Près de 13 000 Juifs sont arrêtés en région parisienne les 16 et 17 juillet 1942, C'était il y a 80 ans.
Près de 13 000 Juifs sont arrêtés en région parisienne les 16 et 17 juillet 1942, dont 8 000 envoyés vers le palais des sports du Vélodrome d’Hiver avant d’être déportés. C’est, de loin, la plus grande rafle menée par la police française dans la France occupée. Il n’y a aucun équivalent en Europe de l’Ouest. À partir de recherches inédites, ce film mêlant témoignages des derniers survivants, scènes d’animation et images d’archives retrace l’histoire de cette terrible opération.
12 884 femmes, hommes et enfants arrêtés à Paris en un peu plus de 24 heures et envoyés vers les camps de la mort durant l’été 1942. Il n’y avait pas de mots pour qualifier une telle opération – les policiers chargés des arrestations parlèrent de « rafle monstre ». Il n’existait aucun précédent historique – le seul parallèle venant à l’esprit des contemporains étant la Saint-Barthélemy, ce massacre de plusieurs milliers de protestants à Paris à l’été 1572…
Plus de 8 000 Juifs arrêtés les 16 et 17 juillet 1942 ont été envoyés vers le palais des sports du Vélodrome d’Hiver (XVe arrondissement), à deux pas de la tour Eiffel, avant d’être déportés. L’expression « rafle du Vel d’Hiv » s’est imposée dans la mémoire collective, au point de devenir le principal repère mémoriel sur la France des années noires. En 1995, c’est sur les lieux de l’ancien vélodrome que le président Jacques Chirac a reconnu la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs. La rafle du Vel d’Hiv est devenue le symbole absolu du drame de la Shoah en France et des conséquences criminelles de la politique de collaboration menée par Vichy. Cette livraison aux nazis de milliers d’innocents, au mépris de la convention d’armistice, juge définitivement le régime pétainiste.
Paradoxalement, la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942 n’a jamais été racontée du point de vue de son organisation policière et des témoins des événements. À partir de recherches menées dans des archives inédites ou rarement explorées, ce film retrace l’histoire de cette rafle telle que l’ont vécue Juifs pourchassés et policiers traqueurs, depuis sa planification dans les bureaux de Vichy jusqu’à son déroulement heure par heure dans les rues parisiennes. En se focalisant sur l’événement le plus marquant de la France occupée, c’est toute la politique de Vichy et le rapport de la société française à l’égard des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale qui sont mis en lumière.
Les témoins
Le film donne la parole aux derniers survivants de la rafle. Ils étaient enfants ou adolescents à l’été 1942. Ils sont les ultimes rescapés de la Shoah en France. Ils délivrent une parole forte et émouvante. La somme de leurs récits personnels forme une mosaïque, qui dessine la grande histoire de la rafle du point de vue des victimes. Ils sont également revenus sur la façon dont ils ont échappé au destin tragique qui les attendait, leur survie dans la France occupée, puis dans celle de l’après-guerre.
- Léon Fellman (17 ans au moment de la rafle)
- Rachel Jedinak (8 ans au moment de la rafle)
- Annette Krajcer-Janin (13 ans au moment de la rafle)
- Jenny Plocki (17 ans au moment de la rafle)
- Joseph Schwartz (15 ans au moment de la rafle)
- Arlette Testyler (8 ans au moment de la rafle)
- Esther Senot (14 ans au moment de la rafle)
- Annette Zaidman (8 ans au moment de la rafle)
Note d'intention de David Korn-Brzoza, réalisateur
Raconter, comprendre, transmettre
Raconter l'inimaginable, une rafle « monstre » : la rafle du Vel d'Hiv.
Mais la rafle du Vel d'Hiv, pour beaucoup, reste quelque chose d'assez flou. Le Vel d'Hiv, c’était quoi ? C’était quand ? C’était où ?
Pour raconter cet épisode tragique, j'ai souhaité que l'on puisse voir ce vélodrome dont nous avons tant entendu parler. Il n'existe qu'une seule photo de la rafle. Grace aux modélisations 3D, nous avons pu reconstituer le stade du Vel d'Hiv et le situer sur un plan de Paris. Il n'était qu'à 800 mètres à peine de la tour Eiffel.
Pour comprendre comment la rafle s'est déroulée, il a fallu ouvrir les archives rares ou inédites, éplucher les milliers de dossiers, les fiches, les procès-verbaux, les circulaires, les ordres signés, les rapports de préfets, les listes de déportation et bien saisir comment Vichy et l'occupant se sont réparti les tâches.
Il a fallu également rassembler et scruter des centaines d'heures d'archives audiovisuelles pour y déceler les images relatives à cette histoire, comme ces plans de Bousquet et Oberg au Vel d'Hiv quelques semaines après la rafle.
Ces recherches, menées avec Laurent Joly, permettent de ne pas tomber dans les pièges des films ou livres précédents. Car l'histoire s'affine grâce au travail des historiens. On découvre que la rafle ne s'est jamais appelée « opération vent printanier », contrairement à une idée longuement partagée. On se rend compte que certains clichés, légendés à l’époque « rafle du Vel d'Hiv », représentaient en réalité des collaborateurs arrêtés lors de l'épuration en 1944 : il n'existe à ce jour qu'une seule photo de la rafle.
Grâce aux travaux de Serge Klarsfeld, nous avons pu mettre des visages sur ces listes infinies de noms de victimes. Son immense album des enfants donne le vertige. Des milliers de visages. Des milliers de déportés. Déporté, un mot dont on oublie la terrible réalité qu'il recouvre. Car derrière lui se cache un enfer : Train, wagon à bestiaux, voyage interminable, chiens, miradors... un enfer d'autant plus grand qu'il n'épargne personne, pas même les enfants qui ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils suivent les adultes, ils obéissent, ils font ce qu'on leur demande, et au bout du chemin, au bout du voyage, c'est une gare inconnue Auschwitz, puis la mort. Comme l'écrit Charlotte Delbo : « Il est une gare où ceux-là qui arrivent sont justement ceux-là qui partent... »
Pour transmettre, nous avons retrouvé les hommes et femmes qui ont vécu la rafle. Ces témoins directs avaient entre 8 et 17 ans en 1942. Tous se souviennent de leur arrestation, de leur séparation, de leur miraculeux sauvetage... et des fantômes du passé.
Le choix de construire le film sur la parole des témoins s'est rapidement imposé. C’est le dernier moment pour recueillir leur histoire, le dernier moment pour qu’un tel film existe. Dans quelques années, il sera trop tard. Nous les avons interviewés avant même d'entrer en production.
Léon Fellman est décédé depuis. Précieuses paroles. Parcelles de vie. Parcelles de mémoire qui jalonnent la grande histoire. Ils racontent ce que les plus de 12 000 autres raflés de ces jours de juillet 1942 n'ont jamais pu raconter.
Tout cela dans l'espoir de comprendre enfin la page la plus sinistre de l'histoire de l'occupation. Une histoire où, pour reprendre les mots de Jacques Chirac, « la France a livré ses protégés à leurs bourreaux ». Une histoire de crime contre l'humanité ; une histoire faite de honte et de larmes.
Note d'intention de Dominique Tibi, productrice
Ce film est le résultat d’un travail de deux années et je suis fière, grâce à France Télévisions et nos partenaires, d’avoir permis à l’équipe constituée autour de Laurent Joly, historien, d’accomplir cet incroyable travail de recherche. Des archives de la préfecture de Police de Paris aux archives Nationales en passant par les Archives de Paris pour éplucher les registres des écoles et les archives de l’APHP, ce sont des centaines de documents inédits qui ont été retrouvés. Ils sont aujourd’hui présents dans le documentaire et ont offert la matière nécessaire à l’écriture de cette enquête implacable sur ce qui s’est passé, concrètement, les 16 et 17 juillet 1942. Ces recherches ont également donné lieu à l’écriture de La Rafle du Vel d’Hiv, un livre publié récemment chez Grasset.
La force de ce film repose également sur le talent, la sensibilité, l’exigence du réalisateur David Korn-Brzoza qui a réussi à restituer comme si nous y étions, un récit heure par heure porté par les voix dignes et émouvantes des témoins de l’époque. Ce n’est pas leur faire injure que d’affirmer avoir le sentiment de vivre cette rafle comme si on y était.
Une de nos témoins nous a confié avoir retrouvé pour la première fois la réalité crue de ses souvenirs à travers la reconstitution 3D très réussie.
Il est essentiel que ce film soit vu par le plus grand nombre. Notre devoir est de permettre à toute une génération de connaître cet épisode de notre histoire.
Réalisé par
David Korn-Brzoza
Ecrit par
Laurent Joly et David Korn-Brzoza
Raconté par
Vincent Lindon
Produit par
Dominique Tibi
Roche Productions
Avec la participation de
France Télévisions et Histoire TV
Avec le soutien du
CNC, de la Région Île-de-France, du Ministère des Armées, de la Procirep, et de l’Angoa-Agicoa, de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de la Fondation Rothschild-Institut Alain de Rothschild
Pôle histoire et culture
Emmanuel Migeot et Clémence Coppey
Directrice des documentaires
Catherine Alvaresse
Adjointe
Julie Grivaux
103 min
Librement inspiré de l’ouvrage L'État contre les juifs de Laurent Joly (Editions Grasset & Fasquelle, 2018)