CHEF PAYS

Rencontre avec Nelly Bipat

Pouvez-vous présenter Chef Pays ?  

C’est une émission qui est née après le premier confinement dans l’hexagone. Le Covid a complètement bouleversé nos habitudes alimentaires. On s’est tous mis à cuisiner pour calmer les angoisses, la tristesse, trouver du réconfort. On avait plus de temps avec le télétravail. 

Le producteur de Chef Pays Grégoire Olivereau a eu l'idée de valoriser cette envie générale de cuisine post-confinement pour en faire une émission dédiée. Son projet m’a emballée et France Télévisions a donné son feu vert.  

Qu’est-ce qui la caractérise cette émission ?  

On est présent dans les trois océans à chaque numéro. On est partout à la fois c’est pour cela que c’est une émission de proximité délocalisée ! C’est un concept complètement nouveau, ça a bousculé ma manière de travailler.  

En plateau j’aide un chef à réaliser une recette. Yin-Line Tchéa, Louise Denisot, Suzy Palatin, Brice Laurent-Dubois, sont les 4 chefs de l’émission, et depuis tout récemment Jérôme Bertin est venu compléter l’équipe.  

On prépare un plat avec un ingrédient des outremers et la suite c’est vous qui la faites parce que ce sont les invités qui donnent du sel à l’émission. Ce sont des chefs, connus ou pas, des traiteurs, historiens, artistes, champions de sports, des producteurs locaux, et des gourmands. Tout le monde peut participer pour nous parler de l’ingrédient du jour. 

Quand vous dites tout le monde, il faut quand même savoir cuisiner ?  

Pas du tout ! Franchement vous avez vu le nombre de gaffes que je fais par émission ?! L’important c’est de partager un bon moment et grâce aux conseils des chefs en plateau on ne peut pas se louper ! Chef Pays est une émission complètement différente de ce que j’ai déjà fait auparavant (rires) !  

On ne sait jamais à quoi chaque numéro va ressembler parce qu’entre mes loupés en cuisine, la gourmandise des recettes des chefs en plateaux et les interventions des invités on se régale du début à la fin et surtout on se marre énormément !  

Comment choisissez-vous les produits mis en valeur dans chaque émission ? 

Je suis très exigeante d’abord sur le choix des invités en duplex. Je suis journaliste avant d’être présentatrice et je veux de la connaissance dans chaque émission.  

L’idée c’est qu’on prenne conscience qu’on a des produits d’excellence dans les Outremers. Je veux aussi qu’on ouvre le champ des possibles : personne ne fait mieux le colombo antillais que ma maman mais le curcuma qu’elle utilise dans son colombo j’ai envie qu’elle le redécouvre à travers les yeux d’un Meilleur Ouvrier de France, qu’elle connaisse ses nombreuses vertus grâce à une nutritionniste et qu’elle tente de nouvelles recettes.  

Tout ça serait impossible sans Ursula Halimi, qui est aux commandes pour la partie éditoriale et que j’ai en permanence dans l’oreillette. Elle choisit les produits de manière à ce que chaque jour on ait des invités des trois océans. Les produits et les recettes sont sélectionnés de manière à créer des liens. On donne leurs différentes appellations selon les territoires. Elle aime mettre au défi les chefs, les faire sortir de leur zone de confort et ils en redemandent !!!!  

Vous n’imaginez pas la curiosité qu’ils ont les uns des autres ! C’est une émulation permanente entre eux !  

Qu’est-ce qui les caractérise ?  

Ils ont tous une approche différente et sont très complémentaires.  

Brice c’est l’équilibre des saveurs et la cuisine qui épate ! Il adore la finger food, il met l’accent sur le dressage des plats.  

Louise c’est le pragmatisme qui sublime : puisque vous l’avez dans le frigo ou le placard cet ingrédient du quotidien, alors faisons un effet wow avec lui ! Effet de surprise garanti : elle m’a réconciliée avec les choux de Bruxelles !  

Yin-Line c’est le goût de notre enfance, elle puise dans ses souvenirs et les nôtres pour qu’on retrouve les odeurs et les saveurs avec un brin de nostalgie ! C’est notre Léo Di Caprio dans Inception, ah ah ah !  

Suzy c’est la gastronomie à la française mais façon outremer : tous les grands chefs l’adorent. Hélène Darroze raffole de ses frites, Pierre Hermé a repris SON gâteau au chocolat. Suzy en est à son 11è livre de cuisine et elle prépare le 12è !  

Comment faites-vous pour que les neuf territoires des Outremers soient représentés ?  

On dit oui aux décalages horaires, et aux différences culturelles ! Oui à la richesse de chacun des territoires ultramarins... On a eu un chef de saint pierre et Miquelon qui a mis à l’honneur la banane plantain avec les produits de chez lui... et d’ailleurs il nous avait dit sur l’émission qu’il referait la recette de daube de banane plantain de Suzy et il l’a fait en nous envoyant une photo plus tard !  

On permet aussi au public de redécouvrir des présentateurs locaux. Récemment Steeven Gnipate qui présente le journal sur NC la 1^ère est venu nous parler de l’importance de la patate douce dans le territoire. C’était drôle de le sortir de leur costume de journaliste et comme c’est un grand ami avec qui j’ai déjà travaillé il a été le premier de tout le réseau des Outremer à me dire ok je viens, je l’en remercie !  

Vous êtes déjà venue alors ?  

Oui !!!! J’ai eu la chance de découvrir le Caillou en 2018 à l’occasion du referendum. J’étais venue tourner une soirée spéciale NC pour mon émission Investigations. Après un tournage j’étais allée me promener au marché de Poya avec son faré à l’océanienne, j’ai goûté de l’anguille, une belle surprise ! Des marchandes avaient préparé des plats pour financer un voyage, ça m’a parlé énormément et elles m’ont offert un igname, quel symbole !!!! J’étais très émue par leur accueil parce que sans me connaître elles m’ont donné un accès à leur identité avec générosité. Chaque instant de ce séjour est encore présent et je rêve de revenir vous voir !  

Connaissez-vous le pahatr, une fougère originaire de Lifou (en Nouvelle-Calédonie), symbole culturelle de l’île servie en salade, grâce à une entreprise locale elle est désormais servie en glace….  

Vous me posez une colle et ça tombe bien j’adore ça ! Je n’ai jamais entendu parler du pahatr, j’ai déjà envie d’en savoir plus là ! Bien sûr que je prends le contact de cet artisan ! Vous voyez c’est ça Chef Pays : du traditionnel et de l’innovation ! Cette petite fougère ancestrale, personne n’avait eu l’idée de d’en faire une glace ! Si un jeune Réunionnais la voit et qu’il a envie de se lancer avec une fougère locale, d’en faire une activité économique tout en restant chez lui, ce n’est pas juste génial ?  

Quel plat aimez-vous cuisiner ? 

Ah ah ah ! J’adore tout, et c’est loin d’être un problème, au contraire ! J’ai surtout changé mon état d’esprit avec cette émission, pourquoi consommer les produits de nos territoires. C’est sain, c’est local, identitaire, c’est rempli de vertus ! J’ai plus conscience de tout cela aujourd’hui !  

Je suis très fière aussi de permettre à une jeune Guadeloupéenne de parler de ses recherches sur le roucou pour en faire peut-être un jour un tissu imperméable.  

Depuis septembre, on permet à des professionnels, traiteurs, restaurateurs de garder de la visibilité et de raconter comment ils s’adaptent malgré la fermeture de bars et restaurants, l’arrêt des liaisons aériennes.  

Grâce à Chef Pays, je fais mon métier de journaliste, je fais des rencontres inspirantes, et en plus j’ai un plat de chef à goûter à chaque émission, que voulez-vous que je demande de plus ?