Temps Fort Semaine 10
France Télévisions propose une soirée spéciale sur l'affaire Pauline Dubuisson avec deux programmes inédits : une fiction de Philippe Faucon, adaptée du livre de Philippe Jaenada, suivie d'un documentaire qui retrace l'enquête de l'auteur à travers photographies, archives de l'époque et séquences dessinées.
Cette affaire inoubliable reste marquée par la personnalité énigmatique de cette femme accusée du meurtre de son amant, qui inspira en 1961, Henri-Georges Clouzot pour son film "La vérité" avec Brigitte Bardot.
Avec : Lucie Lucas (Pauline), Lorenzo Lefebvre (Félix), Helena Noguerra (Mère de Félix), Jean Dell (Père de Félix), Florence Thomassin (Eva)
Synopsis
Novembre 1953. Pauline Dubuisson est accusée d’avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette jeune femme dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice ? Un monstre de duplicité qui a couché dans le lit de l'Occupant, a été tondue, avant d’assassiner par jalousie un garçon de bonne famille ? Ou n’est-elle, au contraire, qu’une jeune fille libre qui revendique avant l’heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société ?
Note d'intention de Philippe Faucon - réalisateur
L’histoire de Pauline Dubuisson est celle d’une jeune femme qui va affirmer une revendication d’émancipation trop en avance sur son temps. En refusant la place assignée à une jeune femme de son milieu par des conventions largement dominantes à son époque, Pauline va connaître une trajectoire chaotique, qui deviendra le prétexte d’une opprobre générale, dont les raisons sont à chercher bien d’avantage dans la non conformité de la jeune femme aux règles sociales d’alors…
Lorsque Pauline est jugée pour avoir provoqué la mort de Félix (accidentellement, selon elle), elle représente à l’époque quelque chose de si dérangeant que son procès va être le prétexte d’un véritable lynchage judiciaire, journalistique et public. Pour commencer, elle est l’exutoire d’une mauvaise conscience encore prégnante vis à vis de la période de l’Occupation. En même temps, elle cristallise tous les préjugés alors associés à une « nature féminine » fantasmée, imaginée pervertie dès lors que ne correspondant pas à celle d’épouse et de mère. Pauline est jugée calculatrice, manipulatrice, froide, perverse, « garce », « salope », etc. Lors du procès, elle n’est évidemment pas crue lorsqu’elle affirme avoir eu des relations sexuelles avec Félix désirées par celui-ci après leur séparation. Pour l’opinion générale, lui ne peut avoir été capable d’une telle trahison vis à vis de sa fiancée, c’est forcément elle qui ment, perversement.
Aux yeux de tous, la « petite femelle » est trop libre dans sa vie amoureuse, donc immorale. Trop dans le rejet des hypocrisies sociales de son temps, donc déviante et néfaste. Trop en revendication d’autonomie, donc arrogante et dangereuse. Pour toutes ces raisons, j’ai choisi de participer au réveil de Pauline Dubuisson et d’en faire une héroïne qui va interroger nos temps modernes. Sa volonté d’émancipation questionne la place des femmes au sein de la société. Personne n'a jamais voulu écouter ce qu'elle avait à dire et je porte l’ambition que notre film, puisse la réhabiliter et ouvrir le débat sur un sujet d’une actualité brûlante.
Pauline Dubuisson, l’impossible oubli : 22h45
Résumé
Le 17 mars 1951, Pauline Dubuisson tire trois balles de pistolet sur son ancien amant, et le tue. Condamnée aux travaux forcés à perpétuité, elle n'échappe à la guillotine que grâce à l'unique femme du jury. Car, au- delà du crime passionnel, c'est d'abord une femme que la justice de l'époque condamne. Une femme libre, une étudiante en médecine brillante, une adolescente qui "a couché" avec des Allemands durant la guerre, une "hyène" comme la qualifiera le procureur.
En 1961, alors qu'elle sort de prison, "La vérité" de Georges Clouzot sort sur les écrans avec Brigitte Bardot dans le rôle principal. Le film, tiré de l'histoire de Pauline, va précipiter sa fin tragique.
Note d'intention de Vincent Maillard - réalisateur
Pauline n’aurait rien voulu de tout cela, mais les choses sont advenues. Son enfance mouvementée durant la guerre. Ce crime comme un accident de la part d’une jeune femme passionnée, sans doute victime d’une instabilité psychologique que l’on ne traitait pas à cette époque. Et puis le procès, la prison, le Maroc, le suicide.
Elle ne voulait rien de tout cela, elle aurait voulu être une femme anonyme, médecin, amoureuse. Elle ne voulait pas être connue, elle ne voulait sûrement pas être une criminelle, et elle aurait tellement voulu être oubliée. Mais c’est impossible. Son histoire est trop bouleversante, et surtout elle incarne trop ce qu’était encore le regard implacable et dominateur des hommes - et de la société de l’après-guerre - sur les femmes.
Je crois que c’est ce décalage, ce « malgré elle » qui m’a le plus touché dans la vie de Pauline. Lorsque l’on lit ses lettres, que l’on consulte les détails de sa vie de prisonnière modèle et généreuse, on finit par avoir l’impression de la connaître. De ressentir que Pauline était simplement une fille intelligente et sympathique. A mille lieux de la « hyène » décrite par le procureur lors de son procès, ou du portrait de la séductrice maladive qu’en a fait la presse.
Voilà ce qu’a si bien compris Philippe Jaenada avec son livre magnifique, « La petite femelle ». Nous sommes nés, lui et moi, au début des années 60, au moment précis où Pauline mourrait. Elle était de la génération de nos mères, si proche. Si proche, et si lointaine lorsque l’on veut raconter la vie de Pauline en images et qu’elles sont si rares. Les seules images sur lesquelles on s'appuie, encore et toujours, ce sont les photographies de son procès. Hormis cela, il n'existe presque rien. Quelques rares photographies de famille, aucun film, aucun son. Personne ne connait le son de sa voix.
Or, Pauline est une héroïne absolue, modestie comprise. Plus fine, plus complexe, plus fascinante que le personnage de Brigitte Bardot dans « La vérité », le film de Georges Clouzot inspiré de son histoire, qui lui fit tant de mal.
Comment rendre alors sa présence, son magnétisme ? Pour nous la rendre plus proche, pour lui redonner un corps, et nous permettre d’entendre ses mots, j’ai décidé de l’incarner tout au long du film dans une série de séquences dessinées, parfois animées, qui donnent vie aux moments clés de son existence, en se référant à l’esthétique si particulière des films noirs des années cinquante.
Pauline Dubuisson, l'impossible oubli tente, en s’appuyant sur le travail d’enquête et de réflexion de Philippe Jaenada, sur ces rares photographies, sur la mémoire des lieux qu'elle a fréquentés - et celle d'un neveu qui l'a connue dans son enfance -, grâce aussi aux archives de cette époque et aux séquences dessinées, de comprendre pourquoi son destin tragique demeure à ce point inoubliable.
Fiction
"La petite femelle"
Durée
87 min
Un film de
Philippe Faucon
Scénario
Philippe Faucon
Antoine Lacomblez
D’après le livre éponyme de
Philippe Jaenada
Produit par
Jean-Pierre Guérin
Thierry de Clermont-Tonnerre
Chantal Fischer
Production
JPG Films
13 Productions
avec la participation de
France Télévisions
Unité fiction nationale
Anne Holmes
Anne Didier
*****
Documentaire
"Pauline Dubuisson, l'impossible oubli"
Durée
87 min
Un film de
Vincent Maillard
Dessins
Philippe Chanteloup
Une production
France Télévisions
Pôle Histoire et Culture
Emmanuel Migeot
et Louis Castro
Direction Unité documentaires
Catherine Alvaresse