6kilomètres, Mayotte

Après un premier épisode tourné à Nouméa, le réalisateur Julian Starke pose cette fois sa caméra — ou plutôt son drone — à Mayotte, territoire encore marqué par le passage du cyclone Chido. Le dispositif constitue la signature de cette série documentaire, un plan-séquence de 52 minutes filmé en une seule prise depuis les airs, qui ouvre un espace de contemplation, d’écoute et d’immersion rare dans le réel. Trois jeunes Mahorais qui ne se connaissent pas — Malika, El Kabir et Nilda — parcourent ensemble l’île, partageant leur quotidien, leurs doutes et leurs rêves pour l’avenir. À travers leurs voix se dessine un portrait sensible et profondément incarné de la jeunesse mahoraise à un moment charnière de son histoire.

Le drone suit le chemin qui traverse le village de Bandrélé jusqu’à Musicale Plage et en épouse le fil narratif. Ce parcours devient une métaphore, celle d’une île douloureusement marquée par le cyclone, mais aussi celle d’une génération qui refuse le fatalisme et se bat pour son avenir. À mesure que le film avance, les trois protagonistes dévoilent un visage de Mayotte rarement mis en lumière, un visage porté par une jeunesse fière, forte, résiliente et déterminée à tracer son propre chemin.

Nilda, 28 ans, a grandi entre la France, la Tanzanie et le Kenya, avant de revenir chez ses parents à Sada « pour un temps ». Chido a bouleversé ses plans mais a aussi révélé ce à quoi elle tenait vraiment. Dans ce retour devenu décisif, elle voit une chance de participer au renouveau de son territoire, d’accompagner une transformation déjà à l’œuvre et de montrer qu’un avenir peut se construire à Mayotte. « Notre génération peut vraiment emmener cette île à son plein potentiel », confie-t-elle.

À 23 ans, El Kabir incarne une jeunesse qui avance malgré tout. Arrivé d’Anjouan, dans l’archipel des Comores, à 13 ans, étudiant en BTS, bénévole engagé pour la protection des tortues et pilier d’une famille nombreuse, il jongle entre responsabilités et emplois précaires. La destruction de son logement lors du cyclone a englouti ses économies et repoussé son projet de départ dans l'Hexagone. Rien n’entame pourtant sa détermination, et il poursuit ses études, imagine sa future entreprise et rêve d’un vivre-ensemble qui ne resterait pas une promesse. « J’ai envie de montrer aux gens que je suis un étranger et que je vais contribuer à l’évolution de Mayotte », affirme-t-il.

Malika, 27 ans, est revenue sur l’île après ses études et une expérience professionnelle au Luxembourg. Elle crée le podcast En Sah pour explorer les questions d’identité, de politique, de société et de jeunesse. Son regard lucide et exigeant se porte particulièrement sur la condition des femmes à Mayotte, dont elle décrit sans détour les obstacles et la charge mentale. « On ne peut pas être cheffe au travail et en même temps cheffe à la maison. C’est beaucoup de pression », explique-t-elle.

À travers ces trajectoires singulières et puissantes, 6kilomètres offre une plongée unique dans le quotidien mahorais et révèle une génération qui refuse les récits tout faits pour mieux écrire le sien. Ce nouvel épisode, tourné au cœur du territoire et porté par des voix intimes, dévoile une Mayotte en reconstruction, animée par l’énergie, la détermination et l’espoir de sa jeunesse.