Patitifa

Fièr.e.s, la voix du Pacifique

mercredi 12 février à 19.25

Patitifa met en lumière l’histoire, les enjeux et les spécificités des peuples du Pacifique à travers une sélection de documentaires captivants. Ces films donnent la parole à celles et ceux qui façonnent cette région, riche d’une diversité culturelle et linguistique exceptionnelle.

Chaque émission est une invitation au voyage : à travers le temps, les territoires et les récits, avec à la clé des rencontres qui bouleversent, interpellent et suscitent la réflexion.

Dans nos îles, la notion de genre est bien plus complexe qu’on ne le pense. Loïc, Reretini, Lalita, Tehau et Sailali, souvent qualifiés de « mauvais genre » ou encore de « 3ème sexe », sont les porteurs d’une identité transgenre rare et puissante.

À travers leurs récits, nous plongeons dans l'intimité de leur quotidien, une réalité où se mêlent lumière éclatante et ombres persistantes. Ces cinq individus courageux nous invitent à découvrir la richesse de leur parcours, fait de luttes, de fierté et d'amour.

Ils nous offrent, avec une sincérité bouleversante, une vision inédite de la transidentité, en lien avec la culture polynésienne, et partagent avec nous les batailles qu’ils ont dû mener pour s'accepter et s'affirmer. Un film émouvant et éclairant qui nous ouvre les yeux sur une facette méconnue de l'identité dans le Pacifique, où la diversité de genre est un héritage autant qu'une conquête.

« FIER.E.S – La voix du Pacifique » • Durée : 54 min • Auteur et réalisateur : Raynald Mérienne • Production : DEBAZ.media, Eclectic et Stories&Co •

Avec la participation de France Télévisions, Et le soutien du CNC, de la Polynésie française, de la PROCIREP et du Ministère délégué chargé des Outre-Mer

 

Patitifa

une émission des antennes TV de Polynésie La 1ère 

 

directeur régional : 

Jean-Philippe LEMÉE 

directeur éditorial : 

Alex BELLEROSE 

responsable des antennes TV : 

Tepiu BAMBRIDGE 

administrateur de production : 

Jules COLOMBEL 

4 questions à Raynald MÉRIENNE, réalisateur du doc

Qu'est-ce qui vous a inspiré à réaliser ce documentaire ?

Dès ma première rencontre avec la Polynésie française, j’ai été fasciné par la grande visibilité des personnes transgenres dans la vie quotidienne tahitienne. Elles me semblaient évoluer avec une apparente fluidité dans toutes les composantes de la société. Cette situation contrastait fortement avec la réalité des personnes transgenres en France métropolitaine dont le quotidien était marqué par le rejet et l’exclusion. J’ai donc voulu comprendre quelles étaient les racines de cette grande tolérance et pourquoi les cultures océaniennes semblaient vivre les questions d’identité de manière apaisée tandis que les cultures occidentales étaient plus fracturées sur ces questions.

Petit à petit, je me suis rendu compte que le sujet était bien plus complexe qu’il n’y paraissait et que derrière l’image de façade se cachait une réalité beaucoup plus contrastée avec des parcours de vie et des expériences parfois extrêmement douloureuses. Mes lectures, mes recherches, mes discussions m’ont permis de comprendre que si la société traditionnelle polynésienne a toujours été très ouverte sur les questions liées aux identités, la société contemporaine était en revanche plus divisée, produisant des situations de grande souffrance.

A travers ce documentaire, j’ai donc cherché à comprendre ce qui explique cette évolution de la pensée, tout en laissant la parole s’exprimer. On a toujours peur de ce que l’on ne connaît pas. Permettre aux personnes qui vivent une transidentité de se raconter, c’est favoriser la rencontre et enrichir le vivre ensemble.

* Comment avez-vous travaillé pour représenter fidèlement et respectueusement les expériences des personnes transgenres dans votre documentaire ?

Deux directions fondamentales ont guidé mon travail. La première a bien sûr été de rassembler le plus de témoignages possibles. J’ai ainsi échangé avec plus d’une centaine de personnes, aux expériences et aux parcours très différents. Certaines sont de Tahiti, d’autres vivent dans les différents archipels du Fenua, d’autres encore ont choisi de s’installer en France métropolitaine. Certaines vivent leur identité de manière apaisée et heureuse. D’autres ont des parcours plus heurtés. Certaines se définissent comme Mahu, d’autres comme Raerae, d’autres comme femmes ou hommes transgenres, d’autres enfin ne supportent plus ces étiquettes et se définissent comme des hommes ou des femmes à part entière. Nous avons partagé des discussions riches et sincères soit par téléphone, soit en vis-à-vis, autour d’un verre, dans l’environnement familial, dans le cadre d’un engagement professionnel ou associatif, à l’occasion d’un événement culturel… Ce sont des rencontres, des moments de partages, des échanges inspirants…

La seconde a été de consulter historiens, sociologues, anthropologues ou encore acteurs du monde associatif ou du monde religieux, pour mieux observer l’évolution de la question des identités à travers l’histoire et mieux comprendre leur réalité actuelle. Vahi Tuheiava-Richaud, Serge Tcherkézoff, Bruno Saura, Karel Luciani, le père Christophe, Mareva Arnaud Tchong ou encore Julia Pacifico sont quelques-unes des personnes référentes qui ont accompagné mes recherches.

Quels défis avez-vous rencontrés lors du tournage ou de la production, et comment les avez-vous surmontés ? 

Le plus grand défi a été de déterminer les 5 intervenants principaux du film parmi l’ensemble des témoignages recueillis, tant toutes ces histoires sont riches et passionnantes et peuvent permettre de nourrir la réflexion. Il fallait que les cinq témoignages retenus puissent mettre en lumière des réalités diverses et complémentaires, et des manières différentes d’appréhender les questions d’identité. On ne vit pas ces questions de la même manière selon qu’on réside à Tahiti ou dans les îles, selon qu’on ait 20 ans ou 50 ans, selon qu’on soit né biologiquement homme ou femme. Il était essentiel que ces témoignages, sans être exhaustifs, puissent permettre à toutes les identités de s’exprimer. L’autre défi a été de ne pas tomber dans une vision caricaturale ou manichéenne. Il n’était pas question de faire un film misérabiliste ou au contraire de tomber dans l’angélisme. Je ne voulais pas non plus faire film « idéologique ». Je souhaitais réaliser un film qui amène à la fois de la nuance et de la Lumière. Un film humaniste et universel, qui sont les deux piliers qui nourrissent mon travail. Là encore, ce sont les longues heures passées à échanger, à discuter avec chacun(e) des intervenant(e)s, qui m’ont permis de surmonter ces problèmes difficultés.

Quel impact espérez-vous que ce film aura sur la perception du grand public et sur les droits des personnes transgenres ? Quel message principal souhaitez-vous transmettre au public ?

A l’heure où nos sociétés contemporaines se fracturent et s’opposent, je veux mettre en lumière les enseignements riches et inspirants de la pensée océanienne, tels qu’ils me sont apparus à travers mes recherches : à partir du moment où une personne participe activement à la vie sociale et au bien-être de sa communauté, à partir du moment où elle ne retire rien aux libertés fondamentales d’autrui, pourquoi ne pourrait-elle pas vivre pleinement l’identité que son cœur et son âme lui dictent ? Ce qui fait la richesse et la qualité d’une personne, ce n’est pas de s’inscrire dans une « norme » artificielle, fluctuante selon les époques et les cultures ; ce sont les valeurs humaines qu’elle porte et la Lumière qui brille en elle.