Un soir de juillet 1985, j’avais 13 ans, et alors que je regardais à la télévision une de mes émissions préférées, Les Dossiers de l’écran, j’ai eu un choc. Ce soir-là était diffusé le film documentaire de Mosco Boucault Des terroristes à la retraite, suivi d’un débat entre historiens.
Mon souvenir est celui d’une grande émotion à la découverte de cette incroyable histoire de « l’Affiche rouge ». Tout à coup, l’idée de résistance aux occupants nazis, jusque-là très théorique, était incarnée dans mon jeune esprit par ces combattants fusillés en février 1944 (22 le seront, et la seule femme du groupe, Golda Bancic, sera guillotinée en Allemagne).
Ce dont je suis certain aujourd’hui, c’est que cette soirée télévisée, par l’empreinte indélébile qu’elle a laissée dans ma mémoire, a joué un rôle primordial dans mon envie ultérieure de m’intéresser à l’histoire et qu’inconsciemment c’est cette émotion originelle qui m’a conduit à réaliser, bien plus tard, des documentaires historiques pour la télévision.
Car comment ne pas être bouleversé par le parcours de ces hommes de « L’Affiche rouge », engagés si jeunes dans la résistance et au destin si tragique ? Un destin sublimé par les mots de Louis Aragon dont le poème sera mis en musique par Léo Ferré. Un poème inspiré au grand écrivain par la dernière lettre de Missak Manouchian à son épouse Mélinée, quelques heures avant que tous ne soient fusillés au Mont-Valérien.
Raconter Missak Manouchian et ceux de l’Affiche rouge, c’est partir à la recherche d’un homme bien plus complexe que l’image donnée par les derniers mois de sa vie et tenter de s’approcher de la vérité d’un groupe de résistants, tous étrangers, dont un grand nombre étaient juifs, qui avaient à peine 20 ans et dont le destin déclenche en nous cette immense émotion dès que s’élève la voix de Léo Ferré chantant Aragon et ses « 20 et 3, amoureux de vivre à en mourir ».
Dix d’entre eux auront leurs visages placardés par l’occupant nazi sur les murs de Paris sur une affiche rouge sang, un outil de propagande nazie qui s’est retourné contre eux et qui a finalement fait entrer dans notre mémoire collective la fin tragique de ces résistants qui ont donné leur vie pour défendre notre liberté.
Alors, pour parvenir à approcher de plus près la vérité d’un homme et celle de ses compagnons de lutte et d’infortune, j’ai choisi de m’associer à Denis Peschanski, l’un des historiens qui connaît le mieux cette période et l’histoire du « groupe Manouchian ».
Notre projet a bien sûr pris une autre dimension lorsque le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé que Missak Manouchian et, avec lui, ceux de l’Affiche rouge seraient tous honorés en février 2024, 80 ans après leur exécution, lors de l’entrée solennelle de Manouchian au Panthéon, accompagné dans sa dernière demeure par son épouse Mélinée.
Le Résistant est honoré à titre personnel, évidemment, lui qui a choisi « deux fois la France, par sa volonté de jeune homme arménien épris de Baudelaire et de Victor Hugo, puis par son sang versé pour notre pays », comme l’a déclaré la présidence de la République dans un communiqué.
Mais, à travers lui, seront « aussi célébrés » comme le précise le communiqué, l’ensemble de ces étrangers résistants, Hongrois, Polonais, Espagnols, Italiens, Roumains, Arméniens qui ont payé de leur vie leur engagement aux côtés de la République.
Notre film se veut ainsi un travail de mémoire destiné à honorer l’engagement de ceux qui faisaient partie de ce que l’on appellera bien plus tard « le groupe Manouchian ».
Et pour raconter cette incroyable et terrible histoire, nous avons demandé à Arthur Teboul, le chanteur du groupe Feu! Chatterton, de porter notre récit, lui qui a choisi d’interpréter en live lors de sa dernière tournée une très belle version de la chanson de Léo Ferré.
Hugues Nancy, le réalisateur
Manouchian et ceux de l'Affiche rouge
Documentaire
Unité documentaires
de France Télévisions
Antonio Grigolini
Pôle histoire et culture
Emmanuel Migeot
Louis Castro
À voir sur
francetv.preview
Biographie de Hugues Nancy
Hugues Nancy a écrit et réalisé de nombreux documentaires pour les chaînes du service public. Avant de se plonger dans l’histoire de Missak Manouchian et des résistants de l’Affiche rouge, il a notamment réalisé pour France 2 Nous les ouvriers, avec Fabien Béziat, diffusé en octobre 2023, Il était une fois Marseille (110 min, 2022, France 3) ou Colonisation, une histoire française (3 x 60 min, 2021, France 3). Hugues Nancy a aussi exploré d’autres dispositifs narratifs comme avec Révolution ! (2 x 60 min, 2021, France 2), réalisé avec Jacques Malaterre et qui, grâce aux outils de la fiction, raconte la Révolution française comme si un documentaire avait été tourné à l’époque.