
Retour sur le parcours de l’écrivain et artiste martiniquais Joseph Zobel, mondialement connu pour son roman autobiographique La Rue Cases-Nègres, adapté au cinéma par Euzhan Palcy en 1983. Parti d’une enfance de misère entre champs de canne et violence raciale, Joseph Zobel parvient à sortir de sa condition grâce à sa grand-mère. Ses rêves, auxquels il n’a jamais renoncé, le mènent à s’exiler dans l’Hexagone pour progressivement devenir un artiste accompli, dont la route croise certaines des grandes figures de la négritude, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor en tête.
Poète, sculpteur, peintre, maître en art floral japonais, Joseph Zobel ne s’interdit rien. À force de détermination et malgré les échecs, il s’est imposé comme une figure respectée de la littérature francophone. À partir d’images privées, de la Martinique aux Cévennes en passant par Paris, ses proches témoignent sur le parcours d’un homme animé jusqu’à la fin de sa vie par sa passion des arts.
C’est à Petit-Bourg, dans les terres agricoles du sud de la Martinique, que naît Joseph Zobel. Issu d’une famille modeste, dans une société dominée par les descendants de colons blancs, le jeune Zobel est orphelin de père et se voit confié à sa grand-mère maternelle. Surnommée M'man Tine, cette ouvrière agricole âgée vit dans ce que l’on surnomme une rue « Cases-Nègres », un ancien quartier d’esclaves bordé d’habitations précaires faites de bois et de tôle. Joseph Zobel y vit dans le dénuement le plus total. La dureté des conditions de vie, la misère et la faim rythment son quotidien. Pour M'man Tine, l’éducation de son petit-fils est primordiale. Il sera le premier de la plantation à intégrer l’école de Petit-Bourg. Excellent élève, Joseph Zobel apprend à lire et à écrire, et se voit destiné à de grandes études. Il intègre le lycée Schoelcher et se retrouve confronté aux différences de classes, certains privilégiés vivent dans l’abondance tandis que ceux avec qui il a grandi meurent de faim. L'enfant insouciant laisse place à un adolescent révolté.
Bac en poche, les yeux rivés vers l’Hexagone et passionné d’arts plastiques, Joseph Zobel rêve de s’inscrire aux Beaux-Arts de Paris. Mais la Seconde Guerre mondiale vient bouleverser ses projets. Retenu en Martinique, il commence à écrire de petits récits sur le quotidien des Martiniquais dans la presse locale et se fait remarquer. Adepte de la revue Tropiques dirigée par Aimé Césaire, Joseph Zobel s’inscrit dans une génération qui s’éduque et revendique son identité. Entre les deux hommes, une inconditionnelle amitié se noue. Véritable mentor, Aimé Césaire le pousse à écrire son premier roman, Diab'-là, qui paraît en 1942. Cette fable, porteuse d’espoir et pleine d’audace, s’attire aussitôt les foudres de l’administration vichyste. Symbole de révolte, l’œuvre est censurée et ne sera publiée qu’en 1947.
Durant l’Occupation, Zobel rencontre sa femme ; trois enfants naissent de leur union. Malgré cette nouvelle vie de père de famille, l'homme est insatisfait. Ses rêves d’études et d’art le poussent à quitter la Martinique, destination Paris, un an après la Libération. La dureté de l’exil et les affres de la guerre rendent son arrivée difficile. Mais guidé par son ambition et sa soif de connaissance, dans une capitale cosmopolite en pleine ébullition, Joseph Zobel s’épanouit au contact de nombreux intellectuels, et croise notamment la route des sœurs Nardal, de René Maran et Léopold Sédar Senghor. Un an plus tard, la famille Zobel est à nouveau réunie. Désormais enseignant, Joseph Zobel s’adonne à sa passion pour les arts, tantôt écrivain, dessinateur ou encore photographe. À la fin des années 1940, tiraillé par ses souvenirs de la Martinique, entre nostalgie et colère, il livre un témoignage poignant sur sa jeunesse à travers son roman autobiographique La Rue Cases-Nègres. Prisé dans les cercles littéraires, prix Lange de l’Académie française en 1954, l’ouvrage connaîtra une renaissance grâce à son adaptation cinématographique trente ans plus tard par la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy.
En 1957, l’Afrique tend les bras à l'écrivain. Enseignant puis producteur radio au Sénégal, il y restera plus de quinze ans. De retour en France, il s’installe dans les Cévennes et poursuit son œuvre littéraire tout en s’adonnant à la sculpture, la poterie, l’ikebana ou encore au yoga et au shiatsu. Sa soif d’apprentissage est insatiable. Jusqu’à la fin de sa vie, Joseph Zobel ne se pose aucune limite. En 1998, l’enfant de « la rue Cases-Nègres » se voit décoré chevalier de la Légion d'honneur, la plus haute décoration française.
Près de vingt ans après sa mort, son œuvre continue de voyager à travers le monde. Exposition, hommage, bande dessinée, rencontre… l’empreinte de Joseph Zobel est considérable et en fait un écrivain pionnier de la littérature antillaise.
Inédit
52 min
Écriture et réalisation
Inès Sabatier
Inès Blasco
Fabrice Gardel
Images
Henri Desaunay
Teddy Albert
Montage
Mathieu Weschler
Production
Auxyma
Avec la participation de
France Télévisions
Directeur des contenus
du pôle Outre-mer
Laurent Corteel
Directeur adjoint des contenus, en charge des documentaires
Sophiane Tilikete
Responsable de programmes
Gabrielle Lorne
2025
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