UN VILLAGE FRANÇAIS

Sur quel décor s’ouvre cette première partie de la saison 7 ?

Nous sommes sur la première moitié de l’année 1945. C’est la construction des mémoires de l’Occupation. Tous les personnages en ont une, et on va montrer au public pourquoi finalement dix, vingt, quarante ans après, il n’y a pas une seule mémoire de cette période, mais plusieurs. Il n’y a pas eu une histoire, mais des histoires. Ce qui explique qu’il y a des livres, des visions et des souvenirs différents sur l’Occupation. Dans la série, chacun des personnages se trouve à devoir justifier ses choix, à la fois politiques, mais aussi personnels, liés à sa vie privée. Car chaque individu est un historien de sa propre histoire. Dès le départ, je savais que cette saison finale montrerait comment les individus sont porteurs de récits différents sur une même période.

D’où un choix particulier d’écriture pour cette saison finale, faite de flash-back et de flash-forward…

Dans les six premiers épisodes, chaque personnage va voir des moments de son passé, particulièrement les années d’Occupation. Nous avons repris quelques courts plans déjà diffusés, mais avons surtout tourné des séquences du passé marquantes pour nos héros, et qui n’avaient pas été montrées pour une raison ou pour une autre. Par exemple, Raymond voit soudain Marie dans un moment fort de 1942 ou 1943. Habituellement, je ne suis pas un fanatique des flash-back au cinéma ou à la télévision, mais ici leur utilisation est parfaitement justifiée puisque chaque personnage doit revivre un évènement, ou commencer à raconter ce qui s’est passé. Il était donc normal d’aller revisiter filmiquement l’histoire de chacun des protagonistes.

La seconde moitié de la saison 7, que nous tournerons prochainement, portera sur la suite de l’année 1945. Nous utiliserons cette fois des flash-forward, des projections de nos personnages qui fantasment sur leur futur. Ce seront des visions intimes, personnelles de Daniel, Raymond, Bériot, Lucienne, Antoine…

Souvent, les séries s’arrêtent pour des contraintes extérieures, d’audience, économiques… Nous, dès le départ d’Un village français, nous savions qu’il y aurait 72 épisodes et que l’histoire s’achèverait en 1945. Ce qui nous permet de proposer une fin harmonieuse, et effectivement tournée vers l’avenir.

Quels sont les enjeux de la saison ?

Ce sont les couples d’Un village français, une dernière fois confrontés à leur destinée. Tous, d’une façon ou d’une autre, vont devoir répondre aux questions : « Qu’est-ce qui s’est passé depuis 1940 en France ? » et « Qu’est-ce qui s’est passé entre nous ? ». Cette série est avant tout l’histoire de couples. Comment chacun, à travers son duo, se trouve confronté à la grande histoire, à la coercition et au danger. Comment ces couples tiennent, ou pas, se mentent, se reconstituent… Lucienne et Bériot forment un tandem particulier qui consomme, broie, voire tue, une troisième personne pour pouvoir tenir le coup. Il y a eu Marguerite, puis Kurt. Un nouveau personnage va arriver… De son côté, Daniel doit composer avec Hortense, toujours son épouse, et devenue la lie rejetée par tout le monde. Alors qu’elle est borderline psychologiquement, lui est en procès et risque gros… Raymond et Jeannine ne sont plus ensemble depuis 1942. Ils ont chacun reformé des couples avec d’autres personnages, mais sont aujourd’hui à nouveau seul. Ils ont des intérêts économiques convergents. Que va-t-il se passer entre eux ? Et puis, il y a Antoine et Geneviève, le jeune chef maquisard et la sœur d’un milicien. Avant de partir à la guerre en Allemagne, il lui a dit qu’il l’épouserait. Antoine revient… Enfin, le couple tragique que composent Jean Marchetti et Rita, le chef de la police sous l’Occupation et la juive qu’il a sauvée, aimée et engrossée. Quand la saison commence, le sort de Jean est scellé… il est condamné à mort. Mais il a un problème de mémoire lui aussi. Il veut laisser une trace à son fils. D’une certaine façon, ce couple va aussi se reconstituer…

Le « Village » touche bientôt à sa fin, va-t-il vous manquer ?

C’est la vie, je vais me lancer dans d’autres séries ! Et puis, nous sommes encore en atelier d’écriture des six derniers épisodes, dix ans après les débuts des premiers, en 2006. C’est surtout la fin d’une aventure exceptionnelle pour la télévision et la fiction françaises. Il n’y a pas eu beaucoup de séries de prime time, même à l’époque de l’ORTF, qui ont duré aussi longtemps sur cette page de l’histoire. Des feuilletons quotidiens ont été diffusés, mais pas en prime. Un village français nous a donné beaucoup de bonheur, que ce soit à l’écriture ou sur le plateau. Mais cette aventure intense doit aussi s’arrêter. On ne doit pas se retrouver à ne plus savoir pourquoi on produit des épisodes. La série a commencé avec l’arrivée des Allemands en 1940 et s’arrête avec leur départ.

Propos recueillis par Anne-Laure Fournier et Sylvie Tournier