Je n’ai pas hésité avant d’accepter la proposition de Georges-Marc Benamou et d’Henri Helman de mettre en scène « Les Aventures de la jeune George Sand », qu’ils ont écrit avec la collaboration d’Elodie Monlibert. Les textes font la part belle à un récit d’aventures populaire et grand public, avec ses antagonistes acharnés et ses péripéties romanesques : trahisons, enlèvements, poursuites, procès… Mais surtout, ce qui m’a plu, c’est qu’ils sont résolument du côté de la jeunesse. Les grands noms historiques évoquent souvent, dans notre imaginaire, des figures vieillissantes incarnant le poids de la sagesse et de l’Histoire ; au contraire, dans « La Rebelle », George Sand a 27 ans, et autour d’elle la jeune garde romantique qui va révolutionner le théâtre et la littérature ne dépasse pas la trentaine (Mérimée, Dumas, Balzac, Vigny, Sainte-Beuve) quand ils n’ont pas à peine 20 ans (Musset, Sandeau). On est loin de la reconstitution poussiéreuse, et il fut pour moi très enthousiasmant de faire incarner ces figures légendaires par des jeunes acteurs. C’est déjà, par essence même, un pas vers la modernité.

J’en viens tout naturellement au cœur de la série : le personnage de George Sand. Par sa liberté de parole, son refus de l’ordre établi, son courage, sa joie de vivre, les risques qu’elle prend et les épreuves qu’elle traverse, elle est incontestablement une figure avant-gardiste du féminisme. C’est une femme pleine d’esprit, combative et rieuse, qui ne se lamente jamais sur son sort ; une femme qui n’a peur de rien et qui agit, par des choix forts et loin d’être évidents à l’époque (et encore aujourd’hui) : quitter son foyer, se pourvoir en justice… Une femme, enfin, qui assume une sexualité plurielle, avec de multiples partenaires, hommes ou femmes, et qui par le travestissement et le changement d’identité entrechoque notre époque contemporaine où la jeunesse revendique justement le droit à la non-binarité. George Sand, il y a deux siècles, faisait déjà voler en éclats le concept de genre. Il est peu dire qu’elle a révolutionné la société, en plus de se faire une place parmi les plus grands auteurs littéraires.

Avec l’équipe majoritairement féminine qui m’a accompagné dans la plupart de mes films, j’espère avoir rendu à George grâce et hommage, et fait que la jeunesse d’aujourd’hui, qui ne la connaissait peut-être pas, la découvre et l’admire.

Rodolphe Tissot, réalisateur