Comme pour beaucoup de Français, la mer Méditerranée est synonyme pour moi de plaisir et d’insouciance. J’y ai passé les étés de mon enfance, découvert la pêche, les cigales et le plaisir de l’observation sous-marine. La promesse de Méditerranée exploite cette proximité, cette familiarité ; je souhaite que le public ait l’impression qu’il va partir en vacances avec la série, près de chez lui, dans une région qu’il pense connaître.
Et là, le choc, la surprise.
Aussi petite soit-elle, la Méditerranée est immense par ses richesses naturelles (elle abrite 10 % de la biodiversité mondiale). Combien de gens ignorent qu’il y a des baleines de 20 mètres de long à quelques encablures de la Côte d’Azur ? Qui sait que les herbiers de posidonie, le poumon de la Méditerranée, peuvent vivre plusieurs dizaines de milliers d’années ? Que des thons rouges longs de 3 mètres se reproduisent chaque année dans les Baléares ?
La Méditerranée est admirée, voire fantasmée, car elle est le berceau de nos civilisations occidentales. Mais ses histoires géologique et biologique sont trop souvent ignorées, alors qu’elle est tout sauf une mer morte.
Le tableau n’est pas parfait pour autant. Les écosystèmes sont particulièrement fragilisés en Méditerranée car les impacts des activités humaines sont très importants.
Cette petite mer accueille plus de 300 millions de touristes par an, concentre 30 % du trafic maritime mondial, est la mer la plus riche en micro-plastiques de la planète, et surtout son littoral est densément peuplé depuis des millénaires.
Ces ingrédients résonnent avec les deux hémisphères de mon cerveau.
« Le réalisateur-conteur se dit qu’il y a là le potentiel pour une très bonne histoire : des personnages surprenants, insolites et sublimes qui, à chaque moment de leur vie, doivent s’adapter, trouver leur place dans cette Méditerranée, toujours sublime mais parfois hostile, aux côtés des hommes, omniprésents.
Le réalisateur-citoyen pense, lui, qu’il est urgent de révéler au plus grand nombre la beauté de la Méditerranée, la richesse de sa vie sauvage, mais aussi son incroyable fragilité face à tous les dérèglements causés par les activités humaines. »
J’ai commencé à travailler dans ce double sillon de l’émerveillement et de la sensibilisation il y a une dizaine d’années avec la série Le plus beau pays du monde. Avec l’envie que le public observe avec un œil nouveau son environnement proche. Générer de l’étonnement, émerveiller et émouvoir le public avec des histoires d’animaux et de plantes qui nous rappellent que nous aussi, hommes, faisons partie de la nature. Et aussi parce que l’on protège plus et mieux ce qu’on aime.
Fort de cette expérience, je cherche à aller plus loin avec la série Méditerranée. Cette fois, le cadre géographique est beaucoup plus large : la Méditerranée compte 27 pays riverains. Surtout, la marque de l’homme sur les écosystèmes est si forte qu’il est impossible de l’ignorer.
Dans la première séquence du film, nous suivons une tortue caouanne qui traverse la Méditerranée pour aller se reproduire sur les plages grecques. En chemin, elle croise du plastique, échappe de peu à des filets fantômes… Comme pour cette tortue, les menaces liées aux activités humaines sont ici traitées depuis le point de vue des personnages principaux du récit : baleines, cigognes, aigle de mer, hippocampes…
Les menaces qui planent sur la biodiversité sont des obstacles réels dans la vie des héros de notre histoire. Une approche qui nous permet de ressentir dans sa chair les désordres environnementaux plutôt que de les présenter de manière purement factuelle.
Il y a aussi ces hommes et ces femmes ayant un rapport privilégié à la nature. Ils la côtoient de près, vivent de ses fruits ou tentent de la réparer. Ils cultivent la vigne dans les Cinque Terre, protègent les nids de tortues sur les plages grecques ou les faucons crécerellettes dans les Pouilles… Ils font un travail admirable pour préserver nos richesses.
J’espère que la série jouera un rôle important dans la sensibilisation du public à l’urgence de préserver notre Méditerranée.
Mon dernier mot : et si on écoutait notre vieille mer ?
Frédéric Fougea