Des vivants


NOTE D'INTENTION DE LA DIRECTION DE LA FICTION FRANÇAISE DE FRANCE TÉLÉVISIONS, ANNE HOLMES, EMMANUEL GARCIA ET CAROLE LE BERRE 

Quand nous étions en salle de montage et que nous sommes arrivés à la fin de l’épisode 8, au moment de laisser nos personnages à leur avenir, notre réaction en sentant approcher la fin du dernier plan a été : « Oh non, pas déjà. Restons ensemble encore un peu. Continuons. » Tant les huit heures passées en compagnie des « potages », grâce à leur histoire qu’ils ont accepté de confier, grâce à l’écriture et à la caméra de Jean-Xavier de Lestrade, grâce à leur incarnation, ces huit heures passées en intimité de presque dix ans de leur vie, à deux centimètres de cœur et de peau avec chacun d’eux, avec leurs gouffres et leurs élans, ont fait d’eux des frères, des proches qu’on ne veut plus quitter.

Rien n’est jamais ordinaire dans notre travail de fiction, mais rien n’a pu être ordinaire dans l’accompagnement de celle-ci. Par son sujet et par notre responsabilité à tous, créateurs, producteurs, équipes de tournage de la série et de fiction de France Télévisions.  Par la confiance qui nous a été faite et qu’il importait d’honorer.  Par ce que la série raconte d’un événement traumatisant qui appartient à notre histoire collective et de comment, quand on s’en réveille rescapé, quand il y a eu 130 morts, on tente d’y survivre. 

Dix ans ont passé depuis le 13 novembre 2015, c’est à la fois long et très court, dix années d’un monde de plus en plus secoué, et quand Jean-Xavier, nous a dit presque timidement, à la sortie d’une présentation de Sambre, qu’il commençait, sans être certain encore de la forme que cela allait prendre, à réfléchir avec Antoine Lacomblez, son co-auteur,  à une série qui raconterait les trajectoires sur plusieurs années d’un groupe de personnes prises en otages la nuit du 13 dans un étroit couloir du Bataclan, nous avons pensé que le moment était le bon. Avec ce court instant de confusion, avant de comprendre : « potages », « potes otages », ce nom que se sont donnés par contraction humoristique et élan vital celles et ceux qui allaient devenir des caractères et des prénoms familiers pendant l’année d’écriture : Marie, Arnaud, David, Stéphane, Grégory, Caroline, Sébastien, et aussi Doris et Marie-Claire, les compagnes, qui si elles n’étaient pas au Bataclan, savent tout des dégâts, des effondrements et des forces, des hommes qu’elles aiment. 

Il ne s’agissait pas de créer une série qui oublie les morts et les blessés, ni une série sur la résilience, terme qu’un des potages, d’ailleurs, Grégory, attaque frontalement, vous le découvrirez, lors d’un de ses rendez-vous avec sa psy, où sa rage éclate contre ces mots et ces pensées prémâchées d’une réassurance trop facile. Mais une série qui, simplement, précisément, raconte la vie, la vie après, les jours, les semaines, les mois d’après puis les années jusqu’après le procès de 2021 et les mois qui suivent. Comment on fait pour tenir après le choc, le traumatisme, pour continuer à vivre. Non pas guérir ou oublier les blessures, qui demeurent, comme l’éclat de métal impossible à enlever du dos de Grégory, mais être au monde, répondre aux parents, aux enfants, aux passants, aux collègues, aux amis, aux amours.

Et retrouver le monde passe par se retrouver, par ce désir qu’ont eu d’abord David, Stéphane, Arnaud, puis les autres, Marie qui a commencé par dire « jamais de la vie » puis est venue, Caroline, Grégory, Sébastien qui vit plus loin et fait de longs trajets pour les retrouvailles au bistrot des poinçonneurs, ce besoin de se revoir, de se parler, de passer du temps ensemble, de boire des coups et faire de la musique ensemble. Peut-être parce que, comme le dira une autre de nos personnages, Christine, quand on a été victime d’attentat, on atterrit sur une autre planète, où seuls ceux qui ont vécu quelque chose qui ressemble à votre vécu peuvent le partager et le comprendre. Peut-être aussi parce que le lien les aide à vivre, la chaleur du lien et du faire ensemble, la musique dont la passion partagée les a conduits à être cette nuit-là au concert, et dont ils redécouvrent et nous font partager la joie brute en la bricolant ensemble. 

Par la grâce de la fiction, nous ouvrons les portes de leurs appartements, des cuisines et des chambres, nous marchons dans la rue à leurs côtés, nous voyons ce que nous n’avons jamais vu. Et nous entrons aussi avec eux dans ce couloir où ils ont pensé mourir chaque minute. C’est jouer à plein notre rôle de service public que de vivre auprès d’eux cette traversée intime et collective de ces presque dix années.

Être auprès d’eux, au plus près d’eux, au fil des épisodes de la série, de leurs plongées au noir, de leurs couples, de leur amitié, de leurs bagarres dans l’amitié, de leurs chutes et leurs victoires, de leurs transmissions à leurs enfants du choc traversé et du combat pour y survivre, est bouleversant et inoubliable. C’est leur histoire, c’est aussi la nôtre, celle qui s’est ouverte le 13 novembre, et c’est une histoire universelle.

 

 

NOTES D'INTENTION DES PRODUCTEURS

Des vivants est une production tripartite entre Matthieu Belghiti pour What's Up Films, Nicolas Mauvernay pour Mizar Films et Jérôme Corcos pour Nac Films.

Note d'intention de Matthieu Belghiti - What’s Up Films

Ce projet s’est imposé à What’s Up films comme une évidence. On ne choisit jamais un film par hasard : documentaires ou fictions, nous allons toujours là où il est question de combats contre l’injustice et les inégalités. Et toujours avec cette belle idée : défendre le vivre ensemble. 

Cette série, par sa force et sa portée, nous plaçait face à une responsabilité et une exigence plus grandes que jamais. Peu d’évènements de notre histoire commune nous marquent au point que l’on se souvient avec précision de ce que l’on a vécu et du lieu où nous nous trouvions à ce moment précis. C’est le cas du 13 novembre 2015.

Avec Jean-Xavier de Lestrade, nous avançons côte à côte depuis plus de vingt ans. Si notre collaboration dure, c’est que nous partageons une même vision et une vraie complémentarité. Et avec les producteurs Nicolas Mauvernay et Jérôme Corcos, nous avons travaillé dans le même esprit : un collectif soudé, à l’image des « Potages », malgré nos parcours et nos sensibilités différentes. Cette aventure n’a pas été simple : il y a eu de nombreux obstacles, beaucoup de doutes, mais nous l’avons traversé ensemble.

Notre rôle était clair : épauler Jean-Xavier, artistiquement comme financièrement, pour lui donner la liberté et la force de porter cette histoire. Et rapidement, d’autres partenaires nous ont rejoints. France Télévisions, en premier lieu, car c’est profondément une série de service public, faite pour parler au plus grand nombre. Puis, HBO, comme second diffuseur. Fédération, fidèle allié de distribution depuis Sambre, nous a encore soutenus avec une confiance totale. Et enfin, grâce au CNC, aux régions Île de France et Hauts de France, à plusieurs subventions et à la coproduction mise en place avec Versus en Belgique, nous avons pu donner à ce projet toute l’ampleur qu’il méritait.

Ce qui nous a frappés tout au long du chemin, c’est la force de l’évidence. Chacun de nos partenaires a dit « oui » sans hésiter, avec une énergie et une bienveillance rares dans notre métier. Parce qu’au fond il n’y avait pas à convaincre : cette série se devait d’exister.

Note d'intention de Nicolas Mauvernay – Mizar Films

Lorsque Jérôme Corcos m’a parlé du groupe des Potages à l’automne 2021, le sentier m’a semblé passionnant mais aussi étroit et lesté d’une lourde charge morale. Pour un tel sujet, il allait falloir un réalisateur doté d’un regard profond et d’une grande humanité.

La série a été produite autour de quatre piliers cardinaux : 
1) le temps passé avec les Potages pour expliquer notre démarche et notre exigence, gage d’une confiance indispensable,  
2) la rencontre avec Jean-Xavier de Lestrade dont je suivais avec passion le travail depuis 20 ans, il est le cœur de tout, 
3) l’unité et la complémentarité de l’attelage de production formé avec Matthieu Belghitti et Jérôme Corcos, 
4) l’investissement sans faille de France Télévisions à nos côtés dès le travail d’écriture.

Une fois ces fondations solides posées, Jean-Xavier de Lestrade, avec son exigence et son énergie communicatives, nous a entraînés à sa suite dans une odyssée hors normes où fiction et réalité n’ont cessé de s’entremêler.
Il est impossible d’avoir du recul sur ce que l’on produit ; néanmoins, notre mission me semble accomplie car chaque membre de l’équipe, du jeune stagiaire régie au plus expérimenté des comédiens, a tout donné pour permettre à Jean-Xavier de raconter cette histoire de manière ambitieuse, digne et juste.
Ironie de l’histoire : je rêvais de longue date d’emmener Jean-Xavier de Lestrade vers le cinéma ; c’est finalement lui qui m’a entraîné dans le monde de la série, et ce fut passionnant.

Note d'intention de Jérôme Corcos - Nac Films

En décembre 2021, j’ai vu un reportage dans lequel deux gars racontaient qu’ils avaient été otages au Bataclan dans un couloir pendant plus de deux heures.
Ces sept otages étaient devenus inséparables et avaient fondé un groupe « Les Potages » (contraction de potes et otages.)
Instantanément, j’ai pensé qu’il y avait là une histoire forte à raconter. Comme une évidence, j’imaginais déjà une série construite sur trois axes « avant, pendant, après ».
J’ai toujours été fasciné par les mystères qui entourent des évènements qui appartiennent à la mémoire collective. Le soir de l’attentat du Bataclan, je m’étais vraiment demandé où allaient les gens qui en sortaient en courant ? Que faisaient-t-ils ? Qui allaient-ils retrouver ? Comment dormir après ça ?
J’ai laissé passer quelques jours avant de contacter sur Instagram David Fritz Goeppinger, l'un des sept otages.
Il m’a rappelé le lendemain et je lui ai annoncé d’emblée : « J’ai une idée mais je ne sais pas si c’est une bonne idée. » 
Mon premier argument n’était pas très convaincant. En fait, je ne voulais pas qu’il pense que je venais exploiter sa vie, ce drame et la souffrance qui s’ensuit.
David m’a promis d’en parler aux autres.
J’ai appelé mon ami producteur Nicolas Mauvernay qui m’a répondu « Tu as peut-être trouvé un angle intéressant pour évoquer cette terrible tragédie ». Nicolas est un producteur courageux qui envisage chaque film comme un combat. Sa manière de produire est assez chevaleresque. Nous étions désormais un binôme pour les convaincre de la justesse de notre démarche. Il était convenu que si un seul des Potages refusait, le projet était abandonné. L’agrément du groupe était impératif. 
D’abord avec David puis avec le groupe, les déjeuners et les dîners se sont enchaînés pendant un an et demi. Une relation de confiance s’est installée entre eux et nous. Et puis, un soir dans leur QG, les Potages nous donnaient leur accord collégial et se déclaraient prêts à se lancer dans l’aventure.
Ne manquaient plus qu’un réalisateur courageux et un diffuseur ambitieux.
Nous avons contacté Jean-Xavier de Lestrade qui, après avoir rencontré les Potages, s’est lui aussi engagé dans cette aventure.
Aujourd’hui, David Fritz Goeppinger, est devenu un ami cher et les Potages une deuxième famille.
Des vivants dépasse ce que j’imaginais. 
Un des rescapés du Bataclan a dit un jour : « À la fin c’est toujours l’amour qui gagne ». 
Cette série en est la preuve ! 

 

Jérôme Corcos
Producteur

Sabine Safar-Barouh
Contact France Télévisions
Lorys Aguemon
France Télévisons
Pascal Aznar
PICTO-france.tv
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