
Communiqué de presse
Votre argent ne dort pas. Il est investi et vous n’avez aucun droit de regard ! On nous promet des placements sans pétrole ou « développement durable ». Hugo Clément est allé vérifier et découvre que des épargnants se retrouvent à financer sans le savoir des entreprises qu’ils ne voulaient surtout pas soutenir.
Édito de Hugo Clément, journaliste
Devant les banques, on voit des publicités avec des arbres. Nos cartes bancaires sont le plus souvent en plastique 100 % recyclé. Dans les publicités, on nous dit que notre argent va servir à financer un monde meilleur. On nous propose un livret développement durable et des investissements sans pétrole… J’ai voulu voir ce qu’il en était. Comme beaucoup de Français, je possède un livret A. C’est un livret encadré par l’État, le taux est fixé par l’État, il est géré en grande partie par la Caisse des Dépôts et Consignations, donc une banque publique… Je me suis dit que ce serait donc facile de savoir où va l’argent placé dessus. Nous avons découvert qu'il est en réalité très difficile de savoir ce qu’en font les banques ! La Caisse des Dépôts refuse de nous donner le détail de tous ses investissements. Pourtant, une partie de cet argent est bien investie dans les actions et les obligations de grandes entreprises. C’est un système totalement opaque.
Après trois ans d’enquête, nous avons réussi à trouver des investissements de la Caisse des Dépôts. Nous avons découvert qu’elle possédait plus d’un milliard d’euros d’actions de Saint-Gobain, le géant des matériaux de construction en France (données octobre 2024). Et, incroyable, la Caisse des Dépôts investit dans les forêts. Elle tire un revenu de la vente du bois mais aussi d’une pratique totalement méconnue : la chasse à courre. C’est une chasse d’un autre âge, particulièrement décriée, où les chasseurs traquent le gibier jusqu’à épuisement. Les pratiquants payent un droit de chasse qui revient à la Caisse des Dépôts.
Nous nous sommes ensuite intéressés au charbon. Nous avions bien gardé en tête que plusieurs banques françaises se sont engagées à arrêter de le financer au moment de la Cop21. C’est le combustible le plus émetteur gaz à effet de serre. Nous nous sommes rendu compte que cinq grandes banques financent directement l’entreprise qui exploite la plus grande mine de charbon d’Allemagne. Ils justifient ces investissements parce que cette mine est censée fermer en 2030. En allant sur place, on est époustouflés par la taille de la mine. On voit bien qu’elle continue de se développer : les villages alentour sont rasés les uns après les autres, y compris les églises, pour continuer l'exploitation.
C’est important de dénoncer ce double discours car nous avons remarqué que les banques peuvent faire machine arrière quand la pression médiatique est forte. Nous avons suivi Peter Bosip, un militant de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il se bat contre un projet d’extraction de gaz GNL. Il a voyagé jusqu’à Paris pour rencontrer les dirigeants du Crédit Agricole. La banque française prévoyait de financer le projet, mais, grâce à la mobilisation et à sa détermination, le Crédit Agricole s’est retiré du projet.
Des séquences exceptionnelles
Le “livret de développement durable et solidaire” n’a de durable et de solidaire que le nom
Ça s'appelle le livret de développement durable et solidaire, c’est géré en majorité par la banque publique la Caisse des Dépôts, mais impossible de savoir précisément où va cet argent. Nous avons suivi un militant qui se bat contre un projet de Saint-Gobain près de chez lui. Il découvre grâce à notre enquête qu’il finance malgré lui l’entreprise contre laquelle il milite ! Bruno Lemaire, alors ministre de l’Économie, disait lui-même que le livret de développement durable et solidaire « n’a de durable et de solidaire que le nom » (France Inter, décembre 2022).
La Caisse des Dépôts tire des revenus… de la chasse à courre !
La Caisse des Dépôts est une banque publique qui gère entre autres une partie des livrets A des Français. Elle investit dans des actions d’entreprises ou achète dans des forêts. Elle tire des revenus de la vente du bois et de chasses à courre payantes organisées dans leurs forêts. Cette technique de chasse est très décriée parce qu’elle ne tue pas l’animal sur le coup mais le poursuit jusqu’à épuisement.
Ces cuves de pétrole en France sont financées par les assurances-vie
Si vous demandez à votre banquier précisément comment est investi l’argent de votre assurance-vie, il ne pourra pas vous répondre. Votre argent part dans des fonds eux-mêmes investis dans d’autres fonds, particulièrement opaques… De l’argent de fonds euros est par exemple investi dans des cuves de pétrole en Île-de-France. Nous avons également suivi un épargnant qui avait demandé que son argent ne finance pas le pétrole. Il finit par s’apercevoir qu’une partie de son épargne sert à financer les géants de l'énergie, ExxonMobil et Total Energies.
Un label écolo devient plus exigeant et au lieu de faire évoluer ses investissements, une assurance-vie préfère abandonner discrètement le label
Depuis le 1er janvier 2025, les investissements labellisés « ISR » ne peuvent plus investir dans le développement des énergies fossiles. Vous imaginez que les assurances-vie déjà labellisées allaient améliorer leurs pratiques, financer des projets plus vertueux ? Eh bien pas du tout : une assurance-vie gérée par Amundi (du groupe Crédit Agricole) qui était labellisée ISR a préféré se débarrasser du label.
Les grandes banques avaient promis d’arrêter de financer le charbon mais elles continuent !
On se souvient des engagements de la plupart des grandes banques françaises d’arrêter de financer le développement du charbon. Ça avait été annoncé en grandes pompes au moment de la Cop21. C'était il y a dix ans, et pourtant elles continuent : la BNP, la Société Générale, la Banque Populaire/Caisse d’Épargne et le Crédit Agricole financent toujours l’entreprise d’électricité allemande qui exploite une mine de charbon en Allemagne. Comment est-ce possible ? Parce que officiellement cette entreprise doit arrêter le charbon en 2030. Même si, sur le terrain, la mine est en pleine expansion, et qu'on rase des villages pour l’agrandir.
Des combattants
Ariel Le Bourdonnec
Ariel a débuté sa carrière chez l’un des plus gros assureurs-vie français. Il s’est vite aperçu que l’argent des clients était souvent investi sans tenir compte du climat. Il a quitté le monde de la finance et se bat désormais chez Reclaim Finance pour que cette gigantesque manne financière serve la transition énergétique.
Eva Sadoun
Eva a créé Rift, le « Yuka de la finance durable » qui permet de mesurer très précisément le bilan carbone de son épargne. Cette entrepreneure, diplômée de l’EM Lyon, nous révèle les secrets du livret A et du livret de développement durable et solidaire !
Joanie Lemercier
Cet artiste a commencé à lutter pour la fin du charbon après avoir vu les mines en exploitation en Allemagne. Un véritable choc pour lui, qui met désormais toute sa création artistique au service de cette cause. Sur place, Joanie nous guide à travers les villages détruits et nous dévoile qui finance cette entreprise titanesque.
Alice Longuepe
Alice est banquière depuis vingt ans. Elle se décrit comme un ancien « bon petit soldat » des banques traditionnelles. Elle était promise à une belle et longue carrière. Jusqu’à ce qu’elle devienne maman et réalise que son travail n’était pas assez porteur de sens. Elle quitte le secteur bancaire classique et devient banquière itinérante pour la NEF. Elle finance désormais uniquement des projets vertueux pour la société et l’environnement.

Présentation
Hugo Clément
Production
Winter Productions
Production
Régis Lamanna-Rodat
Hugo Clément
Rédaction en chef
Pierre Grange
Réalisation
Andréa Orvain
Unité documentaire
Antonio Grigolini
Amandine Picault
Benoît Raio de San Lazaro
À voir sur
francetv.preview
Les épisodes de Sur le front sont disponibles dans la collection france.tv nature