La Nouvelle-Calédonie, ce bout de France du Pacifique sud, compte 270 000 habitants, dont la moitié a moins de trente ans. Une jeunesse d’une diversité incroyable et aux modes de vie diamétralement opposés.
L’historien Fabrice d’Almeida propose de faire le tour de la question avec un documentaire suivi d’un débat.
20.55 : Documentaire
Confrontations : Nouvelle-Calédonie, un avenir ensemble ?
Tout sépare aujourd’hui encore un jeune urbain de Nouméa d'un habitant vivant de l’agriculture sur Grande-Terre ou dans les tribus traditionnelles. Les disparités sont autant économiques que culturelles : 54,1 % des Européens ont le bac, contre 12,5 % des Kanaks et 14,2 % des Wallis-et-Futuniens. L’écart se creuse encore davantage dans l’enseignement supérieur. À l’heure où le nickel, qui embauchait beaucoup de non-diplômés, connaît une crise grave, comment imaginer le futur de l’île, et surtout celui des nouvelles générations ?
Parviendront-elles à construire un avenir commun, à faire ce « pari de l’intelligence » dont rêvait Jean-Marie Tjibaou ?
En novembre 2018, ces jeunes seront amenés à voter sur l’avenir de leur pays : celui-ci restera-t-il sous l’égide de la France ou deviendra-t-il indépendant ?
21.50 : Débat présenté par Fabrice d'Almeida
Les invités :
Alban Bensa - ethnologue
Alain Christnacht - ex conseiller d'Etat et ex haut commissaire en Nouvelle Calédonie
Denis Tillinac - écrivain, journaliste
Denis Pourawa - poète, comédien, metteur en scène
Isabelle Merle - chercheuse CNRS
Présentation Fabrice d’Almeida
Confrontations : Nouvelle-Calédonie, un avenir ensemble ?
Un film de Thierry Marro
Réalisation Sandra Rude
Production Memento
2016
Durée 52 min
Comment est né ce projet ?
L'idée de ce projet vient à la base de la société de production Memento et de son producteur, Thierry Marro, qui travaille régulièrement pour France Ô et connaît bien les problématiques de l'Outre-mer. En en discutant avec lui, j'ai immédiatement accepté de réaliser ce film dont les enjeux vont au-delà même de la Nouvelle-Calédonie et posent une question plus générale. Qu'est-ce qu'être un jeune Français aujourd'hui quand on vit à des milliers de kilomètres de la métropole ? Comment envisage-t-on l'avenir quand on vit si loin de la France ? En Nouvelle-Calédonie, la question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'elle va se prononcer en 2018 sur son statut.
Comment avez-vous choisi vos interlocuteurs sur place ?
J'ai lu tout ce que je trouvais dans la presse pour commencer. Il se trouve qu'il y avait pas mal d'articles récents quand j'ai commencé mes recherches, à la suite de la visite d'Emmanuel Valls en Nouvelle-Calédonie. Ces articles avaient le mérite de rappeler des faits tangibles sur la réalité sociale et économique de la Nouvelle-Calédonie. J'ai également fréquenté assidument le centre de documentation de la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris. C'est une véritable mine, qui recèle beaucoup d'ouvrages, de revues et de magazines. Cette revue de presse m'a orientée vers un certain nombre d'interlocuteurs qui étaient cités dans les articles. Je les ai contactés, et de fil en aiguille, ils m'ont à leur tour mise en relation avec d'autres personnes. En me rendant sur place pour le tournage en juillet 2016, j'ai également pu rencontrer d'autres interlocuteurs, et notamment les étudiants. C'est toujours beaucoup plus facile de nouer et liens et d'obtenir des témoignages quand on peut en discuter de vive voix. Les appels de métropole créent une distance qu'il est beaucoup plus facile de surmonter quand on est sur place.
Que saviez-vous de la Nouvelle-Calédonie avant d’en faire un documentaire ?
Soyons honnêtes, on parle assez peu de la Nouvelle-Calédonie en métropole. C'est un territoire éloigné, et où peu de gens se rendent, même en vacances, du fait de la distance et du coût d'un tel voyage. En revanche, je crois que personne n'a oublié ce que l'on a nommé pudiquement les "événements" de 1988. C'est mon cas et le documentaire rappelle d'ailleurs ces faits, et ce qui en a découlé - accords de Matignon puis de Nouméa-. C'est le point de départ central pour poser les enjeux de ce film.
Le documentaire est très instructif, et vous avancez d’ailleurs plusieurs chiffres, notamment sur la jeunesse et l’éducation, quelle est votre source ?
J'ai trouvé ces chiffres en faisant cette revue de presse initiale, chiffres que j'ai ensuite vérifiés auprès des professeurs sur place. Ces chiffres peuvent choquer, mais ils reflètent une réalité qui concerne vraiment les jeunes et leur avenir.
Pensez-vous que les jeunes calédoniens soient concernés par l’avenir de leur Pays ?
Indubitablement. Tous les jeunes que nous avons pu rencontrer lors de ce tournage s'interrogent avec beaucoup de pertinence sur leur avenir, quels que soient leur profil, leur situation familiale ou économique. Comme tous les jeunes dans le monde, les Calédoniens vivent connectés, et sont parfaitement au courant des enjeux de la mondialisation notamment.
Pourquoi parlez-vous d’une jeunesse aux modes de vie diamétralement opposés ?
La différence entre les jeunes qui vivent à Nouméa, avec un mode de vie urbain proche de celui que l'on connaît en métropole, de ceux qui vivent encore sur un mode rural sur la Grande Terre ou dans les îles Loyauté est frappante. L'accès à l'éducation, à la santé n'y est pas du tout le même. Puisque nous parlions d'éducation, il suffit de se poser cette question simple : combien de temps met un lycéen pour rejoindre son établissement ? A Nouméa, les lycées sont en ville, il y a des transports en commun : le trajet est rapide. En revanche, pour un jeune qui vit dans les tribus autour de Hienghène par exemple, il faut prendre plusieurs bus avant d'arriver à destination parfois même rejoindre la route principale à cheval ou à pied ! Beaucoup de jeunes qui veulent poursuivre leurs études n'ont d'autre choix que d'aller à l'internat et de quitter leur famille, alors qu'ils sont encore parfois encore très jeunes. L'accès à l'emploi n'est pas le même non plus, si l'on vit à Nouméa, ou proche des centres économiques comme Koné ou Koumac ou à Ouvéa ou Lifou.
Y-a-t-il une différence entre le mode de vie d’un jeune lycéen métropolitain et d’un jeune calédonien ?
Tout dépend une fois de plus de l'endroit où ils habitent et du milieu social dans lequel ils sont nés. En cela, il y a des similitudes entre les lycéens métropolitains et calédoniens : un jeune parisien, lyonnais, ou bordelais, a accès a un choix beaucoup plus étendu d'établissements et de lieux culturels qu'un jeune vivant dans ce que l'on appelle les "déserts français", à savoir les campagnes où les services publics - éducation, santé, culture - se sont raréfiés. Les temps de transports pour aller au lycée peuvent aussi être très longs dans certains coins en métropole ! La différence ensuite vient du fait que si un lycéen calédonien choisit certaines filières, il sera obligé de quitter à un moment donné la Calédonie, ce qui n'est pas le cas d'un métropolitain. Un Marseillais qui décide de poursuivre les études à Lille pourra quand même retourner voir sa famille plusieurs fois par an. C'est beaucoup plus compliqué pour les Calédoniens qui décident d'étudier en métropole ou dans un pays étranger. Leur avenir n'est pas tout à fait identique non plus dans la mesure où un lycéen français a pour environnement proche l'Europe. Le jeune Calédonien peut être davantage tenté de bâtir son avenir dans le monde océanien, et de vivre dans des pays anglo-saxons tels l'Australie ou la Nouvelle-Zélande.