Documentaire

Les passagers du pont

Mardi 24 janvier 2023 à 20h00
TELEVISION

2017, Irma, cyclone de force 5 s’abat sur Saint-Martin. En quelques heures l’île est détruite, coupée du monde. Pas de téléphone. Pas d’électricité. Pas d’eau potable. Un enfer au paradis ! Après Le Bonheur d’Elza, la réalisatrice guadeloupéenne Mariette Monpierre nous emmène à Saint-Martin au  lendemain du passage dévastateur d'Irma, en 2017.

 

Une île : Saint Martin, une commune : Marigot

Deux quartiers séparés par un pont. D’un côté l’opulence et les hôtels 4 étoiles de l’autre, une population de Saint-Martinois modeste et principalement noire.
Un cyclone va venir bouleverser l’équilibre fragile de cette île et faire table rase. Tout balayer et donner à ses habitants l’espoir d’une nouvelle donne.
Face à cette adversité, deux hommes se sont fait une promesse. Celle de s’aider pour s’en sortir. Ils sont allés l’un vers l’autre pour se connaître, se parler et créer un nouvel équilibre, un nouveau dynamisme.
Jérémy est jeune, noir, ancien délinquant et ex-leader de gang. Patrice est propriétaire de l’un des plus beaux hôtels de l’île.
Ils forment une paire hors du commun ! Après le passage du cyclone, l’hôtel de Patrice est complètement détruit. La famille et les proches de Jérémy sont aux abois sans eau, sans électricité, sans vivre. L’île connaît l’insécurité.
Jérémy et Patrice ont décidé de reconstruire ensemble mais pas comme avant. Ils ont souhaité que naissent sous les décombres d’Irma, un nouveau St Martin à la couleur d’un vivre ensemble en harmonie.

Ecrit et réalisé par Mariette Monpierre  ♦ en coproduction avec  360 Productions FWI - Riddim production et CANAL+ ANTILLES / CANAL+ GUYANE  avec la participation du CNC et de la Région Guadeloupe ♦ Durée : 52' ♦ 2021

♦ Note d'intention de la réalisatrice, Mariette Monpierre

Une rencontre...

Quelques jours après le passage d’Irma, rien ne compte pour moi que d’aller à St Martin. Ce qui se passe est trop violent pour rester observateurs. Je veux aider. Je veux me rendre utile et comprendre. J’entends dire que des avions militaires décollent mais il faut avoir un laisser passer, une autorisation de la préfecture. Au diable ! Je vais quand même à l’aéroport espérant un miracle.

Un groupe de journalistes passent les contrôles de police. J’en reconnais un. Je me faufile. Mais la police m’arrête.
Il y a 7 laisser-passer et je suis la 8ème ! Quel est votre nom, demande-t-il ? Je suis pétrifiée. Je n’ai pas prévu de réponse. Je le regarde. Il appelle quelqu’un au téléphone. C’est foutu. Je vais me faire jeter. Je baisse les yeux. “Il y a une erreur. C’est bien 8 laisser-passer et non 7. Allez-y Madame, dépêchez-vous” “Merci” Je bredouille. Je file sans demander mon reste. Je n’ai jamais su le nom de l’officier. Je suis heureuse du miracle qui vient de se produire. Dans l’avion qui nous emmène à St Martin, je savoure le miracle qui vient de se produire. Mais je déchante à mon arrivée.

Dès que je pose le pied à Grand Case, je comprends que c’était une grosse erreur de venir ici à St Martin ! St Martin, c’est une ambiance morbide. Un chaos total. Une zone de guerre immonde. Mais qu’est ce que je suis venue chercher ici ? On m’explique d’abord que je ne pourrai pas repartir. Quoi ? Il y a des milliers de locaux qui font la queue pour quitter l’île."

J’atterris chez William, un expat franco-français du Crédit Mutuel marié à une Sénégalaise. Sa femme et sa fille ont réussi à partir en Guadeloupe mais lui a préféré rester pour s’occuper de la maison. Il me raconte leur angoisse et le moment inoubliable ou l’oeil du cyclone est arrivé sur eux. C’était quinze minutes de répit, d’accalmie où ils pouvaient intenter un secours.
De fil en aiguille je rencontre Patrice, puis Jérémy et je suis fascinée par leur courage et l’exemple qu’ils montrent.
Est-ce que ces deux passagers du pont inaugurent une nouvelle manière fraternelle de vivre entre Saint Martinois ?
Ils ont bien conscience qu’ils ne vont pas abolir les disparités sociales, les inégalités existantes mais ils montrent à tout un chacun le chemin à emprunter.
C’est un bel exemple de fraternité à suivre. A leur mesure et avec leurs moyens, ils comblent le fossé. Ils enclenchent une nouvelle fraternité. Pour changer le monde, il faut commencer par se changer soi. Jeremy m’a demandé : ”Tu connais Carnégie ? Il disait : - A man who dies rich, dies disgrace. Ca veut dire que si tu meurs riche, tu meurs maudit”. Patrice adhère complètement à cette pensée.
 

Il y a deux ans, Jeremy et Patrice ont marché sur le pont et l’ont traversé ensemble de nombreuses fois. D’un seul coup ils sont devenus symbole de la fraternité et de la solidarité parmi les habitants de Saint Martin. Mais aujourd’hui, c’est l’heure des premiers bilans ; en documentant les parcours de Jérémy et Patrice au lendemain d’Irma et deux ans après, nous tenterons d’exorciser le traumatisme que fut le passage du cyclone et de mesurer ses conséquences durables sur Saint-Martin et les Saint-Martinois.