NOS TERRES INCONNUES -2- DANS LE QUEYRAS

Interview de Raphaël de Casabianca

Pourquoi avez-vous choisi d’emmener Cécile Bois et Raphaël Lenglet dans le Queyras ?
Raphaël de Casabianca : Après la première émission de Nos terres inconnues dans les Cévennes avec Malik Bentalha, nous avions dans l’idée de changer de territoire, d’aller en altitude : dans les Alpes, le massif des Écrins, le Queyras. Ismaël et Alice Khelifa ont fait des repérages, ils ont passé un mois sur place pour trouver les bonnes personnes. Au début, nous hésitions entre différents endroits. Il y a eu un gros travail, sur plusieurs mois, pour trouver la bonne équation entre les rencontres, les gens qui allaient nous faire découvrir leur région et l’environnement. Tout ça nous a permis de trouver l’endroit parfait pour nous : le Queyras.

 

Comment vous préparez-vous à ces voyages, notamment, ici, par rapport à l’altitude ?
R. C. : Je fais des courses en montagne, de la randonnée et des sommets depuis longtemps. Même si je ne connaissais pas le Queyras, c’est un terrain avec lequel je suis familier. Après, pour mes invités, c’est autre chose puisque, eux, ne savent pas et ne peuvent se préparer ni psychologiquement ni physiquement.

 

Justement, comment gérez-vous cette absence forcée de préparation chez les invités, notamment avec Cécile Bois ? 
R. C. : Ce qui est vraiment compliqué, c’est de faire en sorte que mes invités, même s’il y a des réticences ou des inadéquations, puissent vivre leur expérience le mieux possible. Pour Cécile Bois, c’est particulier parce que – comme elle l’explique –, à 7 ans, elle a eu une expérience de la montagne très négative et, pour elle, c’était presque une façon de se confronter à sa peur. La difficulté pour les invités réside dans le fait qu’ils ne savent jamais ce qui va se passer dans la semaine, ni le jour, ni l’heure qui arrive. Ils sont vraiment dans une situation de fragilité extrême avec un environnement hostile. Et c’est là qu’il faut les accompagner, leur faire comprendre qu’en se dépassant ils peuvent accéder à quelque chose de plus fort. Même si de temps en temps il y a des réticences, l’aventure est tellement belle, les rencontres sont tellement fortes, qu’on passe par-dessus. C’est très intéressant de soutenir quelqu’un dans ce combat-là, on traverse plein d’émotions différentes, et moi je suis un peu comme un bâton de pèlerin sur lequel on peut s’appuyer. Je suis là pour faire de cette expérience quelque chose de fort, d’intéressant et d’intime. 

 

On a l’habitude sur Rendez-vous en terres inconnues et Nos terres inconnues de voir partir les gens seuls. Cette fois-ci, vous accueillez un duo, qu’est-ce que ça change ?
R. C. : Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une complicité très forte entre eux. Cela fait sept ans qu’ils travaillent sur la série Candice Renoir, donc ils se connaissent par cœur. Mais pas dans ce contexte-là. Cécile et Raphaël sont extrêmement bienveillants, ce sont des gens très ouverts, très à l’écoute. Tout ça s’est fait de manière très naturelle, alors qu’en amont on s’était dit que ça allait être compliqué, justement, d’être avec un duo bien établi. Je pense que c’est leur générosité qui a fait la différence.

 

Pourquoi avez-vous choisi ces invités ?
R. C. : Là, on innove avec un duo... C’est une idée de Frédéric Lopez et il a de bonnes intuitions. On a dîné ensemble avant de partir pour que je fasse connaissance avec eux. J’ai tout de suite senti qu’il allait se passer quelque chose, ils ont des personnalités fortes. Et puis Candice Renoir est une série qui marche bien depuis des années, les gens y sont attachés et je trouve vraiment intéressant de découvrir le duo dans un autre contexte.

 

Ce qui innove aussi avec Nos terres inconnues, c’est que vous emmenez vos invités... en France ! Est-il plus difficile d’être surprenant en restant dans son pays plutôt qu’en partant à l’autre bout du monde avec Rendez-vous en terre inconnue ? 
R. C. : Partir à l’autre bout de la planète découvrir un autre peuple, c’est beaucoup plus fort en termes d’intensité, mais les émotions en bas de chez soi sont quand même là. Ma grand-mère avait l’habitude de me dire : « Tu verras, Raphaël, tant que tu es jeune, voyage, fais le tour du monde ; tu te rendras compte qu’à côté de toi il y a des trésors que tu ne voyais pas forcément parce que tu voulais voir loin. » C’est un peu comme quand on fait de la plongée sous-marine : on a envie de voir de très gros requins au début, de gros poissons, puis au bout de dix ans on s’intéresse aux coraux, ces microéléments qui font toute la différence. C’est aussi ce qu’on veut dire avec cette émission : on n’a pas forcément besoin d’aller très loin pour faire des rencontres qui vous bouleversent et des expériences qui vous changent. Je sais que cette aventure, pour Raphaël et Cécile, fait encore écho maintenant, nous sommes toujours en contact avec eux et il s’est passé quelque chose. Pour l’avoir vécue, c’est d’une intensité tout aussi forte et poignante.

 

Vous parliez justement de mettre l’accent sur l’humain, de toutes ces belles rencontres, lesquelles vous ont le plus marqué ?
R. C. : C’est difficile de choisir. Par exemple Dominique, la tête dans les étoiles à l’observatoire de Saint-Véran, m’a impressionné parce qu’il était complètement en phase, perché dans son observatoire, déconnecté de notre monde terrestre et connecté au cosmos. Nous avons vécu une expérience très forte, en osmose avec la nature, à 3 000 mètres d’altitude. J’ai été touché par sa passion et sa fragilité à certains moments. Mais la rencontre avec John et ses chiens de traîneaux a aussi été très intense. Il est en harmonie avec les éléments et a une relation très singulière avec ses animaux. Ils m’ont tous marqué… Même les parents d’Alizée, qui s’occupent du refuge de l’Aigle à plus de 3 000 mètres ! Ce sont des destins et des choix de vie incroyables. Je n’ai qu’une hâte, c’est de tous les retrouver pour l’émission.

 

Si vous deviez choisir un moment fort de cette expérience ?
R. C. : Regarder les premières lueurs du jour devant l’observatoire était un moment particulier. C’est bête, parce que le soleil se lève tous les jours et nous sommes tous témoins de ça… Mais c’est une lutte avec soi-même, la montagne. Je crois qu’après l’ascension — qui a été difficile pour Cécile comme pour tout le monde, avec quand même un ressenti de – 26 °C —, la vision du Queyras à nos pieds, c’était quelque chose ! Quand j’en parle, j’en ai encore des frissons ; c’était un vrai moment de partage. Je me suis dit qu’il fallait se souvenir de la beauté du monde tous les jours, qu’elle nous nourrisse. À cet instant, malgré nos expériences différentes, on portait tous le même regard sur ce lever de soleil, et cela nous a transportés.

Propos recueillis par Marine Nozerand