Teaser
Diffusion
À quelques jours du huitième anniversaire de la révolution syrienne, France 5 propose le dimanche 10 mars à 22.35 « Daraya, la bibliothèque sous les bombes », un film de Delphine Minoui, inspiré par des vidéos inédites du blocus. Une histoire syrienne bien réelle, belle et tragique à la fois, qui offre un regard sur la guerre qui ravage aujourd'hui le pays : celui d'une résistance par les livres et la culture au milieu du chaos.
Documentaire sélectionné au FIGRA 2019 dans la compétition internationale plus de 40 minutes.
Documentaire sélectionné au FipaDoc 2019 dans la section compétition nationale.
Présentation du documentaire
Dans ce film, les téléspectateurs suivent l'épopée d'une incroyable communauté d'insoumis qui oppose la beauté des mots à la violence des bombes.
Ils s’appellent Shadi, Ahmad, Jihad… Au coeur de la ville rebelle de Daraya, assiégée par le régime de Damas de 2012 à 2016, ces jeunes révolutionnaires se mettent en tête de sauver des livres des maisons bombardées pour créer une bibliothèque clandestine au fond d’un sous-sol.
Un pari fou porté par le désir de maintenir éveillée la flamme de la révolution dans ce berceau du soulèvement
anti-Assad de 2011. A l’ombre de la guerre, les livres sont minutieusement classés, numérotés – et les noms de leurs propriétaires inscrits en première page. Malgré les bombes et la faim, malgré la mort qui rode à tous les coins de rue, activistes et combattants anti-Assad sont chaque jour de plus en plus nombreux à fréquenter ce refuge de papier.
Libérés des injonctions de la censure, ils dévorent tout ce qui passe sous leurs yeux : ouvrages de sociologie, manuels de théologie, recueils de poèmes, romans… Les livres les plus plébiscités, comme Les Sept habitudes des gens efficaces de Stephen Covey, best-seller international de développement personnel, font l’objet de mini-conférences à huis clos.
Très vite, la bibliothèque se transforme en université de tous les possibles. Elle se mue en un espace de débat démocratique, où l’on "bidouille" des connexions Skype pour discuter avec des opposants en exil, où l’on repousse les chaises contre les murs pour célébrer les fiançailles des copains, où l’on invente des slogans, des journaux, où naissent de nouvelles idées sous le feu de la mitraille. La vie malgré tout. Une incroyable bouffée d’oxygène dans le chaos syrien.
Aujourd’hui, la bibliothèque n’est plus. Début août 2016, après quatre ans de siège implacable, le régime a repris le contrôle de Daraya. Mais il n’a pas tué ses rêves. Séparés malgré eux, déplacés au Nord de la Syrie pour les uns, réfugiés en Turquie pour les autres, Shadi, Ahmad et Jihad tentent par tous les moyens de se revoir, de faire revivre cette aventure exceptionnelle. Ce documentaire est l’histoire de leur épopée, de leur amitié joyeuse et indéfectible, scellée sous les bombes et à travers les livres. Oscillant entre images d’archives inédites de ce passé encore si proche, filmées par tous ces jeunes, et un tournage réalisé au présent, il sonde la mémoire de Daraya, en la confrontant à cette question universelle : que reste-t-il d’une révolution lorsqu’elle a été brisée ?
Fiche technique
64' inédit • Un film de Delphine MINOUI, co-réalisé par Bruno JOUCLA, avec la collaboration de Shadi MATTAR • une production BROTHERFILMS (David ANDRÉ et Emmanuel FRANÇOIS), avec la participation de FRANCE TÉLÉVISIONS et de la RADIO TÉLÉVISION SUISSE, avec le soutien de la région l'Ile-de-France, avec le soutien de la Procirep et de L'Angoa, avec la participation du Centre national du cinéma et de l'image animée et de Ici-RDI • commentaire lu par Antoine FLEURY • Musique originale Lou ROTZINGER • Année 2018
Note d'intention
Familière de la Syrie, où j’ai souvent séjourné, j’ai suivi dès le début les soubresauts de la Révolution, puis son basculement dans la guerre. Comme nombre de journalistes et de documentaristes, j’ai vite été confrontée à la difficulté de continuer à couvrir ce pays, de plus en plus inaccessible. Impossible, pourtant, d’abandonner cette histoire : il fallait tenter d’emprunter d’autres chemins pour la raconter. A l’automne 2015, je tombe sur une photo publiée sur une page Facebook. Entourés de murs de livres, de jeunes hommes bouquinent dans l’obscurité. La légende est sommaire : elle évoque une bibliothèque secrète au coeur de la ville assiégée de Daraya, à 7 kilomètres de Damas. Je veux en savoir plus. De textos en appels Whatsapp, je finis par entrer en contact avec les responsables de ce lieu impromptu au coeur de la guerre. Pendant des jours, des semaines, des mois, nous tissons un lien singulier grâce à la lucarne de l’Internet. Entre bombardements et coupures d’électricité, ils me racontent le blocus, les bombardements aux barils d’explosif, les ventres qui se vident et cette folle entreprise de sauvegarde de quelques 15 000 livres. Parfois, un cliché accompagne leur message. Je les regarde : ils nous ressemblent. Ils portent des T-shirt Adidas, des baskets délavés. Ils sont drôles, curieux, plein de vie… si loin de l’étiquette de « terroristes » que Bachar al-Assad s’est obstiné à leur coller.
Épilogue
Ce documentaire au long court, porté par un an de tournage en Turquie, est ainsi né de l’envie d’immortaliser le souvenir de Daraya, de donner à voir ce qu’ils ont vécu, mais aussi de faire revivre cette expérience inédite née au coeur de la guerre syrienne. Au gré de leurs retrouvailles, ils s’interrogent sur la vie, sur leurs envies. Comment se remet-on d’un siège ?
Le rêve de Daraya est-il consumé ? Enterré à jamais ? Comment cultiver cette amitié à la fois indéfectible et fragile quand chacun emprunte un chemin différent ? Des interrogations universelles qui se posent après le blocus de Daraya, comme elles se sont posées ailleurs, pour d’autres, après Sarajevo ou pendant Gaza. Au delà de ces questionnements, ce film où passé, présent et futur se croisent – parfois s’entrechoquent – donne à voir ce que le régime de Bachar al-Assad a voulu effacer à jamais : la mémoire vivante de Daraya. Il répond à l’envie de ne pas céder à l’oubli, de se souvenir de ces quatre années d’espoir et d’enfer à travers ce qu’il en reste : un groupe d’amis, complices d’un rêve commun, celui d’un monde meilleur, qui leur a été volé. Ce film, c’est un peu le journal intime de leur révolution.
Delphine Minoui est grand reporter au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient. Prix Albert Londres 2006 pour ses reportages en Iran et en Irak, elle a couvert tous les grands événements du monde arabo-musulman de ces vingt dernières années. Après avoir été en poste à Téhéran, Beyrouth, et au Caire, elle vit aujourd’hui à Istanbul, où elle continue à suivre de près l’actualité syrienne.
Elle est également l’auteure de « Je vous écris de Téhéran” (Le Seuil), « Tripoliwood » (Grasset), et « Moi, Nojoud, dix ans, divorcée » (Michel Lafon). Passionnée de littérature, de théâtre et de documentaires, elle a réalisé en 1999 un film sur la mise-en-scène, à Téhéran, d’« En attendant Godot », de Samuel Beckett, par de jeunes acteurs dissidents iraniens.
En 2002, elle a été l’assistante de réalisation de Thierry Michel sur le tournage de « Iran : sous le voile des apparences”.
Publié en 2017 aux éditions du Seuil, et traduit dans de nombreuses langues, son livre « Les passeurs de livres de Daraya : une bibliothèque secrète en Syrie » a reçu le Grand Prix des Lectrices de ELLE 2018 dans la catégorie Documents. Avec « Daraya : la bibliothèque sous les bombes », elle signe son premier long documentaire d’auteur.
Delphine Minoui
Bruno Joucla est réalisateur. Récemment il a réalisé « Au nom de l’ordre et de la morale », documentaire multi primé dans de nombreux festivals. Il débute sa carrière en1998 à l’agence CAPA comme monteur. Très vite, son travail est remarqué sur de nombreux films. Il a notamment travaillé avec Richard Puech (Une journée dans la vie d’un pneu • Prix de l’investigation FIGRA), Alexis Marrant (Planète à vendre • Prix du jury FIGRA), Manon
Loizeau (Chronique d’un Iran interdit • Grand Prix FIGRA). Depuis une dizaine d’années, il collabore plus particulièrement avec David André, réalisateur entre autres des films « Chante ton bac d’abord » (FIPA D’OR) et « Une peine infinie, histoire d’un condamné à mort » (Prix Albert Londres).
Au fil des films, aussi singuliers les uns des autres, Bruno Joucla a affiné son écriture visuelle et narrative, sa patte, son regard. Il s’est construit son identité. Naturellement il s’est tourné vers la réalisation (Du cotés des vivants • Devenir Médecin • Instincts Primaires, coulisses d’une élection), toujours plus animé par le monde qui l’entoure et les histoires qui en découlent.
Bruno Joucla
La lecture, une nourriture spirituelle
Le rapport de ces jeunes aux livres en dit long sur leur attachement à la démocratie et à la pensée plurielle. Sauver des livres, c’est sauver leur patrimoine, préserver ces quelques traces, aussi infimes soit-elles, de leur passé, de leur identité culturelle, qui s’effacent alors sous les impacts quotidiens des bombes. C’est résister au régime, à son idéologie, à sa propagande. Quand ils n’ont guère plus à manger qu’une soupe quotidienne à base de feuilles, la lecture devient leur nourriture spirituelle. Encerclés par les tanks, privés de la moindre issue de secours, ils se réfugient inlassablement dans les livres. Eux qui ne lisaient pas avant la guerre en ont fait leur passe temps favori. Ils lisent pour rester humain, pour ne pas céder à la folie. Ils lisent pour s’évader. Pour maintenir une porte ouverte sur le monde. Pour continuer à s’instruire. La lecture est leur arme d’instruction massive.
« Ils lisent pour rester humain, pour ne pas céder à la folie.
Ils lisent pour s’évader. »
Pour aider les jeunes de Daraya dans leurs nouveaux projets Delphine Minoui a ouvert une cagnotte solidaire sur Leetchi intitulée Daraya alive depuis début mars.