Édito
Un service public se juge et se jauge à son utilité. Ces derniers mois, France Télévisions a amplement été au rendez-vous. D’abord en accompagnant les personnes les plus isolées : elles sont 10 millions en France et ont d’autant plus souffert des mesures de confinement. Nos rendez-vous quotidiens d’information, de cinéma, de divertissement ont ainsi constitué des appuis essentiels face à une crise sanitaire sans précédent. Cette offre exceptionnelle nous a permis de rester le 1er média des Français. Les plus de 80 % de téléspectateurs qui regardent chaque semaine l’un de nos programmes le démontrent.
Nous avons également fait preuve d’utilité en devenant la plus grande salle de classe de France pour pallier la fermeture des écoles au printemps. Ou encore par la programmation exceptionnelle de cinéma, de spectacle vivant, d’émissions culturelles, que nous allons poursuivre. En un mot, ces dix derniers mois, nous avons affirmé notre différenciation et les valeurs du service public.
La première d’entre elles est de rassembler les Français. Cette capacité fait la force du service public. Elle est au cœur du contrat social entre les citoyens et nous. La télévision reste le lieu du rassemblement, du partage et de l’émotion. Pour rassembler, nous devons représenter la société dans toutes ses composantes. La France des villes et des campagnes, des quartiers et des zones pavillonnaires, des territoires et de l’Outre-mer. Chaque Français, quels que soient sa condition sociale, sa couleur de peau, son lieu de naissance ou son handicap doit pouvoir s’identifier à nos programmes. Représenter toute la société sur le petit écran n’est pas faire le jeu de la division. C’est inclure et participer, à notre échelle, à la cohésion sociale. C’est la force de notre offre d’information et de nouveaux programmes. C’est le sens de l’inversion du modèle de France 3 : d’une chaîne nationale qui décroche au régional à treize grandes chaînes régionales qui décrochent au national. Cela doit nous permettre d’aller encore davantage à la rencontre de tous les territoires, de l’économie et des tissus de solidarité locale, des solutions concrètes face à l’urgence climatique ou aux questions de santé.
La deuxième valeur du service public est de montrer la diversité des points de vue et la multiplicité des regards. Notre objectif est de faire vivre un débat apaisé et serein. L’information de confiance, le reportage, l’investigation sont le sel du service public. L’actualité récente autour de la pandémie ou des vaccins démontre une nouvelle fois que l’opinion personnelle l’emporte parfois sur la réalité des faits et des chiffres. Nous devons continuer à porter la parole des experts, des scientifiques, des sociologues pour donner les clés d’un monde de plus en plus complexe.
Troisième valeur du service public : notre capacité à continuer à faire rêver les Français. Cela passe par une offre de création, de séries, de documentaires, d’animation offensive et exigeante. La France peut devenir le pays des séries. Nous avons osé de nouveaux formats. Nous allons continuer dans cette voie en explorant de nouveaux genres et en accentuant la portée sociale et éducative de nos œuvres.
Je ne doute pas d’y arriver car la création francophone et européenne regorge de talents exceptionnels. Nous devons la soutenir et encore davantage l’exposer. Chaque année, un Français sur trois ne se rend jamais au cinéma. La proportion est encore plus importante pour le théâtre, les concerts, l’opéra… le plus souvent pour des raisons financières ou d’éloignement géographique. La télévision publique doit faire rêver en proposant toujours plus de culture sur ses antennes.
Tous ces défis s’inscrivent dans une période de bascule qui s’accélère. Elle n’est pas propre à la France, mais traverse tout le continent. Ces bouleversements nous ont conduits à amplifier notre transformation numérique. Mais ceux-ci deviennent dangereux lorsqu’ils mettent en péril notre souveraineté culturelle et technologique. C’est autant un combat sur le plan des valeurs qu’une bataille économique et d’influence. Je crois que nous ne devons pas faire preuve de naïveté ou baisser la garde. Je tâcherai avec l’UER de porter au niveau européen la défense de services publics audiovisuels forts, indépendants, bien financés. Face aux États-Unis et à la Chine, l’Europe doit faire valoir sa spécificité : une force régulatrice qui crée et qui protège.
Je vous souhaite à toutes et tous une très belle nouvelle année et beaucoup de bonheur et de succès. Et puisque la nouvelle année est toujours l’occasion de formuler des vœux, j’en ferai quatre pour France Télévisions : continuer à faire rêver, continuer à rassembler, porter une grande ambition européenne. Et le quatrième : que notre prochaine conférence se tienne avec vous toutes et tous réunis !
Merci à tous
Delphine Ernotte Cunci
Présidente-directrice générale de France Télévisions