Terre de Métal est le portrait en clair-obscur d'un des écosystèmes les plus riches et menacés de la planète : le maquis minier de Nouvelle-Calédonie.
Images fascinantes et inédites, le documentaire à mi-chemin entre la poésie et la science retrace 150 d'histoire. Celle de l'homme envers les puissances détenues par l'un des sous-sols les plus riches que la terre n'ait jamais portée. Exploration de la relation mystérieuse entre l'homme et son environnement, du botaniste Benjamin Balansa à la fièvre du Nickel Rush, de Fritz Sarasin à Jean Mariotti, en passant d'un contexte d'hier jusqu'à nos jours, plongez dans l'histoire d'une Nouvelle-Calédonie vue à travers le prisme déformant de ses métaux lourds.
Production : Emotion Capturée / France Télévisions / ADCK / IRD
Réalisation : Alan Nogues
Durée : 52 minutes
Diffusion : Mardi 10 mai 2016 à 20h00
Regarder le teaser du film
Observateur attentif et cadreur minutieux, Alan Nogues n'en est pas à son premier coup d'essai. Après la biodiversité dans "L’Île continent" puis la littérature dans "Un Caillou et des livres", le réalisateur s'est interessé en 2014 à l’histoire du pays avec "La Dernière révolte". Il y a trois ans, il proposait un triptyque à NC 1ère : "L'île continent", "Le masque et l'océan" et "Terre de métal". Dans ce dernier, le réalisateur explore l'emprise quasi despotique du nickel sur les végétaux, les animaux et les hommes...Pour le meilleur et pour le pire. Entretien avec le plus poétique des réalisateurs du caillou : Alan Nogues.
Comment est né le projet du film ?
Terre de Métal est la suite de l'Ile Continent (2013), film qui parlait de manière poétique des écosystèmes « forêts humides » de Nouvelle-Calédonie en retraçant une histoire de la biodiversité vue à travers les sciences européennes et kanak. Cette suite s'inscrit dans le même esprit mais le décor a changé, on part cette fois-ci dans l'univers hostile du « maquis minier ». Les savoirs kanak ont laissé place aux savoirs technologiques et c'est le sort d'un milieu naturel placé au centre des finances mondiales, en proie à tous les appétits. Si l'homme était totalement inscrit dans la nature avec le premier épisode, il s'en est cette fois-ci non pas totalement extrait, mais il a tout du moins dépassée cette nature, en comprenant à fortiori et souvent trop tard qu'il n'était au final qu'une espèce plus dangereuse que les autres. C'est un film qui prend place au cœur de la révolution industrielle et qui nous emmène jusqu'à nos jours. L'ambition était de faire un film à la fois historique et scientifique avec une narration visuelle poétique.
Quels ont été moyens techniques mis en place, qu’est-ce ça a impliqué pour filmer les espèces ?
Je me suis beaucoup intéressé aux insectes et à la faune d'eau douce, une faune relativement mal connue et hautement endémique. Le pari était de capturer des instants figés dans le temps en ultra haute définition et donner au spectateur la sensation de toucher du doigt l'invisible et l'intouchable. Il n'y avait pas 36 moyens techniques pour y arriver, il a fallu investir dans du matériel de prise de vue spécialisé, capable de prendre jusqu'à 10.000 images par secondes pour restituer des ralentis parfaitement détaillés sur des insectes en plein vols... par exemple... Mais avant tout, cela a impliqué pas mal de patience et des stratégies vis à vis des espèces. J'ai reçu beaucoup d'aide de la part du monde scientifique et coutumier pour approcher cette vie cachée de manière respectueuse et efficace.
Quel est le postulat de départ du film ?
En Nouvelle-Calédonie, 80% des plantes et des animaux sont endémiques, nous sommes parmi les 3 pays les plus riches de la planète en terme de biodiversité. Mais au delà de cet aspect, ce qui est important de comprendre c'est d'où nous vient cette richesse. L'un des facteurs principaux de la diversité calédonienne c'est son nickel. Et son emprise quasi despotique sur les végétaux, les animaux et les hommes est si forte que tout à la surface de cette terre subit son influence, pour le meilleur et le pire.
Pourquoi avoir voulu mettre en perspective des données historiques dans ce film ?
Car l'histoire de l'homme est toujours intimement liée à celle de la nature. Jusqu'à l'heure fatidique de la colonisation, tout a allait à peu près bien pour la nature calédonienne, quoiqu'il serait erroné de dire que les kanak n'ont pas eu d'impact sur celle-ci, mais le lien entre l'homme et son environnement était fort (et par ailleurs je crois qu'il l'est toujours). La présence française sur cette petite île, si elle fut relativement floue au départ (le bagne) s'est assez vite précisée avec la découverte du nickel... A partir de là, la nature calédonienne et plus spécifiquement les sols riches en métaux (soit quasi la moitié de l'île) ont subi une profonde altération via l'exploitation minière et par conséquent le paysage s'est transformé, l'écosystème s'est modifié. Les éléments historiques du film sont des jalons qui permettent de mieux comprendre les grandes étapes de ces bouleversements. Mais pas que... La condition de l'homme moderne est un tel paradoxe qu'il m'a paru important de montrer qu'au fur et à mesure de cette destruction (liée aux progrès scientifiques et technologiques), d'autres hommes - à la fois en marge de ce système et pourtant parfaitement intégrés à celui-ci - ont contribué à une meilleure connaissance des choses qu'on était en train de détruire... Il s'agit bien sûr des naturalistes au sens large, ces scientifiques à la recherche de la connaissance des plantes et des animaux, enfin de la terre en général. Bien souvent, et selon les époques, ils étaient mandatés pour des raisons économiques, découvrir des choses « utiles » aux métropoles. J'ai surtout voulu montrer à travers ces hommes leur fascination pour cette Terre de Métal, leur engagement quasi religieux et leur amour profond pour le mystère et l'étrangeté du pays. La nature calédonienne est l'un des points les plus fascinants de la planète. La question est peut-être aussi de savoir pourquoi des scientifiques du monde entier affluent chaque année pour étudier ce mystère, et ce depuis le début de la colonisation ?
Quel message aimeriez-vous faire passer avec ce film ?
Le vrai trésor de la Calédonie est sa nature et non pas son nickel. Ce film n'est pourtant pas un réquisitoire contre l'industrie minière, ni un plaidoyer de militant écologiste. Les questions que je pose sont apaisées mais réelles. Le message que je véhicule est poétique. Je veux faire rêver les gens tout en les interrogeant, il n'y a que comme ça selon moi qu'on arrive à sensibiliser.
Quels sont vos autres projets en cours ?
Le dernier épisode de cette trilogie autour de la nature Calédonienne qui s'intitulera « Le masque et l'océan » pour 2019. Entre temps j'ai d'autres films, mais il est encore trop tôt pour en parler !
Alan Nogues
Réalisateur et auteur spécialisé dans le documentaire, Alan Nogues est un passionné de photographie, de littérature, d'histoire, de sciences naturelles, de danse et de cuisine. C'est avec une certaine idée esthétique et intellectuelle du documentaire qu'il aborde ses sujets. Faire des films exigeants tant sur la forme que sur le fond, donner la parole à l'imaginaire et la poésie, à la violence et la souffrance, à la beauté comme à la laideur, pour peut être exprimer la complexité d'une Nouvelle-Calédonie loin des clichés, celle des gens qui la vivent et la rêvent.