Documentaire

Survivantes (-10)

Spéciale Journée internationale des violences faites aux femmes

Chaque année, la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre rappelle au monde entier les violences perpétrées quotidiennement à l’encontre des femmes. À cette occasion, La 1ère vous propose, avec le documentaire Survivantes, une immersion au cœur du premier centre d'hébergement en France pour femmes victimes de violences. Un film pour agir contre le désespoir, montrer au plus grand nombre qu'un avenir est possible, faire, encore et toujours, progresser la société sur l'élimination des discriminations et des inégalités qui génèrent violences sexistes, sexuelles et relations d'emprise.

Résumé 
En France, 220 000 femmes sont victimes de violences conjugales. Quelles solutions ont-elles pour s’en sortir ? Abrité au cœur d’un grand pavillon dont la localisation doit être tenue secrète, Flora-Tristan est le premier centre d’hébergement pour femmes victimes de violences à avoir ouvert en France. Elles y arrivent dans l’urgence, y sont mises en sécurité avec leurs enfants et accompagnées pendant plusieurs années. Dépôt de plainte, soutien juridique, psychologique, social et professionnel, groupes de paroles, espace enfants, accès au logement… Tout est mis en œuvre pour les aider à reprendre goût à la vie et se reconstruire à l’abri des violences.

80 min

Réalisation
Éric Guéret

Production
Haut et court doc
Haut et court tv 

Avec la participation de
France télévisions

2023

Note d'intention d'Eric Guéret 

 

Après avoir réalisé les documentaires Les insoumises pour Canal+ en 2012 et Amour à mort pour France 2 en 2020, d’où me vient la nécessité de réaliser un troisième film sur le thème des violences conjugales ?

Car il s’agit bien d’une nécessité. J’aurais pu laisser la place à bien d’autres sujets qui me tiennent à cœur. L’écologie que j’ai délaissée depuis trop longtemps, ou de nombreux combats sociaux tout aussi importants. Mais non, une fois de plus, je dois me pencher sur ce fléau des violences.

En premier lieu, je pense que ce film est d’une absolue nécessité. Je dis souvent que c’est l’utilité qui motive le choix de mes thèmes. Dans ce cas, plus qu’une utilité, je ressens une nécessité. D’abord parce que les chiffres ne baissent pas. 118 femmes ont été tuées par leur conjoint en 2022. Soit 20 % de plus qu’en 2020. Malgré la libération de la parole, malgré Me Too, malgré les engagements du président de la République et sa grande cause nationale… Rien ne semble changer. Comment pouvons-nous agir face à cela ?

L’espoir fait vivre… mais le désespoir peut tuer. Et pour beaucoup de femmes c’est le cas. Le nombre des féminicides ne compte pas toutes celles qui se sont données la mort face au désespoir de leur situation et au manque d’issues.

Comment pouvons-nous agir ? Comment moi, à mon niveau, avec mes outils qui sont ceux du documentaire, je peux agir ? En continuant à filmer ! Contre le désespoir.

Le lendemain de la diffusion de chacun de mes films, je reçois les chiffres des audiences. Et à chaque fois, je ressens le même vertige. Presque un million de spectateurs pour Amour à mort sur France 2 en seconde partie de soirée. C’est énorme. Le pouvoir de la télévision est immense. Car je sais que ce million de spectateurs comporte de nombreuses femmes victimes de violences et enfermées chez elle. Malheureusement, toutes n’ont pas pu le voir, car souvent privées de liberté elles n’ont pas le pouvoir de la télécommande. Mais sur les 220 000 femmes encore sous emprise actuellement en France, de nombreuses ont dû le voir. Le pouvoir de la télévision est immense, car elle pénètre au cœur des foyers. Elle arrive dans les salons, les chambres, sur les tablettes, les ordinateurs, les téléphones portables. Sans avoir besoin d’autorisation. Gratuitement. Et avec des replays disponibles pendant des mois.

Chaque lendemain de la diffusion d’un de mes films, et les semaines qui suivent, je reçois aussi de nombreux témoignages sur les réseaux. Parfois des années plus tard. Des personnes qui disent comment le film a agi sur eux ou sur leur entourage. Et je sais que les films agissent en profondeur. Ce pouvoir est aussi une responsabilité.

Voilà l’espoir que je porte face à cette situation qui refuse d'avancer : continuer à filmer pour être utile à celles qui sont toujours otages de la violence. Montrer au plus grand nombre l’exemple de ces femmes que je filme et qui s’en sortent. Porter pour toutes les autres l’espoir qu’un avenir est possible. Je ne filme pas les problèmes. Je filme toujours les solutions et c’est exactement cela que porte ce projet. Cela qu’incarne le centre Flora Tristan.

Elles sont 25 femmes et deux hommes. 25 combattantes qui ferraillent au quotidien sur le champ de bataille de la domination masculine, pour essayer de ne laisser aucune sœur à l’abandon. Je ne filme que des personnages que j’aime et dont je partage la cause. Au centre Flora Tristan, je me sens à ma place. Humblement. Consciencieusement. Nous fabriquons tous ensemble ce film qui pourra devenir une arme face à la solitude et à l’isolement de ces victimes.

Et si j’emploie aisément un langage féministe et martial en même temps, c’est que leur travail est à la fois un combat face à une violence extrême, avec ses armes, ses victimes, ses blessés et ses héros… et un combat féministe. Je dirais même, pour ne pas prêter le flanc à des attaques faciles contre le féminisme, que leur travail est une lutte féminine. Une lutte solidaire pour la défense de presque 200 000 femmes victimes d’une violence que la société permet. Et ce chiffre incomplet n’estime pas le nombre de toutes celles qui subissent la violence sans oser le dire et échappent aux statistiques. Au-delà de la prise en charge de quelques cas de femmes et de leur reconstruction, ce film nous parle de la femme et de sa place dans notre société. Car si la violence perdure malgré tout et que les chiffres des femmes assassinées comme celui des femmes sous emprise ne baissent pas… c’est que notre société, au fond, le permet.

Dans les racines de notre société, dans sa manière d’éduquer, de transmettre, de maintenir les inégalités de genre, de hiérarchiser la valeur de la parole, de ne pas briser les plafonds de verres et les entraves de toute sorte. Les violences que subissent les femmes, au cœur d’une des sociétés les plus « progressistes » du monde, restent énormes. Car les inégalités restent énormes.

Il est temps de tirer un bilan plus général de ces histoires individuelles. De les inscrire dans l’histoire collective. Celle de notre pays face aux violences conjugales. Pourquoi, une fois de plus, la société a-t-elle autant de mal à faire face aux violences et à la discrimination ? Pourquoi aussi peu de moyens pour venir en aide aux victimes, pour héberger celles qui osent fuir, pour former les policiers qui reçoivent leurs plaintes, pour renforcer les tribunaux qui doivent leur rendre justice, pour accompagner les auteurs de violences et éviter les récidives… ? Pourquoi, une fois encore, ce sentiment que la société n’est pas à la hauteur de ces défis ?

Tant que cette situation perdurera, il faudra inlassablement continuer à le dire, à l’écrire, à en débattre et aussi à faire des films.

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