Bien des menaces couvent au-dessus de notre société : guerre des convictions, guerre des identités, guerres de sexes, guerres de civilisation…Dans ce monde en ébullition, où les affrontements et la violence menacent l'idéal du « Tout-monde » d'Édouard Glissant, comment pouvons-nous affronter ces dangers sur notre lien social désormais déchiré ?
Ensemble, réimaginons le « Tout-monde », réaffirmons l'utopie, l'hospitalité et la fraternité, pour créer un monde interconnecté et harmonieux. Affrontons cet enjeu critique avec deux éminents penseurs du XXIe siècle.
L'historien, politologue camerounais Achille Mbembe confrontera ses idées à celles de l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, dans un riche dialogue où la poésie rencontre la politique, inspiré par l'héritage intellectuel d'Édouard Glissant. Cette rencontre exceptionnelle, animée par la journaliste Marijosé Alie, sera diffusée en direct sur La1ere.fr, la plateforme numérique Outre-mer de France Télévisions.
Jeudi 30 mai
Grand Plateau
Sur inscription ici
17h45-19h30
Achille Mbembe est directeur de la Fondation de l'innovation pour la démocratie, professeur d'histoire et de sciences politiques ainsi que chercheur au Wits Institute for Social and Economic Research (WISER) à l'Université de Witwatersrand (Johannesburg). Professeur invité au sein de l'Université de Harvard et auteur d'un grand nombre d'ouvrages, notamment sur le thème des modes de pensée et de fonctionnement de l’Afrique décolonisée, comme Sortir de la grande nuit, Critique de la raison nègre, Politiques de l’inimitié ou encore De la postcolonie, il est lauréat du prix Ernst-Bloch en 2018 et du prix Holberg en 2024. Achille Mbembe est considéré comme l’une des grandes voix intellectuelles du continent africain. Au-delà de ses travaux majeurs sur la violence coloniale et celle des systèmes politiques qui lui ont succédé, il a construit une œuvre monde, qui nous aide à penser comment faire place au commun.
En 2021, il est chargé par le président de la République française de mener un cycle de discussions dans douze pays africains et au sein de la diaspora africaine de France afin de préparer le Nouveau Sommet Afrique-France du 8 octobre 2021. Entre mars et juillet 2021, plus de 65 débats et rencontres ont eu lieu et ont permis la réalisation du rapport « Les nouvelles relations Afrique-France », publié en amont du sommet Afrique-France de Montpellier.
Mais son œuvre d’intellectuel est loin de ne concerner que le continent africain. Dans Politiques de l’inimitié, Brutalisme ou encore La Communauté terrestre, c’est bien le devenir du monde, du « Tout-monde » cher à Édouard Glissant, qu’Achille Mbembe s’attache à penser. Face aux crises démocratiques, écologiques, aux violences économiques, il défend inlassablement la nécessité du commun.
Auparavant, Achille Mbembe était le secrétaire exécutif du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria). Il a étudié l’histoire en France de 1982 à 1986 (doctorat de l’Université Panthéon-Sorbonne obtenu en 1989), puis a été professeur assistant de 1987 à 1990 à l’Université de Columbia (New York, États-Unis).
Bibliographie
- La Communauté terrestre (La Découverte, 2023)
- Brutalisme (La Découverte, 2020)
- Décolonisations françaises – La chute d’un empire (La Martinière, 2020)
- Politique des temps – Imaginer les devenirs africains (Philippe Rey, 2019), avec Felwine Sarr
- Écrire l’Afrique-Monde (Philippe Rey, 2017), avec Felwine Sarr
- Politiques de l’inimitié (La Découverte, 2016)
- Critique de la raison nègre (La Découverte, 2013)
- Sortir de la grande nuit – Essai sur l’Afrique décolonisée (La Découverte, 2010)
- L’Afrique de Sarkozy – Un déni d’histoire, avec J.-P. Chrétien, P. Boilley et Ibrahima Thioub (Karthala, 2008)
- De la postcolonie – Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine (Karthala, 2000)
- On Private Indirect Government (Codesria, 2000)
- La Naissance du maquis dans le Sud-Cameroun (1920-1960) – Histoire des usages de la raison en colonie (Karthala, 1996)
- Le Politique par le bas – Contribution à une problématique de la démocratie en Afrique noire, avec J.-F. Bayart, C. Toulabor (Karthala, 1991)
- Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale (Karthala, 1998)
- Les Jeunes et l’ordre politique en Afrique noire (L’Harmattan, 1986)
Principalement connu pour son travail sur la langue créole, à laquelle il rend hommage en saluant son inventivité inépuisable, Patrick Chamoiseau est l’un des écrivains majeurs de la Caraïbe.
Lorsqu’il signe en 1989 avec Jean Bernabé et Raphaël Confiant, deux autres grands noms de la littérature caribéenne, un Éloge de la créolité, c’est un véritable coup de tonnerre qui s’abat sur les Antilles. Mettant à mal de nombreux stéréotypes, ce livre s’inspire des théories de la Négritude développée par Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire, tout en allant plus loin en revendiquant une identité antillaise. Il a depuis signé plusieurs autres essais, et notamment Lettres créoles, sur la littérature antillaise, pour lequel il a retrouvé Raphaël Confiant, et a publié avec Édouard Glissant L’Intraitable Beauté du monde (2009).
Né en 1953 à Fort-de-France, Patrick Chamoiseau s’imprègne dès l’adolescence des lectures caribéennes. Après des études de droit et d’économie, il devient travailleur social, d’abord dans l’Hexagone, puis en Martinique. Intéressé par l’ethnographie et les travaux d’Édouard Glissant, il se penche sur les formes culturelles disparaissantes de son île natale, mais aussi sur le dynamisme de sa première langue – le créole –, qu’il a dû abandonner dès l’école primaire.
En 1986, il publie son premier roman, Chronique des sept misères, qui remporte le prix Kléber-Haedens, ainsi que celui de l’île Maurice. Trois ans plus tard paraît Solibo Magnifique, dans lequel il s’intéresse à la recherche d’une identité martiniquaise à travers les pratiques culturelles du passé. En 1992, c’est la consécration et la reconnaissance du monde littéraire. Il obtient le prix Goncourt pour son roman Texaco – futur succès mondial –, brassant souffrances et espérances de trois générations de Martiniquais, sous l’esclavage, pendant la première migration vers l’Enville et aujourd’hui. Considéré comme l’inventeur d’un nouveau style linguistique basé sur la pluralité linguistique, maintes fois récompensé, cet écrivain engagé a œuvré pour la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, s’est essayé à tous les genres, de l’essai au théâtre en passant par le roman, le scénario de film ou la littérature jeunesse. Dans son roman L’Empreinte à Crusoé, l'écrivain revient sur l’histoire du plus célèbre des naufragés, grande figure de l’impérialisme : après vingt ans de domination sur son île, Robinson arpente ses terres comme un maître, passe en revue son domaine, jusqu’à ce que le fantôme de ses premières années resurgisse. Patrick Chamoiseau continue ici son combat pour la mémoire de l’esclavage, en s’attaquant à l’une des plus grandes figures littéraires du XVIIIe siècle, âge d’or de la traite négrière.
En 2013, il signe Césaire, Perse, Glissant. Les liaisons magnétiques (Philippe Rey), un essai dans lequel il rassemble trois des plus grands poètes de tous les siècles, tous les trois nés dans les Antilles, trois génies que le théoricien définit ainsi : « L’homme de l’Afrique et de la Négritude. L’homme de l’universel conquérant, orgueilleux et hautain. L’homme des chaos imprévisibles du Tout-monde. » L’ouvrage est l’occasion pour Patrick Chamoiseau d’établir des relations entre ces maîtres de langue en reliant la personne, le style et la pensée de ces écrivains en apparence si différents.
Dix-sept ans après le décès de sa mère, dans son roman autobiographique La Matière de l’absence, Patrick Chamoiseau évoque l’expérience universelle du deuil d’un être cher. En mai 2017, il publie Frères migrants, un essai poétique et manifeste qui rend compte de l’urgence d’un monde où la décence et l’humanité se font rare. Il évoque les migrants, qui, fuyant leurs pays en guerre, sont maltraités par nos sociétés occidentales qui les relèguent à la marge. Il coordonne en 2018 un recueil, Osons la fraternité !, en compagnie de Michel Le Bris, dans lequel une trentaine d’auteurs prennent la plume et s’engagent pour un accueil humain des migrants. En 2022 paraît un nouveau recueil, Refusons l’inhumain !. Prix Marguerite-Yourcenar 2023 pour l'ensemble de son œuvre, Patrick Chamoiseau est considéré comme un des écrivains majeurs de notre époque et une des voix les plus influentes de la Caraïbe.
Bibliographie
- Le Vent du nord dans les fougères glacées (Seuil, 2022)
- Refusons l’inhumain !, collectif (Philippe Rey, 2022)
- Baudelaire Jazz (Seuil, 2022)
- Ferdinand, je suis à Paris, préface (Mémoire d’encrier, 2022)
- Le Conteur, la nuit et le panier (Seuil, 2021)
- Rabelais (Noir sur Blanc, 2020)
- Osons la fraternité !, collectif (Philippe Rey, 2018)
- Contes des sages créoles (Seuil, 2018)
- Frères migrants (Seuil, 2017)
- La Matière de l’absence (Seuil, 2016)
- L’Empreinte à Crusoé (Gallimard, 2012)
- Le Papillon et la lumière (Phillipe Rey, 2011)
- Les Neuf Consciences du Malfini (Gallimard, 2009)
- Un dimanche au cachot (Gallimard, 2007)
- Une enfance créole (Gallimard, 2006 - Coffret en 3 volumes) :
Tome 1 : Antan d’enfance
Tome 2 : Chemin-d’école
Tome 3 : À bout d’enfance - Biblique des derniers gestes (Gallimard, 2002)
- Texaco (Gallimard, 1992)
Essais
- Césaire, Perse, Glissant. Les liaisons magnétiques (Philippe Rey, 2013)
- Manifeste pour les « produits » de haute nécessité, ouvrage collectif (Galaade, 2009)
- L’Intraitable Beauté du monde. Adresse à Barack Obama, avec Édouard Glissant (Galaade, 2009)
- Quand les murs tombent – L’identité nationale hors la loi ?, avec Édouard Glissant (Galaade, 2007)
- Elmire des sept bonheurs : confidences d’un vieux travailleur de la distillerie Saint-Étienne, photographies de Jean-Luc de Laguarigue (Gallimard, 1998)
- Écrire en pays dominé (Gallimard, 1997)
- Martinique (Richer, 1994)
- Lettres créoles, avec Raphaël Confiant (Hatier, 1991)
- Éloge de la créolité (Gallimard, 1989)