
Communiqué de presse
Résumé
Franck, Guillaume, Kadi, Antoine n'ont pas grandi auprès de leurs parents, mais sous la tutelle de religieux catholiques. Pour la première fois devant une caméra, ils et elles racontent leur enfance dans les « homes indiens » de Guyane, des pensionnats catholiques destinés spécifiquement aux enfants amérindiens et noirs-marrons, populations qualifiées de « primitives » par les autorités étatiques jusqu'à tard dans le XXe siècle.
Des années 1930 jusqu'à 2023 – date de la fermeture du dernier home de Guyane –, plus de 2 000 enfants ont grandi dans ces établissements. Ils y ont été éloignés de leur famille et coupés de leur culture, soumis à une évangélisation et une assimilation forcée. En finançant avec l’argent public la formation des jeunes « primitifs » dans des pensionnats catholiques initiés et tenus par des congrégations religieuses, les représentants de la République et de l’Église se sont-ils rendus coupables de « génocide culturel » ? C'est la question que soulèvent aujourd'hui des juristes et d'anciens pensionnaires.
À l'aide d'archives inédites, Pensionnats catholiques de Guyane : la blessure plonge dans cette histoire encore méconnue de la France en Guyane, une vieille colonie devenue un jeune département d'Outre-mer.
Les intervenants
Edenz Maurice , historien • Père Henri-Claude Asselos, évêché de Cayenne • Carine Peltier-Caroff, responsable de l’iconothèque – Musée du Quai Branly-Jacques Chirac • Franck Appolinaire , pensionnaire du home de Mana (1978-1980) • Stéphanie Guyon , professeure en science politique • Guillaume Kouyouri, pensionnaire du home d’Iracoubo (1964-1970) • Éléonore Kadi Johannes, pensionnaire du home de Saint-Laurent-du-Maroni (1957-1968) • Jean Moomou, pistorien • Georges Rech, directeur des archives territoriales de Guyane, directeur de la Maison des cultures et des mémoires de Guyane • Antoine Abienso, pensionnaire du home de Maripasoula (1970-1975) • Jean-Pierre Massias, juriste Institut Louis-Joinet
Note d'intention - Hélène Ferrarini
Journaliste indépendante travaillant pour des médias guyanais et nationaux, j'ai enquêté pendant plusieurs années sur l’histoire méconnue et alors peu documentée des « homes indiens », après y avoir été sensibilisée par les récits d'anciens pensionnaires. Puis il s'agissait de passer des mémoires individuelles à un récit historique, chose qui n'avait pas encore été faite à propos des homes de Guyane. Un livre qui réunit le fruit de mes recherches a été publié en septembre 2022 aux éditions Anacharsis.
Diplômée d'un master de recherche en histoire et travaillant en presse écrite, en radio et en bande dessinée, je pense que cette histoire a tout le potentiel pour être racontée en documentaire audiovisuel.
Au cours de mes recherches, j'ai accordé une attention particulière aux archives iconographiques que j'ai pu identifier. La découverte de deux documents filmiques montrant en détail la vie aux homes de Maripasoula et de Mana dans les années 1970 et 1980 m'a convaincue de la nécessité de partager avec le grand public ces sources inédites qui ne peuvent l'être que sous forme audiovisuelle. Ce film permettra d'aborder plus d’un demi-siècle de l'histoire guyanaise, de circuler dans différentes parties de cette vaste région amazonienne et ainsi de donner à voir la diversité de ce territoire. Pour le clergé catholique, les homes étaient l'occasion rêvée pour évangéliser les populations amérindiennes et noires-marronnes de Guyane, qualifiées de « païennes » par l'Église. La prière, les sacrements, la messe y sont obligatoires et imposés aux enfants dont les religieux ont la garde. Par son aspect systématique, le passage dans un établissement religieux a pesé de tout son poids sur les communautés amérindiennes concernées. Des fratries entières, sur deux ou trois générations, ont grandi loin de leurs parents parfois dès l'âge de 3 ans, au côté de religieux catholiques, dans un environnement culturel autoritaire et empreint de violence, qui leur était totalement étranger. Le panel des effets des « homes » sur les communautés amérindiennes de Guyane est large : acculturation, déperdition des langues autochtones, évangélisation, perte de savoirs ancestraux, culpabilisation, sentiment de honte...
Ces pensionnats catholiques ont façonné les mondes amérindien et marron. Raconter cette histoire est donc une manière de parler du monde autochtone guyanais d'aujourd'hui, imprégné des pertes en partie imputables à l'éducation de fratries entières dans ces pensionnats catholiques, mais aussi des combats que mènent certains anciens pensionnaires. Qu’ils soient politiques, pour l’obtention de droits reconnaissant les peuples autochtones depuis le grand rassemblement de 1984, ou qu’ils soient plus intimes pour initier un processus de réconciliation, avant tout avec eux-mêmes.
Note d'intention - François Reinhardt
Quand la productrice Véronique Chainon m’a contacté pour réfléchir à un film consacré aux homes indiens de Guyane, je lui ai d’abord confié mon ignorance de la société guyanaise. Tout en soulignant combien la nouveauté est souvent un excellent stimulant.
Elle m’a ensuite proposé de constituer un duo avec Hélène Ferrarini, auteure d’Allons enfants de la Guyane (publié en septembre 2022). Cela a été extrêmement motivant. Hélène est sans aucun doute l’historienne qui a fait le travail le plus solide – et le plus récent – sur l’histoire de ces pensionnats autochtones. L’équipe s’est donc rapidement constituée et mise au travail. Le développement commence à porter ses fruits.
Les agissements de la France envers les populations indigènes de ses anciennes colonies, en revanche, c’est un sujet que j’ai déjà eu l’occasion d’étudier et de décrire dans plusieurs films : Kalepo, un Kanak dans la Grande Guerre et Des Antilles au Djebel en particulier.
Dans ces précédents documentaires, je racontais le parcours de jeunes hommes envoyés au front, volontairement ou non, au secours de la mère patrie.
Une patrie plutôt ingrate, il faut bien l’avouer. Abandonnant ses principes fondateurs de liberté, d’égalité et de fraternité, quand il s’est agi de payer les dividendes des sacrifices. Trahissant la promesse faite alors d’accorder la citoyenneté à ses enfants des colonies. « Engagez-vous » qu’ils disaient !
Ce projet-ci ne nous conduira pas sur les champs de bataille. Il nous emmènera en revanche dans ce territoire français, une des « vieilles colonies », si mal connu. Que sait-on de la Guyane ?
On applaudit les succès d’Ariane à Kourou, on frissonne au souvenir du bagne, on salue la détermination de la Légion étrangère, on pleure parfois les forces de l’ordre qui perdent la vie en pourchassant les orpailleurs illégaux, on compatit un instant aux colères qu’une population locale amère manifeste sporadiquement, mais rarement des documentaires prennent le temps d’aller à la rencontre des Amérindiens, des noirs-marrons, des créoles, pour écouter ces peuples raconter leur Histoire. Avec ce film, l’occasion se présente.
Toute la singularité de ce projet est là : il va permettre de raconter une histoire presque centenaire, méconnue en Hexagone, mise sous le tapis mais jamais oubliée en Guyane. Et, presque par conséquent, jamais pardonnée.
Documentaire
53 min – inédit
Auteurs
Hélène Ferrarini
François Reinhardt
Réalisation
François Reinhardt
Narrateur
Édouard Montoute
Produit par
Véronique Chainon
Production
Bérénice Médias Corp.
Avec la participation de
France Télévisions, du CNC,
de la Collectivité territoriale de Guyane
En partenariat avec le
CNC
Avec le soutien de
la Procirep - Société des producteurs - l'Angoa
Musiques originales
Samuel Roux
Stéphane Jach
Unité documentaires France Télévisions
Antonio Grigolini
Emmanuel Migeot
Louis Castro
À voir sur
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