Notes d'intention

   Quand nous avons reçu ce projet de série, nous avons été très intéressées dans l’équipe de fiction par plusieurs éléments : au premier chef, la promesse du genre, ce thriller « dans la maison », avec ses archétypes, la nounou menaçante, la lutte pour la légitimité domestique, la défiance du reste de l’entourage et de la famille envers les questions que se pose une héroïne rapidement isolée, sur laquelle on fait peser le soupçon de la paranoïa. Le face à face entre deux personnages féminins se retrouvant chacune à un moment de grande fragilité pouvant aller jusqu’au point de rupture.  Et l’actualité de thématiques que nous n’avons pas si souvent l’occasion de traiter à la fois frontalement et portées par les rebondissements d’un récit que nous pouvions espérer addictif : la maternité tardive, la charge mentale encore trop souvent et en bonne part concentrée sur les femmes, le retour au travail, la nécessité et l’immensité de confiance que représente le fait de justement « confier » son enfant. Mais que se passe-t-il quand l’ordre se dérègle et que la folie rôde ?  La suite n’est que l’histoire d’un travail que chacune a eu à cœur de peaufiner et re-peaufiner, facilité par le partage constant des intentions et de la visée, et l’adjonction du métier et talent de chacune, de la productrice aux autrices, de la réalisatrice (qui avait fait ses premières armes avec Skam pour France Télévisions) et de la musicienne, aux propositions faites par les comédiennes et comédiens : Mélanie Doutey, que nous étions heureux de retrouver, Lucie Fagedet, nouveau visage, repérée par Shirley Montsarrat en tournant Skam. Et parmi la belle troupe qui entoure les deux adversaires, Eric Caravaca, qui a accepté le rôle de celui qui reste trop longtemps aveugle à une vérité pas si facile à croire, et le joli clin d’œil adressé par Alain Doutey à sa fille de vie et de fiction.

Note d'intention de la réalisatrice

Quand L’Intruse m’a été proposée, ce qui me réjouissait était la possibilité d’explorer les frontières du genre en France.

A la fois thriller psychologique et domestique, il renvoie à un imaginaire plutôt américain, avec des références de films des années 90 comme Jeune Femme Partagerait appartement, Rosemary’s Baby ou La Main sur le Berceau, qui fut l’une de nos références majeures, comme un clin d’œil revisité de façon contemporaine. 

Le projet croise également ce qui constitue presque un sous-genre à part entière : le genre de la nounou maléfique, dont nous avons joué des codes afin d’être le plus ludique possible.

Pour travailler le thriller et s’emparer des codes du genre, l’envie était de se nourrir de détails, de symboles, de fétiches, et de jouer des atmosphères ambivalentes.  Les escaliers ont ainsi pris une place grandissante à mesure du tournage, symbolisant la spirale dans laquelle se retrouve enfermée Paula, notre héroïne, mais créant aussi un continuum dans les situations vécues.

Paula, Tess, chacune se scrute, s’observe, se toise même et cette atmosphère s’est construite petit à petit dans cette maison qui fut notre décor principal, pour ce qui se trouve être un huit clos pour la première partie de la série. Comme dans les films de genre, tels Invisible Man ou Hereditary la maison passe de lieu de vie accueillant à un espace qui devient hostile pour ses occupants. La domesticité protectrice devient source d’étouffement. Esthétiquement, il nous fallait donc trouver une maison qui puisse être à la fois chaleureuse mais tout aussi inquiétante. Il fallait également que Tess puisse avoir son propre espace, cette chambre qui n’en est pas vraiment une mais dans laquelle Paula l’installe. C’est une salle de jeux qui n’est pas réellement intégrée à la maison, dans laquelle Tess retombe en enfance, engoncée dans son petit lit au milieu des jouets désuets et des souvenirs de famille.

Jeu de chat et la souris, Paula sent que la situation lui échappe mais personne ne la croit. Comment dès lors faire jaillir cette solitude teintée de paranoïa que pourrait ressentir n’importe quelle mère lorsque son foyer est en danger ? 

J’ai essayé de travailler la notion d’intimité, pour que le spectateur puisse se représenter les conséquences du partage d’un quotidien, encore plus trouble quand les intentions réelles sont cachées et que l’on fait en réalité entrer le loup dans la bergerie… Nous avons ainsi créé des cadres où Paula et Tess puissent être dans le même plan, l’une devant, l’autre derrière, et ainsi jouer sur les profondeurs de champ. 

La présence de Tess dans le foyer aurait pu être un côte à côte, mais parce que Paula voit ce que les autres ne voient pas, il se transforme en face à face, où elle se retrouve bientôt acculée.

Et chacun de ces personnages me touche. Paula, bien sûr, remarquablement interprétée par Mélanie Doutey dont la justesse de jeu nous tend un miroir profondément poignant de nous-mêmes. Cherchant à répondre à toutes les injonctions qui pèsent sur elle, Paula a cherché une réaffirmation narcissique en se dévoilant sur les réseaux sociaux. Or, cela nous concerne tous, de même que ses failles, que chacun pourra comprendre. Mais de l’autre côté, Tess, interprétée par Lucie Fagedet que j’avais déjà eu la chance de diriger sur la série Skam et que je savais parfaite pour le rôle, cherche à affirmer sa place. Séduisante mais pas séductrice, douée avec les enfants et sincère avec eux, mais porteuse d’une psychose qui la mènera à sa perte, elle est finalement venue chercher dans ce foyer ce que chacun peut être en droit d’espérer : de l’amour et du lien. J’ai voulu travailler, aux côtés de Nathalie Abdelnour, créatrice de la série, et Nathalie Saugeon, scénariste, un personnage certes diabolique, mais dont on comprendrait les raisons humaines et néanmoins capable de nous toucher, car cet attachement, en série, est pour moi primordial. 

Le travail de la compositrice Owlle est venue accentuer cette envie de genre et de thriller qui était au cœur du projet. Performeuse et artiste jusqu’au bout des doigts, elle s’est aventurée sur des terrains où nous ne serions peut-être classiquement pas allées, avec un grand travail sur le son et les correspondances. Elle s’est par exemple servie de sons de la maison pendant le tournage (tringles de rideaux, bruits de véhicules, sons de vaisselle, d’horloges etc) qu’elle a retravaillés et réinjectés dans la série afin de créer une bande son qui captive autant qu’elle dérange. 

Equipe féminine s’il en est, de l’écriture, en passant par la production, la composition ou le montage, j’ignore s’il existe un female gaze mais j’espère que l’on verra dans cette série des personnages féminins modernes et proches de nous, projetés dans une mécanique jouissive mais qui parle de notre société.

Shirley Monsarrat

Note d'intention de l'autrice

A travers cette mini-série, je souhaitais évoquer le thème de la maternité, de la charge mentale, du post-partum et de l’état de fragilité totale dans lequel on se retrouve à la naissance d’un enfant.

Je voulais toucher du doigt cette injonction à la perfection, d’être une femme « couteau suisse», à la fois mère, épouse, femme qui doit réussir à cocher toutes les cases, encore plus aujourd’hui dans cette image fantasmée des réseaux sociaux. Que se passe-t-il quand cette image se fissure et laisse place à une fragilité extrême ? En burn-out, notre héroïne est victime de manipulation et sa place dans le foyer est menacée.

Pour cela, le thriller psychologique m’a parue le plus pertinent afin d’ancrer ces thématiques. En tant que spectatrice, j'ai toujours aimé les films de genre et j’avais envie de surfer sur ces codes-là, le huis-clos, l’intrusion, le danger qui vient de l’intérieur, le voyeurisme comme dans Parasite, La main sur le Berceau ou encore L’ombre d’un doute de Hitchcock.

Le projet a été pensé en 4 épisodes, afin de composer deux soirées qui se répondent en miroir : ce n’est pas un rise and fall mais bien un fall and rise, puisqu’à l’issue des 2 premiers épisodes, notre héroïne perd tout et se retrouve projetée hors de son foyer, et que l’on assiste, je l’espère, avec avidité, à son enquête et sa reconquête pour protéger sa famille en épisodes 3 et 4.

Rejointe dans l’écriture par Nathalie Saugeon, nous avons partagé ce même plaisir à poser un duel de femmes, deux figures féminines qui s’opposent, prendre la sororité à rebrousse-poil, et décrire deux portraits de femmes à des âges et milieux sociaux différents qui se retrouvent enfermées dans cette maison, prenant en otage le reste de la famille.

Nathalie Abdelnour

Créatrice de la série

Note d'intention de la productrice

Avec L’Intruse, l’envie était de proposer une mini-série événement, à la fois grand public et de qualité, qui renouvelle le thriller domestique en jouant avec les codes du genre.

Quand nous avons discuté de ce projet avec Nathalie Abdelnour, les références communes des films américains des années 90s et des séries anglo-saxonnes nous sont venues, mais ce registre semblait peu exploré en France.

Pour ma part, cette thématique de femme cherchant une nounou, mais allant malgré elle à sa perte, m’a paru forte et universelle : qui n’a jamais trouvé vertigineux de confier son enfant à un.e inconnu.e ? Et que sait-on réellement de celles et ceux à qui l’on confie ce que l’on a de plus précieux ? La question traitée sous forme de thriller me semblait une promesse galvanisante.  

Mais l’envers du décor était tout aussi passionnant car n’est-il pas vertigineux également de pénétrer dans l’intimité d’un foyer qui n’est pas le sien ? Cela m’a rappelé un passé de baby sitter où l’on partage parfois pour longtemps, parfois de façon fugace, l’intimité d’une famille, qui peut fasciner, surtout quand on vient d’un monde ou d’un milieu social très différent.

Sans forcément penser à mal, comment « intégrer » cet environnement, se faire une place ? Cette thématique de l’intimité ouvrait la voie de l’intrusion, porté par le personnage de Tess.

Rejointe dans l’écriture par Nathalie Saugeon qui a brillamment su saisir l’ADN de la série, nous avons confronté nos points de vue, envies et angoisses, autour de cette maternité et de ces trajectoires de femmes.

Avec Shirley Monsarrat, nous avons partagé une vision commune de cette incarnation à l’écran, et elle a su merveilleusement faire vivre ce thriller mâtiné de références, grâce à sa mise en scène élégante et intelligente. Sa vision novatrice et précise de l’efficacité narrative mais aussi son regard tendre et humain pour ces personnages, ont su tirer le meilleur de notre matière.

Pour incarner Paula, Mélanie Doutey s’est imposée comme une évidence. Son interprétation toute en nuances et en émotions nous a cueillis dès les premières images. Ce rôle scelle aussi son grand retour sur France 2 après la série Clara Sheller, qui a profondément marqué le début de l’ère de la série en France.  

Face à elle, il fallait de la haute voltige, une comédienne capable d’incarner l’ambivalence de la nounou, qui paradoxalement, cherche aussi sa place et à faire du bien au sein de ce foyer. Lucie Fagedet fut une révélation, qui signe, sans nul doute, le début d’une ascension.

A leurs côtés, de formidables comédiens qui apportent leur talent à cette partition finalement tissée : Eric Caravaca, Léonie Simaga, Mariama Gueye, Louise Massin, Lola Neymark, entre autres, ainsi que la participation exceptionnelle d’Alain Doutey, qui nous réjouit, en tant que spectateurs, de retrouvailles père-fille à l’écran.

Merci à France 2 de nous avoir fait confiance et d’avoir voulu explorer avec nous cette incursion inattendue dans le genre, avec une série, qui nous l’espérons, saura conquérir son public.

Léa Gabrié
Productrice

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