En quoi Une planète, deux mondes sauvages se distingue-t-elle des précédentes productions de la BBC Natural History Unit ?
Il y a des similitudes avec des productions comme Planète animale (Planet Earth II) et Planète bleue (Blue Planet II), qui ont été de grands succès.
Mais Une planète, deux mondes sauvages est très différente à plusieurs égards. Il s’agit d’abord de la plus importante production jamais réalisée sur la biodiversité qui, on le sait, est en danger. Il nous semblait indispensable de montrer les menaces qui pèsent sur notre planète. Par exemple, dans les séquences sur l’Antarctique, on n’évoque pas seulement le changement climatique, on montre concrètement son impact sur les animaux. C’est une séquence très visuelle et riche en émotions. Ensuite, nous racontons les dommages historiques causés par la chasse à la baleine, avec néanmoins une avancée positive ces dernières années.
De plus, nous allons encore beaucoup plus loin avec cette production en nous intéressant à l’aspect géologique. Il y a 200 millions d’années, existait un supercontinent appelé Pangée, qui s’est ensuite divisé. Et cette division a donné naissance à l’incroyable biodiversité que nous connaissons. Cette approche géologique est nouvelle et représente le fil conducteur de notre projet.
C’est la première fois qu’on aborde la planète par hémisphère et par continent. Mais les hommes n’habitent pas tous une montagne, une jungle ou un désert, et c’est la façon dont nous abordions les productions jusque-là. La division par hémisphère et par continent permet donc de créer un sentiment d’appartenance. Les téléspectateurs se sentiront ainsi plus proches des histoires qu’ils regarderont.
Les deux films présentent de nouvelles espèces, de nouveaux comportements, et des lieux où nous n’étions jamais allés. Nous les avons également filmés d’une manière différente, grâce à l’utilisation de drones. Et les drones se sont considérablement améliorés ces dernières années : ils délivrent une meilleure qualité d’images, ils volent plus longtemps et sont plus silencieux. Les animaux peuvent totalement ignorer leur présence. Grâce à eux, nous avons obtenu des angles très intéressants et des comportements inhabituels qu’il aurait été impossible de filmer autrement. Des animaux qu’on connaît tous, comme l’ours polaire, montrent des comportements totalement inédits, dans des lieux totalement nouveaux. Je suis biologiste de formation et je travaille sur des programmes de télévision depuis vingt-cinq ans, et pourtant je n’avais jamais entendu parler de certaines espèces avant que mon équipe me les montre !
Quels défis représente le fait de montrer la planète à travers deux hémisphères et sept continents ?
L’une des choses les plus difficiles était la question de la durée. Pour l’Asie, le continent le plus étendu, nous ne disposions que de très peu de temps pour en raconter l’histoire et montrer les animaux incroyables qui y vivent. Un défi ! Pour les continents que les téléspectateurs pensent connaître par cœur, nous avons essayé de les surprendre. Je pense notamment à l’Europe. On croit tout savoir à son sujet, mais lorsque je montre certaines séquences, j’entends : « Quel est cet animal ? Je ne savais même pas que c’était en Europe ! » Je réponds qu’il vit en Arctique et ils me disent : « Nous ne savions pas que nous avions un littoral arctique. » Il y a une immense côte arctique au nord de l’Europe. C’est également fascinant, par exemple, de montrer un désert en Amérique du Sud où vivent des manchots. Il faut essayer d’étonner tout le temps, à la fois visuellement et émotionnellement.
Combien de personnes ont travaillé sur Une planète, deux mondes sauvages ?
Il y a quatre ans, presque jour pour jour, je suis parti pour Londres rencontrer Tom McDonald à la BBC, avec une idée centrale et quelques notes sur la série. On a ensuite développé le projet, puis constitué une équipe et travaillé pendant plusieurs mois. On a littéralement parcouru tous les coins de la planète avec une trentaine de personnes, puis une équipe élargie de plus de 1 500 personnes. Beaucoup ont consacré trois années de leur vie à cette production ! L’un des producteurs a eu un enfant au milieu du projet, qui maintenant marche et parle. Même si cette aventure nous a beaucoup accaparés, nous l’avons adorée. C’est passionnant de trouver de nouvelles histoires et de les raconter de manière immersive. Ce que j’aime, c’est rendre les gens heureux, alors quand vous pouvez le faire pour un milliard de personnes, c’est génial !
Comment avez-vous changé la manière de raconter vos histoires ?
D’abord grâce à la technologie. Notre équipement est désormais beaucoup plus petit et plus léger. Nous pouvons donc réaliser sur le terrain des choses impossibles à faire auparavant. Mais je pense aussi que la narration, notre façon de raconter les histoires, s’est vraiment améliorée. Pour chaque séquence, le récit est motivé par les émotions. Le rythme est beaucoup plus scénarisé qu’il y a dix ou quinze ans. On en revient à nouveau à la technologie. Les séquences sont plus longues. Nous pouvons suivre de meilleurs « personnages » grâce à de meilleures batteries, des caméras plus légères et stabilisées, et des caméras en basse lumière. Cela nous permet aujourd’hui de raconter des histoires aussi fortes que dans les séries de fiction. Vous avez un personnage que vous présentez au public et qui va passer par une transformation ou qui fera face à un défi. La manière de raconter et même le choix de l’animal que nous suivons sont beaucoup plus élaborés. Toutes les séquences sont minutieusement travaillées mais ce travail ne doit pas se voir. Le public ne doit pas voir la plume du conteur.