que s’est-il passé ? Olivier n’a commis aucune erreur et sa jeune exploitation a été bien menée.
Ses difficultés sont celles d’un système tout entier que l’état avait encouragé et qui se sent aujourd’hui abandonné. Comme lui, 50% des éleveurs de porcs bio risquent de fermer cette année.
Dans un contexte où la crise environnementale est au cœur des préoccupations des Français, la ferme d’Olivier incarne pourtant un modèle plein d’espoir. Pas d’utilisation de pesticide ni d’intrant chimique, respect de la qualité et de l’eau et de l’air, bonnes conditions d’élevage des animaux… Comment comprendre que le seul modèle agricole qui préserve réellement l’environnement et la biodiversité soit abandonné ?
Note d'intention d'Eric Guéret
Les racines de ce film s’enfoncent dans la colère et se nourrissent de la résistance qu’elle provoque. La colère peut être autodestructrice. Mais si on sait utiliser l’énergie et la puissance qu’elle dégage, la colère nous procure la force de ne pas abandonner nos combats et de se battre jusqu’au bout.
J’ai réalisé de nombreux films sur l’environnement et particulièrement sur l’agriculture. J’ai vu comment ce secteur a évolué depuis une quinzaine d’années, acceptant l’idée qu’un autre modèle que l’agriculture intensive était possible. J’ai filmé des paysans victimes des pesticides, incapables de se passer de ces produits alors qu’ils en mourraient au volant de leurs pulvérisateurs. Et j’ai filmé ces mêmes hommes dix ans plus tard convertissant leurs exploitations à l’agriculture biologique. J’ai compris à leurs côtés que quelque chose bougeait et qu’un espoir immense était permis.
Aujourd’hui, 50% des jeunes qui s’installent en agriculture veulent le faire en bio. Avec eux j’y ai cru. Et j’ai rêvé d’une terre où l’homme arrêterait de détruire le vivant qui l’entoure. L’emploi des pesticides et des engrais chimiques sont responsables de l’effondrement de la biodiversité. Et comme le rappelle la cour des comptes dans un récent rapport, l’agriculture biologique « est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale. » J’irais plus loin en disant qu’elle est le seul moyen d’éviter encore la catastrophe annoncée pour le vivant.
Au cours de la dernière décennie, l’agriculture biologique a connu un changement d’échelle, pour atteindre 10% de la surface agricole.
Mais depuis quelques années, une crise terrible frappe le secteur et rien ne semble fait pour le protéger. De nombreuses exploitations ferment et les agriculteurs désespérés se sentent abandonnés. Beaucoup d’entre eux perdent tout ce qu’ils possèdent et le secteur entier voit des décennies d’efforts partir en fumée.
Les raisons apparentes de cette crise sont multiples : situation en Ukraine, coût de l’énergie, augmentation des prix des céréales et des matières premières, inflation et baisse du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages… La grande distribution a amplifié le phénomène en réduisant la place des produits bio dans ses rayons et en maintenant des prix élevés.
Mais au-delà de ces constats tragiques, ce qui nourrit ma colère, c’est le sentiment de trahison que je partage avec tous les agriculteurs biologiques.
C’est l’Etat qui a encouragé l’accélération du développement de cette filière à l’époque où la croissance était là. Quand Olivier a décidé de monter sa ferme en 2018, la production nationale de porcs bio ne représentait que 0,5%. Pour répondre aux exigences européennes, le gouvernement a demandé à la filière de passer à 5 %. Pour soutenir son développement, il fait voter la loi Egalim pour contraindre la restauration collective à acheter des produits biologiques. « Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d’une mission de service public devront compter 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques » annonce le communiqué du ministère de l’agriculture. « La restauration collective qui représente chaque année 3,7 milliards de repas constitue un formidable levier de progrès pour accélérer la transition vers une alimentation plus saine, durable et accessible à tous ».
Quatre années plus tard, cette loi nourrit toutes les déceptions de la filière biologique. Elle n’est tout simplement pas appliquée. Et rien n’est fait pour qu’elle soit respectée. Comment une loi approuvée par le gouvernement et voté par le parlement peut rester sans effet alors que toute la filière biologique s’est structurée et engagée sur cette promesse ?
Et au milieu de ce chaos, l’état reste étrangement muet.
L’histoire d’Olivier est celle d’une trahison. De la faillite d’une promesse. De la vacuité de la parole politique. C’est l’histoire d’une filière vertueuse que tout le monde réclame mais qui risque de mourir si rien n’est fait pour lui venir en aide. Les éleveurs de porcs sont les plus sinistrés par cette crise mais d’autres filières bio sont aussi dans la tourmente. Aujourd’hui, 60000 agriculteurs qui ont fait le choix de se convertir sont menacés.
Le monde scientifique s’accorde à reconnaitre que l’agriculture biologique est la seule solution pour préserver la biodiversité et l’habitabilité sur terre. L’année qui s’engage est cruciale pour Olivier, pour l’agriculture biologique et pour la planète.
L’Etat s’engagera-t-il enfin aux côtés des agriculteurs biologiques ? Ou laissera-t-il mourir cette filière en abandonnant ses objectifs de 18% de bio en 2027 ? Contraindra-t-il les industriels et les collectivités à respecter la loi Egalim et offrir à la filière bio les débouchés qu’on lui avait promis ? Et nous, consommateurs, sommes-nous prêts à soutenir un système qui préserve notre santé et l’avenir ?
Le documentaire sera suivi d'un débat animé par Marie Portolano avec :
Eric Guéret, Réalisateur et Philippe Camburet, Président de la FNAB (Fédération Nationale d'Agriculture Biologique)
© Nathalie Guyon - FTV
#INFRAROUGE
Présentation
Marie Portolano
Un film de
d’Eric Guéret
Produit par
Haut et Court Doc
Pôle documentaires société et géopolitique de
France Télévisions
Antonio Grigolini
Renaud Allilaire
Julie de Mareuil
Sophie Chegaray
À voir sur
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