Dossier de presse

Mitterrand confidentiel

3 questions à Denis Podalydès de la Comédie-Française
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1/ François Mitterrand est un personnage hors norme, en quoi votre travail de préparation a été différent du fait qu’il s’agisse d’une personnalité publique, connue de tous ?

Ce n’est pas un travail si différent de celui que l’on produit pour un personnage de fiction. Dans tous les cas, le plus concret du travail, c’est la mémorisation d’un texte, des dialogues, et de se préparer à entrer dans une mise en scène, des situations, avec des partenaires qui vous façonnent aussi, dans des décors divers, etc. C’est-à-dire que le personnage public, historique, devient de toute façon personnage de fiction et s’écarte naturellement, irrésistiblement, de celui qu’on peut regarder sur des vidéos, des témoignages, des documentaires, qui est l’unique François Mitterrand. Ensuite, ma tâche intérieure, si je peux dire, c’est de rendre mon personnage, désormais fictif, digne du vrai, qu’il n’en soit pas la caricature, la pâle copie, qu’il n’y ait pas d’affadissement excessif ou d’offense de ce point de vue. Pour cela, outre les nombreuses conversations et le dialogue complice et permanent avec Antoine Garceau, ma préparation a surtout consisté en lectures, visionnages et écoutes multiples : textes et publications de Mitterrand, correspondance avec Anne Pingeot, dont je ne finis pas de m’émerveiller : beauté littéraire, puissance du sentiment, humour, contradictions existentielles, excès et folies, il y a tout dans ce très grand roman. Mais aussi, bien sûr, j’ai visionné quantité de vidéos disponibles.

2/ Qu’est-ce qui était important pour vous de montrer de l’homme ?

J’aimerais que l’inattendu du personnage que l’on découvre notamment tout au long de la correspondance avec Anne Pingeot soit un peu présent. Son humour, sa fragilité, sa vulnérabilité et — comment dire ? — le sens de la langue. Le style, cette façon royale de maîtriser sa langue, de la manier brillamment dans tous les contextes, dans le langage amoureux, naïf et passionné, comme dans la joute politique, pleine de ruse, de sang-froid, certes, mais aussi de grandeur et de générosité, au sens quasi cornélien du terme. Je crois aussi, mais peut-être est-ce un effet de l’empathie qui m’est venue, moi qui suis pourtant si loin du caractère de cet homme, qu’il était bien moins machiavélique ou calculateur qu’on ne l’a dit. Je crois même en lui à un fond d’innocence... Je me demande si certaines zones d’ombre, comme on dit, ne s’éclaireraient pas davantage si, plutôt que des fautes — ou pire —, on lui concédait quelques erreurs fondamentales dues à un homme pressé, occupé, ambitieux, amoureux, tout comme un héros de Stendhal.

 

3/ Y a-t-il des aspects de la personnalité ou de la vie de François Mitterrand qui vous ont surpris ?

Un Mitterrand primesautier, amoureux. Un lecteur acharné, insolite et permanent, toujours un livre à portée de main. Un homme qui fait de la douleur un usage à la fois quotidien et caché. Mais je retiens surtout la très haute conscience sociale qui était la sienne et qui ne l’a jamais quitté, même si l’on aime tant gloser sur les renoncements de la gauche. Par exemple, dans les ultimes vœux de la fin 95, on a surtout retenu « les forces de l’esprit », mais la moitié du propos testamentaire est consacrée à la question sociale. Dans les discours sur l’Europe (celui de Strasbourg notamment), il élabore une vision entièrement sociale de l’Europe, aussi bien du point de vue économique que du point de vue culturel, toujours fondée sur le sens de la répartition des richesses et le refus d’en rabattre sur le système public. L'une de ses idées centrales était que l’accès à la culture, au savoir, aux choses de l’esprit, est un des grands moyens de ne pas accroître les inégalités, de raffermir au contraire le tissu social.

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Kévin Arbona

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